L’absence ou l’insuffisance de couverture en prévoyance peuvent être désastreuses pour la santé et sur le plan financier. Pour faire le point sur la situation, le Groupe VYV, acteur du marché de la prévoyance en France, a présenté son Observatoire de l’imprévoyance*, à l’occasion du 43e congrès de la Mutualité Française, qui s’est ouvert le 7 septembre 2022 à Marseille.
Qu’est-ce que l’imprévoyance ? Ce sont des prestations de prévoyance non versées par insuffisance de couverture aux familles confrontées à une maladie ou un accident. Son coût est évalué à 15 milliards d’euros par an.
L’Observatoire distingue trois catégories de populations concernées :
Par ailleurs, parmi les actifs, on constate une disparité de couverture. Ainsi, les salariés du privé sont globalement les mieux couverts, mais il subsiste de fortes inégalités entre statuts et secteurs d’activité.
Les fonctionnaires subissent également d’importants « trous de couverture », notamment en cas d’invalidité, tout comme les travailleurs non-salariés et les chômeurs.
L’imprévoyance serait donc un risque sous-estimé. C’était tout l’objet du débat proposé durant le congrès. « Comme l’assurance, la prévoyance c’est l’achat au comptant d’une sécurité à terme. Le « à terme » pouvant se produire dans 10, 20 ou 30 ans, et dans des situations qu’on ne connaît pas forcément », souligne Catherine Touvrey, directrice générale d’Harmonie Mutuelle et directrice assurance et protection financière du Groupe VYV. D’ailleurs, « un sans domicile fixe sur deux se retrouve à la rue car il n’avait pas de protection sociale, et parce qu’il a eu une maladie, un accident, ou encore le décès d’un proche », ajoute-t-elle.
Catherine Touvrey constate le manque d’intérêt de la population française pour le sujet de la prévoyance. Un désintérêt qu’elle observe aussi du côté des employeurs. Certes, la moitié d’entre eux considère bien qu’il s’agit d’un investissement ou encore d’un facteur d’attractivité pour les salariés. Pour l’autre moitié, la prévoyance représente avant tout des charges sociales. Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l’Unsa (union nationale des syndicats autonomes), reconnaît pour sa part que le sujet de la prévoyance est difficile à aborder, parce qu’il « renvoie à des notions comme le décès, le handicap, ou encore d’invalidité. Personne n’a vraiment envie de parler de ça ».
De son côté, Catherine Touvrey rappelle que la dernière loi marquante en matière de prévoyance remonte à 1989**. Durant le quinquennat précédent, « on a beaucoup parlé de retraite, de complémentaire santé, mais finalement assez peu de prévoyance ».
La couverture de la prévoyance est décidée au niveau de la branche professionnelle. « Il n’y a pas d’obligation du côté des employeurs d’assurer une couverture en matière de prévoyance pour les salariés non-cadres », explique David Cluzeau, délégué général d’Hexopée (organisation professionnelle représentative des employeurs de l’ESS).
Pour mémoire, les entreprises employant des cadres (ou des assimilés cadres), ont l’obligation de verser une cotisation égale à 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond de la Sécurité sociale. Cette obligation de prévoyance concerne la garantie décès.
« Pourquoi les cadres auraient-ils droit à une protection obligatoire en cas de décès et non les autres salariés ? », interpelle Dominique Corona, qui y voit une forme de discrimination. La prévoyance est selon lui un sujet essentiel, qui porte sur des risques très lourds : le décès, le handicap, l’invalidité, les incapacités.
Pour permettre à l’ensemble des actifs de faire face à ces risques, le Groupe VYV préconise de consacrer au moins 1,5 % de la masse salariale ou des revenus à l’imprévoyance de tous les salariés (du privé), cadres, comme non-cadres. Éric Jeanneau, administrateur du Groupe VYV et président de l’Union Mutualiste Retraite (UMR), estime qu’il y a « un vrai manque » concernant la population des salariés non-cadres.
Le Groupe VYV plaide ainsi en faveur d’un « socle de couverture universelle, sur les risques décès et invalidité ».
Les modalités (budget, garanties, niveau de participation de l’employeur…) seraient définies dans le cadre habituel de négociations (branches, ministères…) afin de s’adapter aux spécificités du secteur d’activité, des métiers et de la population assurée.
Enfin, Catherine Touvrey défend l’idée d’une obligation d’information. « Aujourd’hui, très peu de salariés ont un bilan social individualisé. Ils ignorent ce à quoi ils peuvent prétendre quand les choses tournent mal sur le plan de la santé notamment ».
* Le Groupe VYV a créé, fin 2019, l’Observatoire de l’imprévoyance afin de sensibiliser les Français. Le coût de l’imprévoyance est déterminé selon une méthode de calcul élaborée avec l’appui de François-Xavier Albouy, économiste de la santé et du cabinet d’actuariat CAPS.
**Loi du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, dite loi Evin.
Légende photo : De gauche à droite, Lucie Nuttin, journaliste (France 3 Régions) et animatrice du débat, Catherine Touvrey, directrice générale d’Harmonie Mutuelle, David Cluzeau, délégué général d’Hexopée et Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l’Unsa, échangent autour des risques liés à l’imprévoyance.