La crise sanitaire, liée au Covid-19, a dégradé la santé mentale des Français et révélé les défaillances de la prise en charge dans ce domaine, premier poste de dépense de l’Assurance maladie, qui y consacre 23,4 milliards d’euros par an. Si bien qu’en septembre 2021, se tiendront les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, pilotées par l’Élysée et Matignon, afin de dresser un état des lieux de la situation.
Les professionnels du secteur sanitaire sont invités à se concerter. Dans cette perspective, la Mutualité Française a rendu publiques le jeudi 24 juin, lors d’un webinaire, les conclusions d’un Observatoire, en présence de deux intervenants, Angèle Malâtre-Lansac, directrice déléguée à la santé à l’institut Montaigne et Maurice Corcos, directeur du département de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte de l’institut mutualiste Montsouris.
Séverine Salgado, directrice déléguée à la santé de la Mutualité Française, a livré des chiffres qui en disent long. 64 % de Français déclarent avoir ressenti un trouble psychique. Le nombre de ceux qui en souffrent est estimé à 13 millions. On constate une augmentation des prises de drogues ou alcool et de psychotropes. La consommation de cannabis chez les 18-34 ans est de 21,8 %, contre 14,4 % pour le reste de l’Europe.
« Les retours que nous avons des services d’urgences et hospitaliers montrent une hausse des gestes suicidaires chez les moins de 15 ans », souligne Séverine Salgado. Le taux de suicide général est de 13 % pour 100 000 habitants. « Et 6 Français sur 10 pensent que le gouvernement prend mal en compte les problèmes liés à la santé mentale, du dépistage aux tarifs de soins. »
La santé psychique a toujours été le parent pauvre des politiques de santé publique et le révélateur d’inégalités. On ne manque pas de psychologues et psychiatres sur le territoire. Ils sont juste inégalement répartis. Sans compter les dépassements d’honoraires qui peuvent être pratiqués dans les départements à faible densité. 40 à 60 % des personnes qui pourraient consulter un psy pour des troubles psychiques ne le font pas pour des questions financières. Les restes à charge sont importants.
Face à cette multitude de constats, la Mutualité Française a développé des propositions pour améliorer la prise en charge des patients. Déstigmatiser les troubles mentaux permettrait d’aider les populations à les identifier, à comprendre le rôle des divers intervenants de la santé mentale. Il est aussi vital de renforcer les moyens de dépistages et de prévention en appuyant les services de médecines préventives (scolaire, universitaire, travail…).
Une meilleure coordination et communication entre professionnels de santé et de nouveaux métiers seraient salutaires pour un accompagnement optimum des patients. Cela doit aussi passer par la formation initiale et/ou continue à la psychiatrie. « Par ailleurs, les populations doivent être alertées et sensibilisées à la gestion du stress, la régulation des émotions… Cela s’adresse par exemple aux parents pour prévenir d’un mal-être chez l’enfant », poursuit Séverine Salgado.
La directrice déléguée à la santé de la Mutualité Française insiste sur la nécessité d’étudier la prise en charge pérenne des consultations de psychologues. Elle souligne aussi combien il serait important de forfaitiser le reste à charge à l’hôpital et de plafonner les tarifs des chambres particulières.
Angèle Malâtre-Lansac, directrice déléguée à la santé à l’institut Montaigne, a salué la pertinence de ces propositions tout en regrettant l’absence actuelle de vision stratégique claire. Et de pointer l’exception culturelle française « fort dommageable » de coupure entre le corps et l’esprit. « La santé mentale représente 4 % du PIB de notre pays. On y investit beaucoup mais les résultats ne sont pas là. »
Pour le professeur Maurice Corcos, il sera très difficile de lever les préjugés et de pallier les déficiences et les manques criants constatés sur le terrain. « Dans l’esprit des gens, la maladie mentale, c’est l’effroi, la terreur, la libération pulsionnelle, le chaos… Avant que l’on décèle l’humanité qu’il y a dans ce désordre, on n’est pas encore rendu. J’ose espérer que les propositions qui sont avancées ne resteront pas un vœu pieux ».