Timothée Duverger est historien, maître de conférences associé à Sciences-Po Bordeaux. Stéphane Junique est président d’Harmonie Mutuelle et de VYV Care, vice-président de la Fédération nationale de la Mutualité Française. Acteurs engagés de longue date dans le social, chacun à sa manière, ils dressent l’état des lieux de l’accès aux soins.
Le sujet, brûlant, leur tient très à cœur car l’égalité devant la protection sociale est une revendication, certes légitime, mais aujourd’hui malmenée. Ce mauvais traitement débouche sur la conviction partagée qu’il faut réagir, changer de modèle et poser les fondements d’une nouvelle solidarité active. Combattre les injustices plutôt que les gérer.
Dans leur livre « L’égalité impossible ? – Manifeste pour une solidarité active »*, la réflexion progresse de manière logique et fouillée, nourrie par les travaux, les observations et l’expertise de nos deux témoins. Le constat d’un délitement de notre modèle de protection sociale est sans appel : le monde du travail est violent, le vieillissement de la population est indiscutable, tout comme semblent inéluctables le creusement des inégalités sociales… et du trou de la Sécu. A cela, il faut ajouter notamment la progression des déserts médicaux et la multiplication des maladies chroniques.
L’idée qui sert de fil rouge à l’ouvrage est qu’en France le mieux universel est à portée de main, que le décrochage n’est pas une fatalité et que la précarité ne doit pas s’accompagner d’une double peine. Mais l’État ne semble plus en mesure d’assumer seul cette charge, de garantir solidarité et dignité à tous ses administrés. Depuis les années 70 et la crise économique, les dispositifs centralisateurs et providentiels hérités de 1945 ont démontré leurs limites. Des notions telles que l’accompagnement, la démocratie sanitaire mais aussi le renoncement aux soins se sont inscrites dans le paysage.
Le livre récompensé par un prix
L’égalité impossible ? – Manifeste pour une solidarité active, le livre de Timothée Duverger et Stéphane Junique, a reçu le Prix du livre sur l’économie sociale et solidaire (6e édition), dans la catégorie « Experts ». Placé sous le haut patronage du ministère de la Transition écologique et solidaire, ce prix a été décerné par un jury composé de spécialistes de l’économie sociale et solidaire et présidé par Roger Belot, l’ancien président d’ESS France. Il a été remis aux deux auteurs le 26 septembre 2019.
Ce prix récompense la réflexion et les propositions portées dans cet ouvrage. « Avec Timothée Duverger, nous avons notamment plaidé dans ce manifeste pour que tombent les barrières entre acteurs de l’économie sociale et solidaire. Associations, coopératives, mutuelles jouent trop souvent leur partition en solitaire. Si elles savent s’unir, alors elles produiront de puissants effets de transformation sur toute la société, souligne Stéphane Junique. Ce prix, décerné par les acteurs de l’ESS, nous va droit au cœur : il démontre que les lignes sont en train de bouger ! »
La solution ? Une protection sociale attachée à la personne plutôt qu’à son statut. Une alliance stratégique avec des acteurs qui œuvrent pour l’intérêt général sans chercher à en tirer profit. La construction d’un « pôle des solidarités actives » qui impliquerait les acteurs historiques de l’économie sociale et solidaire que sont les mutuelles, les associations, les fondations et les coopératives. Un système qui accorderait à chaque individu de nouveaux droits sociaux combinant la protection et la promotion. Autant d’idées qui sont développées, chiffres, sondages et exemples à l’appui, pour asseoir leur ancrage dans la réalité.
Loin de s’en tenir à de simples intentions, l’ouvrage se conclut sur des propositions concrètes et fortes. Elles sont le ferment d’un nouveau contrat social, les bases d’un pôle des solidarités actives qui n’entend pas rester à l’état de projet. C’est par exemple la création d’un label pour les produits et services relevant de l’intérêt général et d’une éthique solidaire. C’est un socle de droits universels garantis pour chacun, logement et formation inclus. C’est la reconnaissance de modèles alternatifs à l’efficacité avérée. C’est parier sur le préventif – la protection de l’environnement, l’éducation. C’est aussi reconnaître la force de l’engagement citoyen avec 13 millions de Français bénévoles à qui pourraient par exemple être offerts des crédits d’heures de travail ou de garde d’enfants.
Un ouvrage comme une mine, où creuser pour trouver des filons, des pépites et des solutions d’avenir pour la santé et la dignité de tous.
*Publié aux éditions Les Petits Matins. Mai 2018. 14 €
Bonjour,
Vous écrivez le vieillissement de la population est indiscutable. Actuellement c’est encore vrai dans beaucoup de pays. Mais cette tendance est sur le point de se ralentir voire de s’inverser (ex.en Angleterre la courbe de progression de l’espérance de vie est à son acmé et tend à s’inverser). Par ailleurs, comme vous l’écrivez dans le 2ème paragraphe, les maladies chroniques explosent (cancers, diabète, hypertension). Est-ce compatible avec une progression de l’espérance de vie? Certainement pas!