Deux regards sur le plan « pauvreté »

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Le Gouvernement a présenté son plan de lutte contre la pauvreté, en septembre 2018. Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, et Stéphane Junique, président d’Harmonie Mutuelle, reviennent sur les mesures annoncées.

Deux regards sur le plan « pauvreté »

Louis Gallois, vous représentez la Fédération des acteurs de la solidarité. Comment réagissez-vous aux annonces du Gouvernement ?

Louis Gallois : Le plan « pauvreté », longtemps attendu par les associations, présente des éléments positifs. Nous ne pouvons que partager l’objectif d’éradication de la pauvreté et de prévention dès l’enfance quand la France compte 9 millions de personnes (dont 3,5 millions d’enfants) vivant en dessous du seuil de pauvreté. Néanmoins, il y a des carences qui nécessitent une seconde étape dans le courant du quinquennat.

Plus précisément, pour la santé, le renouvellement automatique de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) pour les titulaires du RSA et la fusion de l’aide pour une complémentaire santé (ACS) avec la CMU-C est positif pour lutter contre le non-recours comme l’augmentation des crédits de l’objectif national des dépenses d’Assurance maladie (ONDAM) pour la création de places médicalisées pour les plus exclus.

Cependant, la Fédération regrette l’absence de fusion de l’aide médicale d’État dans la CMU-C, la simple allusion à la santé scolaire sans mesure forte et globalement le silence de la stratégie sur les refus de soins, la santé mentale ou encore la santé des personnes migrantes (qui sont les grands absents de ce plan). Les engagements en faveur de l’accès à l’hébergement et au logement des personnes en situation d’exclusion sont également trop faibles. La revalorisation des minima sociaux (RSA en particulier) est absente.

Nous serons, bien sûr, vigilants pour que les moyens annoncés soient présents dans les budgets et ne proviennent pas d’économies déjà programmées sur les politiques de solidarité (les APL, les aides personnalisées au logement, n’en sont qu’un exemple).

Louis Gallois
Louis Gallois est président de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), devenue le 1er janvier 2017 la Fédération des acteurs de la solidarité. Il est également président de l’association Expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée (ETCLD).

Crédit photo : DR

 

Stéphane Junique, pourquoi une mutuelle comme Harmonie Mutuelle s’intéresse-t-elle au plan « pauvreté » ?

Stéphane Junique : Les mutuelles sont depuis toujours des acteurs de la lutte contre les inégalités, de l’accès aux soins pour tous, des acteurs de la transformation sociale. À l’heure où un tiers des familles monoparentales sont en situation de pauvreté, 12 % de personnes pauvres sont sans complémentaire santé, les inégalités sont intolérables et nous estimons avoir un rôle à jouer. Il ne peut y avoir de bonne santé et de bien-vivre dans les situations de pauvreté. Un million de Français financent encore aujourd’hui leur santé à crédit.

Protéger et favoriser l’accès aux soins de tous n’est pas un vain mot. Nous protégeons environ 350 000 personnes bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou de l’aide pour une complémentaire santé (ACS). En tant qu’acteur de santé globale, nous savons aussi que les inégalités s’inscrivent dès la naissance et s’accumulent souvent au fil des années. C’est pourquoi, les enjeux d’égalité des possibles passent par l’accompagnement dès la petite enfance, l’accès au logement, l’accompagnement social…

Et au-delà de nos convictions, il y a nos actions ! Nos structures d’accompagnement dès la petite enfance, comme nos crèches, ou nos investissements dans le logement social en sont les témoins. C’est aussi cela être solidaire pour tous, agir pour qu’au-delà de l’égalité des chances, l’égalité des possibles soit une réalité.

Étant acteur de solidarité aux côtés de l’État, nous resterons présents sur ces sujets dans le déploiement du plan « pauvreté ». C’est une nécessité, afin que les mesures prises adressent les vrais enjeux, à hauteur des problèmes quotidiens rencontrés par les personnes en situation de pauvreté.

Stéphane Junique
Stéphane Junique est président d’Harmonie Mutuelle, président de VYV Care, vice-président de la Fédération nationale de la Mutualité Française et président du groupe de la Mutualité au Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Crédit photo : Aurélia Blanc

 

Et que pensez-vous de la fusion de la CMU-C et de l’ACS ?

Stéphane Junique : Cette mesure, reprise dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2019, doit être saluée pour une raison simple : l’ambition de simplification pour lutter contre le non-recours aux droits. 40 % des chômeurs renoncent à se soigner pour des raisons financières. Le développement de dispositifs inutilisés contribue par ailleurs à une perte de confiance délétère vis-à-vis des institutions.

L’accompagnement des personnes en situation de pauvreté doit devenir central, il constitue un levier essentiel pour exercer ses droits. En ayant fait progresser nos bénéficiaires de l’ACS de plus de 8 %, nous avons démontré notre capacité à mener bataille contre le non-recours.

Les transformations de la société et les inégalités croissantes doivent inviter l’État à de nouvelles stratégies d’alliance, avec les acteurs des solidarités actives, qui s’inscrivent dans le temps long, pas dans la spéculation, et qui sont soucieux d’une innovation solidaire durable au service d’un progrès social dont tout le monde peut et doit bénéficier.

Louis Gallois, quelle pourrait être l’alliance avec les mutuelles ?

Louis Gallois : Les mutuelles ont tout leur rôle à jouer dans la solidarité et donc dans la lutte contre la pauvreté. Dans un secteur en pleine mutation en raison des changements sociétaux, les mutuelles seront amenées à être en premières lignes afin de favoriser l’accès aux droits dans le cadre d’un système de santé universel et équitable.

Ces changements sont l’occasion de repenser les alliances entre les différents acteurs (État, collectivités, acteurs de l’ESS, secteur privé, associations…) parmi lesquels les mutuelles et les associations de solidarité qui auraient sûrement un intérêt commun à travailler main dans la main pour un accès à la santé, au logement et à l’emploi de toutes et tous (y compris les publics dits « fragiles »).

Globalement, ces alliances permettraient une société plus inclusive. S’engager pour la santé et la solidarité à l’égard des plus fragiles est un investissement social qui se traduira à terme par des économies et des coûts évités pour la société tout entière.

  • La rédaction
  • Crédit photo : bowie15 / Getty

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