Portabilité : dans quels cas peut-on garder sa complémentaire santé après avoir quitté son entreprise ?

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Par Félix Maréchal

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En cas de cessation de son contrat de travail, le salarié peut continuer à bénéficier, sous certaines conditions, des garanties collectives santé et prévoyance de sa mutuelle d’entreprise. Ce maintien, accordé à titre gratuit, au maximum sur 12 mois se fait au titre de la portabilité des droits, pour le salarié comme pour ses ayants droit.

Qu’est-ce que la portabilité des garanties santé et prévoyance ?

Définie par le Code de la Sécurité sociale, la portabilité permet au salarié de bénéficier à la fin de son contrat de travail du maintien des garanties frais de santé et prévoyance qui étaient en vigueur dans son entreprise et dont il bénéficiait effectivement avant son départ. Il peut en bénéficier sous certaines conditions pendant une période maximale de 12 mois.

Cette règle concerne tous les salariés en CDI, en CDD, en contrat d’apprentissage ou saisonnier. Elle s’applique à tous les salariés des employeurs de droit privé et donc également aux salariés d’associations.

Ma complémentaire santé fonctionne-t-elle toujours en cas de démission ?

La portabilité ne fonctionne pas en cas de démission, sauf si cette démission ouvre droit à la prise en charge par le régime d’assurance chômage (démission légitime). C’est le cas, par exemple, du salarié qui déménage pour suivre un conjoint devant s’installer dans une région éloignée pour raison professionnelle. « L’objectif de cette portabilité est avant tout d’apporter un maintien des garanties aux personnes qui subissent la rupture de leur contrat de travail et ne retrouvent pas immédiatement un emploi », précise Pascale Ernst, avocate Off Counsel au sein du cabinet Ogletree Deakins et spécialisée en droit de la protection sociale.

La portabilité s’active-t-elle en cas de rupture conventionnelle ?

Toute personne ayant fait l’objet d’une rupture de son contrat de travail peut en bénéficier, à condition que cette rupture ne soit pas motivée par une faute lourde et que la cessation du contrat de travail ouvre droit à une prise en charge par l’assurance chômage. Bien sûr, il faut avoir préalablement adhéré en tant que salarié à la couverture complémentaire santé de l’entreprise.

À noter : les ayants droit peuvent également bénéficier de la portabilité (« contrat famille ») s’ils bénéficiaient effectivement des garanties à la date de rupture du contrat de travail. La complémentaire santé et prévoyance sera également maintenue après un licenciement économique ou pour motif personnel.

Les droits sont-ils maintenus dans le cas d’un arrêt maladie ?

Dès lors que la cessation de contrat a ouvert les droits à une prise en charge par l’assurance chômage, la personne concernée bénéficie de la portabilité même si elle est en arrêt maladie à la date de rupture du contrat de travail.

« En arrêt maladie, cette personne bascule en principe vers les indemnités journalières de la Sécurité sociale (IJSS), souligne Pascale Ernst. Toutefois, en pratique, la portabilité des garanties de la complémentaire est souvent accordée dans ce cas de figure. C’est également le cas lorsqu’un ancien salarié qui a commencé à bénéficier de la portabilité, est ensuite placé en arrêt maladie, même si juridiquement, il y a matière à débat. En pratique, les organismes assureurs et les employeurs préfèrent accorder immédiatement la portabilité pour faire courir la période de 12 mois ».

Quelle est la durée de la portabilité de la complémentaire santé ?

La portabilité est applicable pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage. Mais la durée de la portabilité ne peut excéder celle du dernier contrat de travail et elle est plafonnée à 12 mois maximum. Elle est donc d’abord liée à la durée d’indemnisation chômage. Ainsi, si les droits d’indemnisation chômage du bénéficiaire de la portabilité ne portent que sur six mois, cette portabilité ne sera plus effective au-delà de cette période. Si la personne est éligible aux allocations chômage pour une durée supérieure à 12 mois, la portabilité de la mutuelle s’achèvera quoi qu’il en soit au bout d’un an. Enfin si le salarié retrouve un emploi, il doit en informer l’organisme assureur et la portabilité cessera de s’appliquer.

La portabilité est-elle activée en cas de départ à la retraite ?

Non, le dispositif de portabilité des droits ne s’applique pas à ce cas de figure, puisque la personne ne s’inscrira pas à Pôle Emploi. En revanche, elle peut bénéficier d’un autre dispositif, le maintien de la garantie santé, à titre individuel et payant. Ainsi, l’article 4 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, dite « loi Evin » impose aux organismes assureurs (dont les mutuelles de santé) de proposer un contrat pour maintenir la couverture frais de soins de santé notamment aux anciens salariés bénéficiaires d’une pension de retraite (les garanties de prévoyance ne sont pas concernées). Bénéficient aussi de cette disposition, sous certaines conditions, les salariés licenciés et bénéficiaires d’un revenu de remplacement à l’issue de la portabilité et les salariés titulaires d’une rente d’incapacité ou d’invalidité.

Cette couverture doit se faire dans les conditions suivantes :

  • la première année, les tarifs ne peuvent être supérieurs aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs ;
  • la deuxième année, les tarifs ne peuvent être supérieurs de plus de 25 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs ;
  • la troisième année, les tarifs ne peuvent être supérieurs de plus de 50 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs.

L’assureur doit adresser au retraité une proposition d’assurance dans un délai de deux mois à compter de la rupture du contrat de travail.

Quelles démarches effectuer pour bénéficier de la portabilité de la mutuelle ?

En principe, il n’y a aucune démarche à effectuer de la part de l’ancien salarié. Il continue de bénéficier des garanties collectives santé (et prévoyance, si l’ex-employeur a souscrit un contrat collectif dans ce domaine aussi et dont il bénéficiait) et ce, à titre gratuit. C’est en effet l’entreprise, ainsi que ses salariés actifs, qui financent la portabilité par le biais des cotisations versées à l’organisme assureur des garanties collectives. C’est aussi à l’ex-employeur d’informer la mutuelle de la cessation du contrat de travail.

Toutefois, il faut justifier auprès de l’organisme assureur complémentaire lui-même de sa prise en charge par l’assurance chômage et tout au long de la période concernée. La personne devra ensuite informer l’organisme lorsqu’elle arrive en fin de droits de l’indemnisation chômage, si cette fin de droits intervient avant 12 mois. À la fin du dispositif de portabilité, en application de l’article 4 de la loi Evin, la mutuelle doit adresser une proposition de maintien des garanties à titre individuel (contrat payant) dans un délai de deux mois. La personne concernée dispose de 6 mois pour demander à en bénéficier.

La portabilité : un dispositif lié à la flexibilité du marché du travail

Pascale Ernst, Avocate - Off Counsel au sein du cabinet Ogletree Deakins et spécialisée en droit de la protection sociale : « Depuis un peu plus de dix ans, le droit du travail en France donne une importance accrue à la flexibilité des parcours professionnels. C’est ainsi que l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2008 a instauré un nouveau mode de rupture du contrat de travail, la rupture conventionnelle homologuée, qui est une modalité plus souple de rupture que le licenciement, et qui repose sur une volonté commune de l’employeur et du salarié. En contrepartie de cette flexibilité, l’idée d’établir des droits portables pour les salariés s’est fait jour. C’est ainsi que les partenaires sociaux ont instauré, dans certains cas, le maintien des garanties collectives en situation de rupture du contrat de travail. La portabilité a ensuite été reprise par le législateur à l’article L.911-8 du Code de la Sécurité Sociale. »

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