Jacques Stern : Le gouvernement prévoit de compenser la baisse des APL subie par les locataires par une réduction de 50 à 60 € du loyer mensuel facturé par les organismes de logement social. Ce sont donc les bailleurs sociaux comme Harmonie Habitat qui subiront de plein fouet les conséquences de cette décision.
J. S. : Elle a tout d’abord un fort impact financier. Les recettes générées par les loyers servent d’abord à rembourser les emprunts et à assurer l’entretien courant des immeubles. Et le solde est consacré à la construction de nouveaux logements, à rénover les anciens, à réaliser des travaux pour répondre aux exigences de réduction des consommations d’énergie… En baissant les loyers que nous percevons, nous faisons face à un véritable manque à gagner qui met en péril notre capacité à investir. C’est-à-dire notre capacité à créer plus de logements, alors que la demande est forte, et à proposer des logements accueillants, dotés d’une bonne isolation thermique, etc. C’est tout le secteur HLM, les bailleurs sociaux, les gens qui travaillent pour nous et avec nous, qui est en danger.
J. S. : À court terme, pour nos locataires, non. La mesure vise justement à compenser la baisse de leurs APL. Mais à moyen terme, ils subiront notre manque de moyen. Nous ne pourrons plus engager autant d’argent dans l’entretien et la rénovation des logements. Par ailleurs, en Loire-Atlantique aujourd’hui, 32 000 personnes, familles, sont en attente d’un logement social. Si nous ne pouvons plus construire de nouveaux logements, si nous sommes obligés de vendre une partie de notre patrimoine pour poursuivre notre activité, comment pourrons-nous répondre à leurs attentes ?
J. S. : Le préalable est d’informer les concitoyens. Il faut que chacun se saisisse du sujet. La mesure a été intégrée au projet de Loi de Finances 2018 que le Parlement devra adopter d’ici la fin de l’année. Ce sont les députés qui acteront ou non la décision. Il faut les interpeller. J’invite chaque citoyen à écrire à son député pour lui faire part de son opposition ou à se rendre à sa permanence. Il est aussi possible de signer une pétition en ligne qui sera remise au ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin. Les enjeux sont grands, la mobilisation doit être à leur mesure.
J. S. : Il s’agit d’abord d’un enjeu social. On s’attaque aux plus défavorisés, aux plus démunis, aux plus fragiles. Car le secteur des HLM, c’est ça : permettre à des personnes, des familles, qui ont peu de moyens d’accéder à un logement décent. Cette mesure, si elle est adoptée, pourrait casser le modèle du logement social que nous avons bâti depuis l’après-guerre.
Ensuite, ce serait mettre un frein à son développement. Au-delà du logement dit « familial », nous sommes engagés dans des projets de logements collectifs – maisons de retraite, foyers de jeunes travailleurs, centres pour personnes en situation de handicap… Des lieux qui répondent à des problématiques actuelles et qui concernent l’ensemble de la société : vieillissement, dépendance, chômage des jeunes !
Enfin, c’est aussi un enjeu de santé publique. Avoir un logement, vivre avec sa famille dans un lieu agréable, propre, sain, bien isolé, est indispensable pour être en bonne santé, physique et mentale. C’est notamment l’une des raisons historiques qui ont mené les organisations mutualistes de Loire-Atlantique à s’engager dans le logement social. Et ce qui nous pousse aujourd’hui à dénoncer et à combattre toute mesure qui mettrait en cause cet engagement.
* Harmonie Habitat est un acteur de référence du logement social en Loire-Atlantique. Il est présent sur 73 communes et 220 sites. Il compte 6 012 logements en immeubles collectifs ou en maisons individuelles et 1 746 foyers logements (jeunes travailleurs ou personnes âgées).