« Nous ne savons pas quelle sera la hauteur de la vague mais nous savons qu’elle va venir. Nous nous y préparons. » Comme le souligne Annie Blivet, directrice des soins de l’Hôpital privé des Côtes-d’Armor (HPCA) à Saint-Brieuc, les établissements hospitaliers privés — en l’occurrence, pour HPCA, à but non lucratif — se tiennent prêts. Prêts à mettre à disposition leurs capacités d’accueil dans ce contexte inédit de pandémie. Cette mise à disposition se fait dans le cadre de la coordination hospitalière orchestrée par l’Agence régionale de santé (ARS) :
• D’un côté, les hôpitaux publics, dont les Centres hospitaliers universitaires (CHU). Ils sont en première ligne dans la prise en charge des soins et par conséquent des patients atteints du Covid-19 (selon leur place dans la centralisation des soins, certains hôpitaux publics sont en deuxième ligne).
• De l’autre, les établissements privés. Venant en deuxième ou troisième ligne, ils ont déprogrammé l’ensemble de leurs activités médicales et chirurgicales non urgentes.
Cette coordination se fait dans le cadre du « plan blanc », qui est déclenché par les pouvoirs publics pour faire face à une situation sanitaire exceptionnelle. Dans le cas du Covid-19, le plan blanc « élargi » consiste à mobiliser tous les établissements et secteurs d’activité du système de santé. C’est justement dans ce contexte que les cliniques et hôpitaux privés se préparent, non sans une certaine effervescence.
Les dix cliniques d’Hospi Grand Ouest, (HGO) par exemple, font partie des sites mobilisés. Quelques jours avant le début du confinement, ce groupement hospitalier mutualiste du groupe VYV (qui comprend notamment Harmonie Mutuelle) a mis en place sa cellule de crise. « Chaque jour à 17 heures, toutes les directions d’établissement se concertent », explique Éric Berrégard, directeur général délégué d’HGO. L’occasion de dresser un point complet de la situation :
« Nous évaluons aussi l’avancée de la pandémie sur chacune des villes de notre périmètre », ajoute Éric Berrégard. Chaque structure fait ensuite le point en interne de manière à coordonner ses actions avec les autres institutions, en particulier les hôpitaux publics en première ou deuxième ligne.
Implanté en Bretagne et Pays de Loire, le groupe hospitalier mutualiste Hospi Grand Ouest (HGO) comprend neuf établissements médico-chirurgicaux, trois maternités et trois secteurs de soins de suite. Il a été créé en 2010 par trois entités mutualistes : Mutualité Finistère Morbihan, Harmonie Mutuelle et Harmonie Service Mutualistes. Depuis, plusieurs partenaires mutualistes ont rejoint le projet des membres fondateurs : Malakoff Médéric, Matmut, MBA Mutuelle, Carac, Radiance et plus récemment, SHAM et France Mutualiste.
Sujet crucial : les lits disponibles. « L’ARS nous a demandé de nous préparer à accueillir des patients atteints du Covid-19 que l’hôpital Yves Le Foll de Saint-Brieuc ne pourrait prendre en charge, témoigne Annie Blivet, dont l’établissement fait partie du groupe HGO. Pour répondre à cette demande, nous avons fait évoluer nos 12 lits USC (unités de surveillance continue) en lits de réanimation, avec l’équipement adéquat. Par ailleurs, suite à la déprogrammation des interventions non urgentes — sur tous les secteurs sauf la cancérologie et les urgences — nous avons sectorisé le 1er étage de la clinique. À partir des capacités habituellement consacrées au service ambulatoire et à l’hôpital de semaine, nous avons créé 23 lits dédiés aux patients atteints du Covid-19. Pour cela, il a fallu recenser le matériel existant. En temps normal, nous ne ventilons pas les patients plus de 24 heures. Mais pour faire face à l’afflux prévisible de patients, nous mobiliserons les ressources médicales, humaines et matérielles nécessaires à ces prises en charge spécifique. »
Mais la mise à disposition de lits « Covid-19 » ne suffit pas. Le personnel médical doit aussi se mobiliser pour prendre en charge cette fameuse « vague coronavirus » qui est attendue en Bretagne-Pays de Loire. Aussi, du personnel infirmier et certains anesthésistes-réanimateurs HPCA se sont rendus à l’hôpital Yves Le Foll, dans le cadre d’une coordination tout à fait exemplaire.
« Nous nous synchronisons également sur un plan stratégique, reprend Annie Blivet. Plusieurs fois par semaine des points de situation sont faits entre les cellules de crise HPCA et Yves Le Foll afin de coordonner au mieux nos actions selon l’évolution de l’épidémie sur le territoire. » À ce titre, les flux de patients peuvent aussi être inverses. L’hôpital public prévoit d’accueillir, si nécessaire, des patients atteints de Covid-19 qui nécessitent une réanimation en urgence.
Éric Berrégard le confirme : la coopération entre structures hospitalières privées et publiques est très forte. « Il peut aussi nous arriver de prêter des respirateurs aux établissements de premier et deuxième niveau si cela s’avère nécessaire», dit-il. Pour les personnels des cliniques HGO, il s’agit aussi de se former. Ainsi, les équipes sont entraînées au respect des mesures lors des prises en charge :
« Actuellement, il y a encore très peu de gens en réanimation en Bretagne-Pays de Loire pour cause de Covid-19, précise Éric Berrégard. Cette période nous aura permis de nous roder, avec des équipes très motivées qui se préparent très sérieusement et que je tiens à saluer. »
Et le matériel ? Parallèlement à l’épineux sujet des masques (lire encadré), les cliniques HGO disposent au minimum d’un respirateur artificiel par salle de bloc opératoire, voire d’un surstock en cas de besoin. « Nous sommes capables de fournir plusieurs dizaines de respirateurs complémentaires, fait remarquer Éric Berrégard. Nous sommes ainsi en capacité d’être en soutien des besoins lorsqu’ils se feront jour. »
Comme le souligne le directeur général délégué d’Hospi Grand Ouest, « c’est tout l’intérêt d’une collaboration public-privé ». Cette coopération est un atout précieux pour affronter un tel tsunami sanitaire. Du côté de HGO, on est paré.
Les hôpitaux privés sont-ils en pénurie ? Certes, les situations varient selon les régions et les villes mais le manque de masques se fait sentir. En région, l’ARS centralise la distribution des masques vers les établissements hospitaliers de première ligne, qui les redistribuent vers les autres structures publiques et privées. Dans le grand Ouest, la situation est tendue mais pas dramatique. « Nous pouvons tenir quelques semaines avec notre stock sur certains sites mais très vite il nous en faudra plus », lance Éric Berrégard, qui insiste sur la vigilance d’Hospi Grand Ouest par rapport à d’éventuels masques de substitution : « Nous ne voulons pas mettre en danger nos praticiens ni nos salariés ».
Heureusement, la solidarité se manifeste à cette occasion et les dons de masques ne sont pas rares, qu’ils viennent de sociétés ou de particuliers. Ainsi, par exemple, une entreprise du bâtiment a récemment fait le don de plusieurs dizaines de masques de protection FPP2. « Avec l’hôpital Yves Le Foll, nous nous partageons ces dons selon la clé de répartition définie par la tutelle, » explique Annie Blivet (HPCA), qui constate une amélioration des stocks lors de la deuxième semaine de confinement.