« L’idée que les salariés sont capables de reprendre l’entreprise a fait son chemin »

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Par Angélique Pineau

Temps de lecture estimé 6 minute(s)

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© Jean Robert Dantou

De plus en plus de Scop voient le jour suite à la transmission d’entreprises (saines) du dirigeant aux salariés. Explications avec Patrick Lenancker, président de la Confédération générale des Scop.

Contrairement à ce que l’on imagine, assez peu de Scop naissent de la reprise d’une entreprise en difficulté ?

Les Scop sont trop souvent associées à la reprise d’entreprises défaillantes. Or, fin 2014, elles n’étaient à l’origine que de 12 % des Scop. En réalité, près de 60 % sont des créations d’activité. Et, depuis une dizaine d’années, est apparu le phénomène de cession d’entreprises saines aux salariés, qui représentait pour la première fois l’an dernier 20 % des créations de Scop.

Ces dernières sont en général des PME qui fonctionnent bien et dont le dirigeant souhaite faire valoir ses droits à la retraite. Par le passé, il aurait transmis tout naturellement à ses descendants mais aujourd’hui ses enfants n’en ont pas forcément envie. Par ailleurs, l’idée que les mieux placés pour reprendre l’entreprise sont peut-être les salariés eux-mêmes a fait son chemin, à la fois chez les élus locaux et dans les organisations syndicales. On a milité pour cela à la CG Scop. Il y a quelques années, on passait parfois pour de doux rêveurs. Aujourd’hui, l’emploi devient un enjeu sociétal tellement fort que tout le monde est favorable au fait de préserver nos entreprises plutôt que de les voir disparaître.

La loi sur l’ESS de juillet 2014 l’a valorisé à travers deux éléments. Le premier, c’est l’information préalable des salariés en cas de cession de l’entreprise. Parce que s’ils ne le savent pas ou trop tard, il est très difficile pour eux de s’y préparer. Le second, c’est la création d’un nouveau statut transitoire de Scop d’amorçage car, dans certains cas, les montages financiers sont plutôt complexes ou bien il y a beaucoup d’argent à mettre sur la table.

 

Ces deux éléments de la loi ESS vont donc dans le bon sens ?

Tout à fait. L’information est un élément essentiel puisque si on veut transmettre une entreprise, il est impératif d’anticiper. La question ne se pose pas le jour du départ à la retraite du dirigeant. On ne monte pas une reprise d’entreprise, y compris si elle est saine, en trois semaines ou même en deux mois. Il faut le temps de se parler, de se mettre d’accord sur le prix d’acquisition, de bâtir un projet d’organisation, qu’émerge un nouveau dirigeant dans l’équipe… Et cela prend en général entre 12 et 18 mois. La loi prévoit donc que, tous les 3 ans, l’entreprise informe les salariés sur sa situation.

Cela rend également service aux dirigeants car on estime qu’environ 10 % d’entreprises saines disparaissent faute de repreneur. On ne rêve pas de faire 100 % de cessions aux salariés, ce n’est pas la question, mais si on arrivait simplement à préserver ces 10 % de PME, ce sont des centaines voire des milliers d’emplois qui seraient maintenus en France.

Quant à la Scop d’amorçage, c’est un nouveau statut en vigueur depuis le 1er janvier 2015. La PME industrielle Delta Meca, basée en Loire-Atlantique, a été la première du genre. Les deux dirigeants souhaitaient céder leur entreprise et avaient vraiment envie que ce soit à leurs salariés. L’avantage de ce statut, c’est qu’il permet de le faire de façon progressive, et donc sereine. Le fait que cela puisse s’étaler sur 7 ans peut vraiment faciliter les transmissions d’entreprises. Une petite dizaine d’autres projets de Scop d’amorçage est actuellement en cours.

 

En dehors de l’anticipation, quelles sont les autres clés pour réussir son projet de transmission d’entreprise en Scop ?

La principale, c’est d’abord de s’assurer de la bonne santé de l’entreprise, que le projet économique est viable. Ensuite, il faut se demander s’il y a des hommes et des femmes qui veulent s’impliquer au-delà du statut de salarié, pour devenir salarié associé. Le projet doit être porté par une équipe solide, qui n’est pas forcément constituée de 100 % des salariés. Il faut aussi un ou quelques leaders car, au final, il faudra bien des dirigeants. Il est essentiel également de se faire accompagner. C’est ce que propose le réseau des 13 Unions régionales des Scop, qui couvre l’ensemble du territoire national. Les délégués régionaux peuvent épauler à la fois les salariés-repreneurs et les cédants. On est là aussi pour faire de l’intermédiation entre les deux, sur des points qui peuvent être un peu sensibles parfois.

À partir du moment où l’on réunit ces principales clés de réussite et que l’on anticipe suffisamment, dans la quasi-totalité des cas cela débouche sur une transmission sereine aux salariés. Car le but est tout sauf de les mettre en difficultés.

 

En chiffres :

  • La France compte près de 2 700 sociétés coopératives et participatives : 2 222 Scop et 408 Scic (voir Pour en savoir plus).
  • Elles emploient près de 51 000 salariés au total dont environ 27 000 sont associés (soit plus de la moitié).
  • Ces sociétés coopératives et participatives génèrent un chiffre d'affaires consolidé de 4,4 milliards d'euros.

Source : Confédération générale des Scop (CG Scop), bilan fin 2014.

 

Les spécificités d'une scop :

  • Les sociétés coopératives et participatives sont des entreprises en tant que telles (sous forme de SARL, de SAS ou de SA), mais dont les salariés sont les associés majoritaires.
  • Aucun des associés ne peut détenir, à lui seul, plus de 50 % du capital. L’entreprise est la propriété partagée d’un collectif de salariés, qui peuvent aussi avoir des associés externes.
  • Les décisions sont prises sur le principe : 1 personne = 1 voix.
  • Dans une Scop, il y a bien un dirigeant (ou plusieurs), mais il est élu par les salariés associés.
  • Autre spécificité : celle de constituer des réserves, totalement impartageables, et qui contribuent au développement de l’entreprise, pour assurer sa pérennité.

 

Pour en savoir plus

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