Conférence nationale de santé : « La démocratie en santé doit être renforcée »

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À l’occasion des 20 ans de la CNS (Conférence nationale de santé), Essentiel Santé Magazine donne la parole à sa présidente, Bernadette Devictor, qui revient sur les missions de cette instance et le sujet préoccupant de la démocratie en santé.

La Conférence nationale de santé (CNS) a 20 ans.

La Conférence de santé a été créée en 1996 et les Français la connaissent mal. Quelles sont ses grandes missions ?

Bernadette Devictor : La Conférence nationale de santé (CNS) est un organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de la Santé, une sorte de parlement de la santé. Sa première mission est de formuler des avis sur l’amélioration du système de santé, en se prononçant notamment sur la stratégie de la politique nationale de santé, sur les projets de loi et sur les programmes de santé. Elle élabore aussi un rapport annuel qui évalue le respect des droits des usagers du système de santé. Sa troisième mission est de contribuer à l’organisation de débats publics. Ses 120 membres représentent toutes les parties prenantes dans le domaine de la santé, y compris le médicosocial et la prévention ; on y trouve les usagers, les professionnels de santé, les partenaires sociaux… Les Français connaissent peu l’instance elle-même, ils connaissent mieux les sujets sur lesquels elle s’est prononcée, tels que des projets de loi sur la modernisation du système de santé ou le débat public sur les jeunes et la solidarité en santé.

 

Quel bilan tirez-vous des années écoulées ?

B. D. : La CNS joue son rôle de consultation, mais plusieurs obstacles compromettent son efficacité. Nous souffrons tout d’abord d’une certaine opacité des pouvoirs publics, qui ne nous informent pas de l’utilisation qu’ils font des avis que nous leur rendons. Alors que nos travaux sur la priorité à donner à la prévention ont bien été pris en compte par le gouvernement, nous n’avons reçu aucun retour de sa part et n’avons jamais été cités en tant que contributeurs. Nous devrions être davantage reconnus et disposer de plus de moyens pour nous faire connaître et pour diffuser nos recommandations.
Le gouvernement crée une multitude de nouvelles instances et, ce faisant, il croit qu’il va trouver la solution. Ainsi, récemment, le ministère de la Santé a mis en place un comité Santé mentale. Plutôt que de créer de nouvelles instances sans lien avec les précédentes, il serait plus efficace de faire travailler ensemble celles qui existent. Il faudrait avoir un vrai dialogue avec les pouvoirs publics.

 

La démocratie dans le domaine de la santé est-elle suffisante ?

B.D. : En cette année électorale, les partis ou les candidats parlent de nouvelles formes de démocratie, en proposant par exemple des jurys citoyens. Ils semblent ignorer que dans le domaine de la santé, les citoyens sont déjà très actifs, avec plus de 7 000 à 8 000 représentants en France, agissant au sein d’associations de patients ou d’usagers. Cette méconnaissance de l’action menée ou à mener par les citoyens n’est pas nouvelle : c’est la raison pour laquelle la CNS s’est auto-saisie en 2016 de la question de la démocratie en santé, problématique non suffisamment traitée par les pouvoirs publics à une époque où les inégalités d’accès aux soins ne cessent d’augmenter. La démocratie en santé doit être renforcée en favorisant la participation de tous les acteurs. À cet égard, les mutuelles sont des acteurs importants de la démocratie en santé. Elles travaillent déjà, avec leurs adhérents, sur des solutions qui facilitent l’accès aux soins. De fait, elles devraient être davantage reconnues et participer à toutes les réflexions et décisions, au même titre que les autres parties prenantes. Tous les acteurs, que ce soient les associations de citoyens, les mutuelles, les professionnels de santé, les pouvoirs publics, doivent avoir leur mot à dire dans les arbitrages et construire ensemble un consensus sur l’évolution du système de santé.

 

Points de vue

Portrait de Stéphane Junique, président d’Harmonie Mutuelle © Régis Routier | Ville de NantesStéphane Junique, président d’Harmonie Mutuelle : « Il n’y a jamais trop de débat sur la santé »

« Vingt ans après sa création, la CNS est un outil important, pour trois raisons au moins. Tout d’abord, parce que le concept de démocratie en santé est encore jeune et fragile. La démocratie ne peut vivre qu’à travers le débat, c’est le rôle de la CNS. Les lois et textes réglementaires, seuls, ne sont pas suffisants ! La deuxième raison repose sur deux principes : la singularité de sa composition avec des acteurs de tous horizons ; et son indépendance. La CNS édifie des passerelles entre des acteurs de santé trop souvent catalogués comme étant opposés. La CNS offre donc un cadre unique pour aborder sereinement les grandes réformes du système de santé. Enfin, le dernier point tient au fait que nous sommes tous attachés à refaire de la santé un enjeu de citoyenneté. Pour y parvenir, il n’y a qu’une solution : favoriser le débat public autour des questions de santé et encourager l’engagement citoyen par des actions de santé de proximité. Il n’y a jamais trop de débat sur la santé ! »

 

Bertrand Garros, président de la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie de la Nouvelle Aquitaine.

Quel regard portez-vous sur le respect des droits des usagers ?
Portrait de Bertrand Garros, président de la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie de la Nouvelle Aquitaine. © Sylvain Beucherie
« Ces droits ne sont pas toujours connus. Comment peut-on invoquer ou respecter un droit qu’on ne connaît pas ? Ces droits peuvent ensuite être connus mais pas toujours compris. C’est parfois extrêmement compliqué. Enfin, quand les soins ne sont pas assez bien remboursés, quand les délais d’accès aux soins sont trop importants, quand la coordination des professionnels n’est pas ce qu’elle devrait être, eh bien les droits des usagers sont aussi en échec. Pour améliorer la situation il faudrait… simplifier, expliquer, faire des documents pédagogiques. Ensuite faciliter l’exercice des droits sur le terrain en améliorant notre organisation territoriale. Enfin, ne pas oublier de promouvoir aussi le respect des droits dans les soins non hospitaliers, en ambulatoire. »

 

Légende : De gauche à droite : Le Professeur Emmanuel RUSCH, président de la commission spécialisée dans le domaine des droits des usagers (CSDU) de la CNS, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé et Bernadette Devictor, présidente de la Conférence nationale de santé lors de la remise de la charte du Parcours de santé à la ministre.

  • Propos recueillis par Jean Chezaubernard
  • Crédit photo : Ludovic Le Couster/Picturetank

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