Mieux comprendre la prévoyance

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Par Didier Le Gorrec

Temps de lecture estimé 8 minute(s)

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Avec l’assurance santé, la prévoyance est un élément clé de la protection sociale et offre, face aux risques, une couverture complémentaire de celle de l’Assurance maladie. Or, les Français ne le savent pas toujours. Pourquoi et comment souscrire un contrat de prévoyance complémentaire et quelles en sont les garanties ? Tour d’horizon en sept questions-réponses.

Pourquoi souscrire une assurance prévoyance ?

Contrairement à une idée reçue, les Français ne sont pas entièrement protégés par la Sécurité sociale. Certes, l’affiliation au régime général permet de percevoir des indemnités journalières en cas d’arrêt de travail. Toutefois, ces indemnités ont deux principaux « défauts » : leur délai de carence (les indemnités journalières de la Sécurité sociale sont versées à partir du 4e jour d’arrêt) et le plafonnement de leur montant. On peut ajouter à cela que l’Assurance maladie ne couvre pas tous les aléas de la vie. Ainsi, les conséquences matérielles d’un accident de la vie (brûlure, fracture…) ne sont pas prises en charge. Or, comment faire, par exemple, lorsque l’on ne peut plus accompagner ses enfants à l’école, même pour une période courte ?

D’où l’importance de souscrire une couverture prévoyance complémentaire. Malgré cela, toutes les catégories de salariés ne bénéficient pas d’un tel contrat. Contrairement aux cadres, pour lesquels le régime de prévoyance est obligatoire, l’existence d’un contrat de prévoyance pour les non-cadres dépend de la convention collective de branche.

Comment fonctionne un contrat de prévoyance ?

Il ne faut pas confondre un contrat de prévoyance complémentaire avec une complémentaire santé. Cette dernière prend le relais de la caisse d’Assurance maladie obligatoire pour mieux couvrir les dépenses de santé. Tandis que, grâce au contrat de prévoyance, le souscripteur se protège financièrement, ainsi que ses proches, contre les aléas de la vie. Le contrat prévoyance peut prévoir différentes garanties pour faire face aux conséquences d’un imprévu : obsèques, décès, accident de la vie, invalidité, arrêt de travail, dépendance.

Le principe d’une assurance prévoyance est de compenser des pertes de revenus dues à cet événement. En cas d’incapacité de travail, des indemnités journalières de prévoyance complémentaire complètent les indemnités versées par le régime obligatoire (qui ne correspondent qu’à la moitié du salaire, limité à 1,8 fois le Smic mensuel). En cas d’invalidité, le titulaire du contrat de prévoyance reçoit une rente permettant de compenser la perte de revenus, en complément de la pension d’invalidité réglée par le régime obligatoire.

En cas de décès, il existe plusieurs prestations possibles : capital versé au bénéficiaire désigné lors de la souscription du contrat, rente versée au conjoint survivant, rente éducation pour les enfants survivants de la personne décédée (la prestation « obsèques » sert, elle, à couvrir les frais d’obsèques). Enfin, en cas de perte d’autonomie, le bénéficiaire perçoit une rente mensuelle, ainsi que des indemnités pour rendre le logement plus accessible.

Combien coûte un contrat prévoyance ?

Le coût d’une assurance prévoyance dépend bien sûr des garanties proposées. Pour une prévoyance décès, par exemple, le montant de la cotisation varie en fonction de l’âge et du capital. Pour un souscripteur de 50 ans, la cotisation d’une assurance décès garantissant un capital de 10 000 euros sur dix ans s’élève à environ 3,50 euros par mois, selon les chiffres moyens observés sur le marché.

Autre exemple : la garantie invalidité. Si vous ne bénéficiez pas d’une prévoyance invalidité collective, il est possible de souscrire de façon individuelle auprès d’une mutuelle, d’une institution de prévoyance ou d’un assureur. Selon ce choix et les garanties souscrites, le contrat peut coûter de 10 euros à 100 euros mensuels environ*.

Pour la dépendance, enfin, la cotisation mensuelle moyenne est d’environ 40 euros, pour une rente mensuelle autour de 600 euros**.

De quelle couverture prévoyance bénéficier en tant que travailleur non salarié ?

6 % des travailleurs non-salariés (TNS) ne bénéficient d’aucune couverture prévoyance***. Une non-couverture légèrement plus élevée que pour l’ensemble de la population. De plus, ce pourcentage moyen recouvre de fortes inégalités car les microentrepreneurs ne peuvent bénéficier des avantages fiscaux du contrat de prévoyance Madelin et sont par conséquent peu incités à souscrire un tel contrat.

Cela étant, il est tout à fait possible, pour un TNS, de s’équiper d’une couverture prévoyance. C’est même le plus souvent souhaitable, étant donné que l’indemnité journalière dont il peut bénéficier en cas d’arrêt de travail ne pourra pas excéder le montant de 56,35 euros bruts (au 1er janvier 2022), même si son revenu d’activité annuel moyen est supérieur au plafond de la Sécurité sociale (41 136 euros). C’est pourquoi les contrats de prévoyance Madelin s’adressent aux TNS qui souhaitent s’assurer un maintien de revenu en cas d’arrêt de travail et d’invalidité, ou encore protéger leur famille en cas de décès.

Comment savoir si votre convention collective comporte un accord prévoyance ?

Tout d’abord, si vous êtes cadre, il ne peut y avoir de doute : la convention collective du 14 mars 1947 (prolongée par l’Accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017) rend le régime de prévoyance obligatoire pour tout le personnel cadre. Si vous n’êtes pas cadre, il faut vérifier par vous-même si la convention collective à laquelle votre entreprise est rattachée comporte un accord sur la mise en place d’une prévoyance.

En principe, le Code du travail impose à l’employeur de mettre la convention collective de sa branche d’activité à disposition de chacun de ses salariés à l’embauche. S’il ne le fait pas, l’intitulé de la convention collective applicable dans l’entreprise doit apparaître sur votre bulletin de salaire. Vous pourrez alors vérifier sur le site www.vie-publique.fr (taper « guide des conventions collectives » dans la barre de recherche) si cette convention comporte un accord prévoyance.

Une petite minorité d’entreprises n’est pas rattachée à une convention collective, ce qui peut être précisément détecté par l’absence de toute mention sur votre bulletin de salaire.

Quelles sont les conséquences individuelles de l’imprévoyance ?

Se poser cette question est légitime, même s’il est difficile d’y répondre avec précision. Bien sûr, il peut arriver qu’une personne ne disposant d’aucune couverture prévoyance ne connaisse aucun aléa majeur durant son parcours de vie. Mais le principe même d’un aléa est que l’on ne sait jamais à l’avance ce qui va survenir, ce qui est synonyme d’une prise de risque.

Sans détailler les conséquences potentielles de l’absence de chacune des grandes garanties (obsèques, décès, accidents de la vie, invalidité, arrêts de travail, dépendance), l’exemple seul de la couverture décès est significatif. En cas de décès d’un salarié, la Sécurité sociale (régime général) verse 3 680,80 euros**** au conjoint survivant, ce qui couvre à peine les frais d’obsèques.

Sans compter le montant de la concession, qui est fixé par la municipalité. A contrario, certaines assurances prévoyance vont pouvoir verser au bénéficiaire un capital décès qui couvrira l’ensemble des frais, voire une rente décès versée régulièrement aux ayants droits.

Comment mettre en place une prévoyance collective dans mon entreprise ?

La mise en place d’une prévoyance collective peut être imposée par la convention collective ou par les accords de branche. Dans un tel cas, l’employeur doit mettre en œuvre le contrat de prévoyance selon les modalités prévues par le texte dont il relève (convention ou accord).
Si rien n’est imposé, un régime de prévoyance peut être instauré au sein de l’entreprise via un accord collectif, un référendum ou une décision unilatérale de l’employeur.

Quel est l’intérêt de la prévoyance pour un retraité ?

Contrairement à la complémentaire santé d’entreprise, maintenue pour les salariés qui liquident leur retraite (en application de l’article 4 de la loi Évin), les salariés bénéficiaires d’une prévoyance collective perdent leurs droits dès lors qu’ils perçoivent leur pension de retraite.

De plus, le dispositif de portabilité du contrat prévoyance souscrit dans le cadre de l’entreprise (possibilité de bénéficier des droits pendant un an) ne s’applique pas non plus au départ à la retraite puisqu’il ne concerne que les salariés qui sont indemnisés par l’assurance chômage en quittant leur emploi.

Il devient donc nécessaire, en arrivant à la retraite, de souscrire une assurance prévoyance individuelle. Compte tenu de l’âge et de la situation de retraité, les garanties les plus adaptées sont bien sûr les assurances obsèques, décès et perte d’autonomie/dépendance.

* Source : Companeo.
** Source : France Assureurs.
*** Selon le rapport de janvier 2021 du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) sur La place de la complémentaire santé et prévoyance.
**** Montant forfaitaire applicable depuis le 1er juillet 2022.

« Orienter l’épargne des Français vers la couverture du risque prévoyance »

François-Xavier Albouy est économiste de la santé et directeur de recherche de la chaire Transitions démographiques, transitions économiques.

« En France, nous avons l’impression que notre niveau de protection est très élevé. C’est une idée fausse. La protection par rapport aux aléas de la vie présente un paysage de couvertures très contrasté. Les salariés, en général, sont assez bien couverts mais pas toujours dans de bonnes conditions. De leur côté, fonctionnaires et travailleurs non-salariés disposent d’un niveau de couverture souvent insuffisant. Lors d’une étude réalisée en 2022, l’Observatoire de l’imprévoyance VYV-Ipsos a chiffré à 15 milliards d’euros le montant annuel des prestations prévoyance non servies aux individus ou à leur famille en raison de la faiblesse ou de l’absence de couverture de protection sociale complémentaire. Parallèlement, il y a en France un taux d’épargne très important de la part des ménages, en particulier sur les livrets A. Ce taux montre à quel point nous sommes attachés à la liquidité de cette épargne, peut-être à cause de ce manque de protection. Nous devrions plutôt mieux nous couvrir en prévoyance et consacrer l’épargne disponible aux investissements dans l’activité économique. »

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