La prévoyance ne doit pas être confondue avec l’assurance santé. Si vous êtes assuré social, votre caisse d’Assurance maladie prend en charge le remboursement de vos frais médicaux, au titre de l’assurance santé obligatoire. Au-delà des remboursements de la Sécurité sociale, qui ne couvrent pas l’intégralité des dépenses de santé, l’assurance santé complémentaire (complémentaire santé) prend le relais. Mais il ne s’agit toujours pas de prévoyance.
Alors qu’est-ce que la prévoyance ? Contrairement à la mutuelle santé, dont le rôle est de compléter le remboursement de la Sécurité sociale pour les soins, il s’agit d’une protection sociale qui permet de bénéficier d’une aide financière face aux aléas de la vie, pour soi-même ou sa famille ou encore sur le plan professionnel (on parle alors de prévoyance collective). Une protection sociale minimum est en principe prise en charge par votre régime obligatoire, pour les travailleurs salariés notamment (indemnités journalières versées par la sécurité sociale en cas de maladie…), mais celle-ci étant limitée, des contrats de prévoyance complémentaires peuvent être souscrits par ailleurs.
Concrètement, un contrat d’assurance prévoyance assuré par un organisme complémentaire (mutuelle, assureur, institution de prévoyance) peut couvrir les risques suivants :
Nous ne sommes pas toujours couverts pour les risques cités plus haut. « Au-delà du tabou “on n’aime pas parler de ce qui fait peur“, nous devons aussi travailler sur l’idée reçue selon laquelle nous sommes, en France, couverts pour tout, fait remarquer Catherine Rouchon, directrice générale de Mutex, assureur expert en prévoyance et en épargne-retraite, filiale d’Harmonie Mutuelle. Or c’est faux, ni la Sécurité sociale ni la complémentaire santé ne permettent de maintenir les revenus de sa famille après un coup dur, encore moins de financer les études des enfants après le décès d’un des parents. » Souvent, en effet, nous imaginons être protégés par le régime de base auquel nous cotisons, mais c’est rarement le cas. Selon le 13e Baromètre de la prévoyance CTIP – CREDOC (2020), 24 % des Français se sentent protégés, alors qu’en réalité ils ne sont pas couverts en matière de prévoyance.
« Cela confirme que les Français sont peu ou mal informés sur leur couverture prévoyance et attendent souvent d’être confrontés à une situation difficile, voire tragique, pour se renseigner et mettre en place les protections nécessaires », souligne Catherine Rouchon.
Non seulement la prise en charge des risques par la Sécurité sociale demeure insuffisante, malgré la création de la protection universelle maladie (PUMA), mais on ne dispose que d’une protection sociale obligatoire faible si l’on n’est pas salarié, les prestations de prévoyance versée par la sécurité sociale des indépendants étant très limitées. Et encore : 15 % des salariés du privé ne bénéficient actuellement d’aucune prévoyance complémentaire. Il s’agit généralement de collaborateurs d’entreprises de petites tailles. Par ailleurs, un travailleur non salarié (TNS) sur deux seulement est protégé, alors qu’il existe des contrats de prévoyance adaptés.
Les Français ne sont donc pas suffisamment couverts, à tel point que certains observateurs parlent d’imprévoyance. « Certains d’entre nous redoutent d’évoquer les sujets prévoyance par superstition, reprend Catherine Rouchon. On ressent une vague peur que cela nous porte malheur ! De même que porter un casque moto ou s’encorder sur un glacier n’a jamais fait tomber personne, il faut avoir le courage de s’intéresser au sujet une bonne fois pour vivre tranquille après, l’esprit serein. Gardons en tête que plus de 40 % des Français sont ou seront confrontés à ce type d’aléa au cours de leur vie. »
De fait, l’Observatoire de l’imprévoyance VYV-Ipsos 2020 estime à 12 milliards d’euros chaque année les ressources qu’il faudrait consacrer pour combler l’absence d’assurance prévoyance de la part des Français. Cette somme représente le montant annuel des prestations prévoyance non servies aux individus ou à leur famille en raison de la faiblesse ou de l’absence de couverture de protection sociale complémentaire.
De toute évidence, l’imprévoyance a aussi de nombreuses conséquences pour les Français et leur famille en cas d’événement malheureux :
Le principe d’une assurance prévoyance est de compenser des pertes de revenus dues à un imprévu : décès, invalidité, incapacité de travail, perte d’autonomie, blessure, frais d‘hospitalisation, etc. La prévoyance complémentaire permet de maintenir son niveau de vie dans ces circonstances difficiles. La nature des prestations perçues par l’assuré est variable :
Afin de percevoir une prestation en cas d’imprévu, il faut bien sûr avoir cotisé. Alors, combien coûte un contrat prévoyance ? Cela dépend évidemment des garanties proposées. Toutefois, l’économiste François-Xavier Albouy, spécialisé dans les risques, considère que « le coût d’une prévoyance individuelle se situe aux alentours de 600 € annuels, auxquels il faut ajouter au maximum 200 € annuels pour inclure les garanties de dépendance ». Il s’agirait ainsi de dépenser environ 60 €/mois, plus ou moins le prix d’un forfait Internet/téléphonie, pour prendre un exemple de dépenses comparables. Une charge mensuelle à mettre en perspective avec l’enjeu de la prévoyance : une absence de contrat peut se révéler dramatique pour une personne et son entourage familial.
Parallèlement à la prévoyance individuelle (une personne souscrit de sa propre initiative un contrat de prévoyance pour elle-même et son entourage), il existe la prévoyance collective. Celle-ci concerne les salariés d’entreprise (elle peut aussi s’adresser aux fonctionnaires). Son principe est simple : tirant profit de deux avantages majeurs (une mutualisation des efforts permettant de réduire les coûts et une incitation fiscale et sociale à cotiser moyennant le respect de certaines conditions), l’entreprise souscrit une assurance prévoyance pour ses salariés. Elle le fait en quelque sorte au nom d’un intérêt mutuel bien compris : en tant qu’employeur responsable, il est préférable pour elle que ses salariés soient couverts face aux aléas de la vie.
Comme le souligne le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) dans son rapport sur « La place de la complémentaire santé et prévoyance en France », publié en janvier 2021, l’environnement juridique qui s’est construit dans ce domaine au fil du temps « traduit une forme de préférence de la part des pouvoirs publics en faveur des couvertures collectives, spécialement celles qui bénéficient aux salariés du secteur privé ; ce primat (…) s’explique très largement par l’histoire de la construction des garanties sociales adossées à l’emploi ».
Les salariés du secteur privé, justement, bénéficient obligatoirement d’une affiliation au régime général de la Sécurité sociale. Celle-ci leur permet de percevoir des indemnités journalières en cas d’arrêt de travail (maladie, maternité, accident).
Toutefois ces indemnités ont deux principaux « défauts » : leur délai de carence et le plafonnement de leur montant. D’où l’importance de souscrire une couverture prévoyance complémentaire.
Historiquement, les partenaires sociaux ont souhaité, en entreprise, protéger les salariés contre ces risques. Une volonté qui a présidé à la signature de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, qui a imposé aux employeurs de souscrire une assurance prévoyance au profit de leurs cadres. Progressivement, des accords relatifs à la prévoyance ont été signés au sein des conventions collectives de branches, pas seulement pour les cadres. Aujourd’hui, plus de 200 conventions collectives, représentant plus de 80 % des salariés, intègrent l’obligation pour les entreprises de souscrire un contrat collectif de prévoyance.
Il faut noter toutefois que, depuis 2013, les employeurs n’ont plus la contrainte de souscrire un contrat auprès de l’organisme sélectionné par leur branche professionnelle. Ils peuvent se tourner vers un autre prestataire dès lors que celui-ci fournit des niveaux de garantie au moins équivalents à ceux qui sont inclus dans le contrat de branche (contrat assuré par un organisme recommandé). Par ailleurs, l’employeur peut décider d’adhérer à des couvertures prévoyance facultatives, parallèlement aux garanties obligatoires.