Des loyers de plus en plus élevés, la peur de la solitude, le besoin de compléter ses revenus à la retraite… les motivations pour se lancer dans la cohabitation intergénérationnelle sont multiples, que l’on soit étudiant ou sénior. Mais en quoi consiste-t-elle vraiment ?
D’après une étude du réseau Cohabilis publiée en 2020, « la cohabitation intergénérationnelle solidaire bénéficie paradoxalement d’une bonne image mais d’une notoriété faible ». Elle révèle que plus de 8 personnes interrogées sur 10 ont un avis positif sur le principe de cohabitation intergénérationnelle solidaire. « Cette tendance se vérifie d’ailleurs chez les premiers intéressés : 81 % des moins de 30 ans et 85 % des plus de 60 ans ont un avis positif sur le sujet », précise l’étude. Toutefois, « les séniors sont un peu plus frileux lorsqu’il s’agit de l’envisager personnellement ». En effet, « seuls 23 % des 60 ans et plus se déclarent intéressés personnellement par le contrat de cohabitation intergénérationnelle ».
La loi ELAN du 23 novembre 2018** a fixé un cadre juridique à la « cohabitation intergénérationnelle solidaire ». Un contrat de cohabitation doit ainsi être établi entre le sénior (de 60 ans et plus selon la loi) et le jeune (moins de 30 ans). Pour Céline Amaury, fondatrice de la start-up Xenia, une plateforme qui met en relation des personnes souhaitant se lancer dans l’aventure, « c’est un point essentiel pour éviter d’avoir ensuite de mauvaises surprises. Il faut bien définir les règles en amont ».
Le contrat fixe notamment le prix du loyer que l’étudiant va devoir verser, qui s’élève en moyenne à 300 euros par mois en province et 400 euros en région parisienne. Il s’agit également de préciser les petits services demandés par le sénior : faire des courses, garder un animal de compagnie en cas d’absence, etc. « Elle peut également indiquer le nombre de repas pris ensemble durant la semaine ou encore si l’étudiant peut inviter des amis au domicile. En revanche, il n’est pas question pour un jeune de remplacer un service d’aide à domicile », commente Céline Amaury. Mais selon elle, « ce qu’attendent avant tout les séniors, c’est ramener de la vie à la maison ».
« Nous passons ainsi beaucoup de temps à échanger avec les jeunes comme avec les séniors pour réussir à cerner les attentes et former les bons duos », commente Céline Amaury. Elle reconnaît aussi qu’il faut souvent rassurer les séniors. « Ce sont eux qui ouvrent les portes de leur maison, ce qui explique parfois leur méfiance. D’autant plus que ces dernières années, les messages les invitant à redoubler de vigilance face à diverses anarques sont nombreux ».
Elle constate que « les jeunes sont pour leur part souvent très motivés. La nouvelle génération souhaite vraiment s’engager ». Toutefois, il lui est déjà arrivé de refuser des candidats à la cohabitation, car elle avait le sentiment que l’étudiant n’était pas totalement investi et qu’il s’agissait avant tout d’une volonté des parents.
« Notre objectif est vraiment de faire en sorte que les cohabitations se passent au mieux et que chacun puisse s’y retrouver. En cas de problème, nous intervenons. Il m’arrive parfois de rappeler à un sénior qu’un étudiant ne peut pas forcément passer toutes ses soirées avec lui », poursuit Céline Amaury. Mais elle observe que les expériences se passent en général très bien. « 85 % des séniors inscrits chez Xenia ont décidé de poursuivre l’expérience. Le plus souvent, une cohabitation dure le temps d’une année scolaire, à savoir 8 à 9 mois. Mais certains binômes décident de prolonger leur engagement », relève Céline Amaury.
« Nous avons eu également quelques cas de jeunes effectuant un stage, sur une période de 1 à 3 mois. L’expérience a toujours été concluante. C’est une bonne manière de se lancer dans l’aventure, pour ceux qui auraient encre des freins », conclut-elle.
Harmonie Mutuelle a signé une convention de partenariat avec Xenia au printemps 2022. Objectif : faire connaître la cohabitation intergénérationnelle auprès de ses adhérents séniors. « La prévention constitue une part majeure de notre activité, souligne dans ce cadre Steeve Martin, responsable projets prévention chez Harmonie Mutuelle. A ce titre, la cohabitation intergénérationnelle répond à notre volonté de proposer à nos adhérents séniors des solutions différenciantes leur permettant de vieillir en bonne santé, à leur domicile et dans de bonnes conditions. »
*Cette étude intitulée « Cohabitation intergénérationnelle solidaire : Quels leviers de développement ? » a été réalisée sur plusieurs mois par Cohabilis, un réseau de cohabitation intergénérationnelle et d’habitat partagé fondé en 2004, dans le cadre d’un partenariat signé en 2019 avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
**La loi ELAN du 23 novembre 2018, portant sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, a défini un régime juridique pour la cohabitation intergénérationnelle solidaire. L’article 117 de cette loi et l’arrêté du 13 janvier 2020 relatif à la charte de la cohabitation intergénérationnelle solidaire en précisent les contours.