Cœur artificiel, œil bionique : la technologie au service du corps humain

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Par Armelle Oger

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© JohnnyGreig / Istock

La réparation du corps humain devient possible grâce au développement des nouvelles technologies. Désormais, on peut même créer des organes artificiels.

« Greffé, appareillé, implanté, transfusé : un nouvel homme est né, s’émerveille Hervé Chneiweiss, directeur de recherche au CNRS dans son livre L’homme réparé*. De la vie fœtale jusqu’au dernier jour, il est aujourd’hui possible d’intervenir pour réparer les corps. De la molécule à l’organe, voire à un système complet, la médecine de substitution ne semble plus avoir de limites », commente le neurobiologiste, président du comité d’éthique de l’Inserm.

Composés de biomatériaux compatibles avec le corps humain, les organes artificiels s’inscrivent ainsi peu à peu comme une alternative possible aux greffes.
Expérimentée en 1967, la chirurgie cardiaque devient presque banale. Aujourd’hui, le cœur artificiel prend le relais avec une nouvelle implantation réalisée en août dernier au CHU de Nantes.

Des espoirs pour les malades

Les avancées de la recherche n’ont jamais été aussi porteuses d’espoir. Celui, par exemple, d’un pancréas bio-artificiel qui permettrait aux diabétiques d’en finir avec les injections quotidiennes d’insuline : les premiers résultats des expériences menées sur des patients à Montpellier et Oxford sont attendus fin 2017.

Au Japon, c’est un rein artificiel conçu à partir de cellules souches humaines que des chercheurs sont parvenus à reproduire, et ceux de l’université de San Francisco travaillent sur une version miniaturisée et implantable d’un système de dialyse. L’expérimentation de ce dispositif devrait débuter en 2017.

Retrouver la vue et l’ouïe

« Le cerveau n’est pas à l’écart du grand mouvement avec l’implantation de stimulateurs à haute fréquence dans le cas de certaines formes de maladie de Parkinson, et rendre la vue aux aveugles fait partie de ces espoirs devenus réalité », poursuit Hervé Chneiweiss.

Prouesse technologique, l’œil bionique permet déjà à certains non-voyants de pouvoir reconnaître le bord d’un trottoir, distinguer une silhouette : un progrès considérable pour qui vit, parfois depuis toujours, dans l’obscurité.

Implantés dans la cochlée, des électrodes peuvent transformer le quotidien des malentendants. Récemment, grâce à la thérapie génique, des chercheurs américains et suisses ont rendu l’ouïe à des souris sourdes.

Vers l’homme bionique ?

Les prothèses de nouvelle génération, truffées de capteurs, biomimétiques, sensitives, annoncent, elles, l’ère de l’homme bionique. Et transforment la notion même de handicap.

« L’électronique embarquée permet à des genoux intelligents de restituer au mieux la marche en analysant à la fois l’environnement et le mouvement du membre controlatéral pour se caler sur lui, explique Philippe Fourny, délégué général de l’Union française des orthoprothésistes. Et la miniaturisation des motorisations des prothèses permet aux doigts prothétiques d’avoir des mouvements plus affinés ».

Des prothèses aux ordres du cerveau

Amputé à 16 ans à la suite d’un accident, Hugh Herr, directeur du laboratoire de biomécanique du Massachusetts Institute of Technology, conçoit des prothèses permettant de se mouvoir naturellement. Si naturellement que la danseuse Adrianne Haslet Davis, ayant perdu une jambe en 2013 dans l’attentat de Boston, a pu de nouveau se produire sur scène.

« D’autres pistes existent également autour du système nerveux central avec des informations qui animent la prothèse, transmises directement du cerveau », ajoute Philippe Fourny. Utiliser les signaux émis par le cerveau pour retrouver l’usage d’un membre ne relève plus de la science-fiction.

En 2016, via une puce implantée dans la zone du cerveau visualisant la marche, un jeune Américain quadriplégique a pu de nouveau se servir de ses mains.

Riches d’espoirs, ces nouvelles techniques de réparation des corps posent la question de leur coût et de l’accès aux soins du plus grand nombre. Celle, aussi, pour Hervé Chneiweiss, « du glissement de la médecine de soin vers la médecine de performance et ses aspects trompeurs ».

Glissement de l’homme réparé à l’homme augmenté, programmé pour devenir complètement artificiel prôné par Ray Kurzweil, chantre du transhumanisme**…

Témoignage

Marc Bussière, kinésithérapeute non-voyant
« Je ne suis pas au bout de l’aventure »

Opéré en 2015, ce kinésithérapeute nancéen champion de tandem fait partie des premiers non-voyants ayant bénéficié d’un implant rétinien, véritable œil bionique.

« Lorsque le CHU de Strasbourg m’a contacté en novembre 2014, j’ai tout de suite été partant. Un peu plus de dix-huit mois plus tard rythmés par des exercices quotidiens de rééducation visuelle, je constate une amélioration de mon résidu visuel grâce aux exercices de stimulation. Et ce, même quand je ne porte pas mes lunettes spéciales avec caméra intégrée. J’ai des perceptions plus nombreuses d’effets lumineux qui commencent à devenir intéressants. Voir que la lumière est allumée et l’éteindre : ce n’est pas rien ! J’aperçois des choses que je ne voyais pas, comme un pot de café sur la table ou la porte plus sombre du micro-ondes. Il faut être patient. On progresse lentement. Je suis certain que je ne suis pas au bout de l’aventure ».

* L’homme réparé, Hervé Chneiweiss (Plon).
** Mouvement culturel et intellectuel prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtes humains.

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