Patrick Bernasconi : Pour être équilibrée, une démocratie doit reposer sur deux pieds : d’un côté, des assemblées élues, comme l’Assemblée nationale et le Sénat, et de l’autre, des corps intermédiaires, c’est-à-dire les syndicats, les organisations professionnelles ou les associations, qui constituent la « société civile organisée ». Le CESE est l’assemblée où s’exprime cette société civile organisée. C’est pourquoi notre mission est double : conseiller les pouvoirs publics (gouvernement, Assemblée nationale et Sénat) et être le porte-parole de « l’expression citoyenne ». Nous sommes le trait d’union entre les citoyens et les pouvoirs publics.
P. B. : Le CESE peut être saisi par le biais de pétitions au format papier et portées par au moins 500 000 citoyens*. Ce qui lui permet ensuite de conseiller le gouvernement sur ces sujets de préoccupation des Français. Parallèlement, dès le début de l’année 2017, nous avons mis en place un comité de veille des pétitions mises en ligne sur des plateformes comme Change.org ou Mesopinions.com… Il nous permet de détecter les pétitions qui ne nous sont pas adressées et dont les sujets méritent notre attention. Nous souhaitons aussi que les pétitions adressées au CESE, rassemblant au moins 500 000 signataires, puissent être recueillies de façon numérique, et non plus seulement papier.
* Le CESE peut être saisi par voie de pétition citoyenne de toute question à caractère économique, social ou environnemental. Une pétition doit atteindre le seuil de 500 000 signatures en format papier pour être recevable.
P. B. : La particularité du CESE est de faire discuter des organisations qui sont parfois très opposées, et de les amener à des consensus ou des compromis. Le Conseil est certainement le seul endroit où chasseurs et écologistes qui ont des positions divergentes, discutent tous les jours, y compris de sujets qui ne les opposent pas ou même qui les rapprochent ! Ce qui permet d’apporter ensuite un échange argumenté et équilibré aux pouvoirs publics, sur des sujets très variés et souvent innovants… Par exemple, la première fois qu’une assemblée a évoqué le thème du développement durable, c’était le CESE, dans les années 1960. Plus récemment, le CESE est à l’origine du RMI, de la garantie jeune, du droit au logement, et aujourd’hui du texte sur les travailleurs détachés.
D’une façon générale, lorsque le Premier ministre nous saisit sur des sujets, les deux tiers de nos préconisations en moyenne sont reprises dans les textes de loi. Notre impact est donc méconnu, mais réel ! À court terme, le CESE donne le point de vue de la société civile organisée sur des sujets qui figurent dans l’agenda du gouvernement ou qui préoccupent les Français. Mais il doit aussi apporter une vision à long terme, en traitant certains thèmes moins directement liés à l’actualité.
P. B. : La réforme doit permettre au CESE de construire le Conseil de demain. Cette ambition est cohérente avec les missions du Conseil, qui doit prendre en compte les enjeux du futur et se projeter sur le long terme. Comment, par rapport aux grands enjeux de demain, le CESE peut-il préconiser des idées, des projets, intégrant le développement durable, les enjeux de transition écologique, énergétique ? Cette dimension doit être intégrée en respectant l’identité du CESE, qui est et doit rester le lieu de la société civile organisée. Nous sommes très attachés à cette position. Nous ne sommes pas et ne voulons pas devenir un comité d’experts. notre ADN est constitué de Conseillers engagés dans leurs organisations ou associations.
Nous travaillons aussi sur d’autres outils pour être encore plus proches des citoyens. Nous allons notamment mettre en place une plateforme participative en ligne pour les consulter. Ils pourront par exemple réagir au fur et à mesure de l’élaboration de nos avis. L’objectif est de tisser un lien direct avec les Français. Nous pourrons ainsi plus efficacement comprendre leurs questionnements et leur assurer la bonne réponse par les institutions.
P. B. : De multiples sujets peuvent être abordés par le CESE, car les préoccupations des Français sont nombreuses, comme la fin de vie.
Sur Internet, nous avons vu par exemple des pétitions sur les déserts médicaux qui recueillent plusieurs dizaines de milliers de signatures. C’est un sujet qui illustre et témoigne des problèmes liés aux inégalités entre les territoires. Nous sommes tout à fait légitimes pour étudier ces thèmes, et nous nous sommes auto-saisis du sujet des déserts médicaux, sujet porté par plusieurs pétitions, cet avis sera présenté en plénière, le 13 décembre prochain. En lien avec la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le CESE va donc traiter ces expressions citoyennes, leur offrir un « débouché institutionnel ». Concrètement, cela veut dire que nous avons auditionné les mandataires de ces pétitions pour nourrir notre travail de recommandation. Cette démarche débouchera ensuite sur un avis qui sera rendu avant la fin de l’année, et qui proposera des pistes concrètes, par exemple sur les complémentarités des différents métiers dans le monde médical, l’articulation public/privé, la réflexion sur l’offre de soins, et ce en complément du plan annoncé par le Premier ministre.
P. B. : Lutter contre la fracture territoriale, favoriser la cohésion sociale sont dans nos gênes, et font l’objet de nombreux travaux. En juin dernier, nous avons rendu un avis comprenant des recommandations afin de combattre l’isolement social pour plus de cohésion et de fraternité. Nous avons aussi été saisis par le gouvernement sur l’emploi des seniors. Mais nous travaillons sur bien d’autres sujets liés à la santé, comme, par exemple, l’accès aux médicaments innovants, l’accessibilité aux soins pour tous, la santé des élèves, les addictions au tabac et à l’alcool, le handicap…
P. B. : Je suis président d’une mutuelle d’assurance. La particularité de notre système mutualiste est d’être en relation directe avec nos sociétaires ou adhérents. Ces derniers interviennent dans le fonctionnement de la mutuelle, prennent part aux décisions. Ainsi, chaque fois que l’on propose un produit, une nouvelle offre, nous veillons à répondre à leurs attentes. Grâce à eux, à leur contribution, nous définissons mieux leurs besoins. Nous ne sommes donc pas très éloignés du fonctionnement du CESE.
Et le monde mutualiste, mais aussi les coopératives, les Scop**, l’économie sociale et solidaire sont très présents au sein du CESE. Souvent, dans la construction du compromis, ils permettent de trouver une voie de passage au milieu de positions contraires. Ils jouent souvent un rôle d’articulation extrêmement intéressant.
Le CESE, carte d’identité
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