Décès, invalidité, hospitalisation… : à quoi sert la prévoyance ?

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Par Félix Maréchal

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Décès, invalidité, perte d’autonomie… Difficile de parler de ces sujets. Et encore moins évident de faire la démarche pour se protéger des accidents de la vie. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles la couverture « prévoyance » des Français est insuffisante. Mieux se garantir des aléas est pourtant essentiel. Un enjeu autant individuel que sociétal.

Les Français sont-ils « imprévoyants » ? Oui, à en croire l’Observatoire de l’imprévoyance VYV-Ipsos 2020. Ainsi 40 % de nos compatriotes ne se sentiraient pas concernés par les risques couverts par un contrat prévoyance. Nous pensons tous que les accidents, par exemple, n’arrivent qu’aux autres. Or ce n’est bien sûr pas le cas. Ce thème était précisément au cœur de la conférence « L’imprévoyance : quelles conséquences fiscales et sociales ? » organisée le 25 mars 2021 par Les Échos et le Groupe VYV et dont certains participants sont cités dans cet article.

Se couvrir contre les aléas de la vie

Au fait, que recouvre ce terme « prévoyance » ? La réponse est simple : un contrat de prévoyance contient les garanties qui couvrent une personne et ses proches (ou son entreprise) contre les aléas de la vie. Et ceux-ci sont nombreux :

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Catherine Rouchon. crédit : DR

Autant de sujets dramatiques. Et c’est bien là le problème. « Nous l’avons constaté dans nos enquêtes, les Français n’aiment pas évoquer ces thèmes qui font peur, note Catherine Rouchon, directrice générale de Mutex (Groupe VYV), acteur majeur du monde mutualiste sur le marché de la prévoyance et de l’épargne-retraite. Certains craignent même que cette simple évocation leur porte malheur ! ».

La prévoyance est un sujet tabou, donc. Comme le souligne Catherine Touvrey, directrice générale d’Harmonie Mutuelle, membre du Groupe VYV, il y a même un véritable « biais cognitif à propos de la prévoyance ». En l’occurrence une perception fausse de la réalité. Cette perception, quelle est-elle ? Selon l’Observatoire de l’imprévoyance VYV-Ipsos 2020, 24 % des Français se sentent protégés, alors qu’en réalité ils ne sont pas couverts en matière de prévoyance.

Encore trop de préjugés sur la prévoyance

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François-Xavier Albouy. crédit photo : DR

« En dehors de l’idée reçue “un accident de la vie ça n’arrive qu’aux autres“, il existe deux autres préjugés, constate Catherine Rouchon : l’idée qu’un contrat prévoyance est trop cher et celle que la Sécurité sociale couvre les risques. »

S’il s’agit bien de préjugés, alors combien coûte un contrat prévoyance ? Certes, il n’existe pas une réponse uniforme et cela dépend, entre autres, des garanties proposées. Économiste spécialisé dans les risques, François-Xavier Albouy estime que le coût d’une prévoyance pour une personne est généralement « de l’ordre de 600 € annuels, auxquels il faut ajouter au maximum 200 € annuels pour inclure les garanties de dépendance. Au fond, ce sont des sommes assez faibles par rapport aux enjeux. »

Faibles ou pas faibles, tout est relatif. Dépenser 60 € par mois peut sembler élevé pour certains. Mais, comme le souligne François-Xavier Albouy, c’est l’enjeu qui fait la différence. Une absence de prévoyance peut se révéler dramatique pour une personne et tout son entourage. « Au drame émotionnel que déclenche un accident de la vie s’ajoute une tragédie financière, déplore Catherine Touvrey. C’est pourquoi nous devons lutter contre ce paradoxe : 40 % des Français ne se sentent pas concernés et pourtant un accident de la vie, lorsqu’il survient, est catastrophique. »

La prise en charge des risques par la Sécurité sociale demeure insuffisante

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Pascale Ernst. crédit photo : DR

Quant au second préjugé — les risques prévoyance seraient déjà couverts par la Sécurité sociale — il s’avère lui aussi infondé. Certes, la prise en charge progresse. La création en 2016 de la protection universelle maladie (PUMA) en est l’illustration. Cependant, comme l‘affirme Pascale Ernst, avocate en droit de la retraite et de la prévoyance, il y a encore « beaucoup de trous dans la raquette ». « PUMA dissocie l’assurance maladie de l’activité professionnelle, ce qui est une bonne chose, précise-t-elle. Mais dans la plupart des cas, la couverture des Français est encore liée à leur travail. Un étudiant malade, par exemple, est à la charge de sa famille. »

15 % des salariés du privé n’ont aucune prévoyance

Par ailleurs la couverture prévoyance des Français montre des inégalités flagrantes. Ainsi 15 % des salariés du privé ne bénéficient encore d’aucune prévoyance. Il s’agit généralement de collaborateurs d’entreprises de petites tailles. Autre exemple : un travailleur non salarié (TNS) sur deux seulement est protégé, alors qu’il existe des contrats de prévoyance adaptés, l’assurance homme-clé par exemple.

Et la crise du Covid-19 amplifie les risques encourus. Avec l’augmentation du chômage, les personnes licenciées mettent plus de temps à retrouver un travail. Or le principe de la « portabilité » leur permet de bénéficier de la protection sociale lié à leur précédent emploi pendant seulement 12 mois. C’est encore plus compliqué pour un senior non encore éligible à la retraite et pour qui le risque de ne jamais retrouver d’emploi est élevé.

Des solutions pour améliorer la prévoyance

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Catherine Touvrey

Quelles solutions pour renforcer la couverture prévoyance des Français ? Les pistes d’amélioration sont à la fois :

  • individuelles (pour chacun, souscrire à un contrat prévoyance ou améliorer son contrat existant)
  • collectives (l’employeur doit renforcer la couverture de ses salariés et les branches professionnelles doivent mieux prendre en charge le risque prévoyance).

À une échelle plus large, pouvoirs publics et groupes de protection sociale doivent eux-mêmes réfléchir à une meilleure prise en charge. « En ce qui concerne la dépendance, l’idée d’une assurance obligatoire qui serait adossée à une assurance santé me semble pertinente », commente Arnaud Chneiweiss, médiateur de l’assurance. Question-clé : le financement de la prévoyance. Il est nécessaire de dégager des ressources pour ce financement, que l’Observatoire de l’imprévoyance VYV-Les Échos 2020 estime à 12 milliards d’euros chaque année. Soit le montant annuel des prestations prévoyance non servies aux individus ou à leurs familles en raison de la faiblesse ou de l’absence de couverture de protection sociale complémentaire.

« La création d’un compte personnel de prévoyance pourrait être également une solution, suggère Catherine Touvrey. En tout état de cause, il devient essentiel de mieux parler de ces sujets difficiles et de trouver les solutions pour alléger la charge mentale des individus et leurs parcours de vie. » Un enjeu autant individuel que sociétal.

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