La dépendance devient un risque de Sécurité sociale

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Par Jacques Linard

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La création d’un nouveau risque de Sécurité sociale consacré à la perte d’autonomie est un véritable changement dans l’action publique en ce domaine. Mais il ne s’agit que d’une étape d’une histoire déjà longue. Explications.

En 2020, la Sécurité sociale élargit ses interventions à la dépendance, qui devient son cinquième risque après la vieillesse, la maladie (santé, maternité, prévention), la famille (allocations familiales et prestations associées) et les accidents et maladies professionnelles. Un nouvel épisode dans une longue évolution législative pour prendre en compte un phénomène lié au vieillissement de la population.

Depuis près de trente ans, la France cherche à répondre à la perte d’autonomie et ses conséquences pour l’individu comme pour la société.

Depuis la prestation spécifique dépendance

En 1997, notre pays met en place la prestation spécifique dépendance (PSD). Il s’agissait de favoriser le maintien à domicile par la fourniture de services aux personnes âgées. L’innovation est là, et comme toute innovation, elle souffre de défauts et de limites qui seront pour partie corrigés en 2002 avec son remplacement par l’allocation personnalisée d’autonomie, gérée par les départements.

La nouvelle prestation abandonne un des points très critiqués de la PSD, le recours sur succession, qui a constitué un frein important au développement de celle-ci, les Français voyant d’un mauvais œil une telle perspective.

Mais si cette nouvelle prestation sociale concerne désormais les personnes hébergées en établissement, sa gestion départementale laisse subsister des inégalités selon les territoires, certains départements se révélant plus attentifs, ou plus généreux que d’autres. Le débat sur l’organisation nationale de la prise en charge est vif et fait émerger l’idée d’un « cinquième risque de Sécurité sociale ».

En outre subsistent les questions de la définition de la perte d’autonomie et de la prise en charge des situations de handicap.

Renforcer le dispositif contre la perte d’autonomie

En 2005, un correctif majeur est apporté avec la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, financée en partie par la Contribution de solidarité pour l’autonomie représentée par une journée de travail de l’ensemble de la population. Cette création a ranimé les débats sur l’intégration de la dépendance dans le champ de la Sécurité sociale, le choix ayant été de lui conserver son indépendance.

La CNSA a permis de renforcer le dispositif contre la perte d’autonomie, en faisant converger des ressources de différentes origines (Assurance maladie, CSG…) pour les répartir entre les départements. Un rapport récent de Laurent Vachey montre que les inégalités de situation géographique persistent, le taux de bénéficiaires de l’APA variant entre 2,6 % et 9,4 % des plus de 60 ans…

Dans la même période, les départements doivent faire face à la montée des besoins sociaux. Ils sont déjà cofinanceurs du Revenu de solidarité active (RSA) pour les personnes exclues du marché de l’emploi. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le manque de moyens accordés à la perte d’autonomie, alors que les besoins se font de plus en plus importants.

Au fil des années, les concertations et les lois se succèdent. Mais la réforme d’ensemble se fait attendre, faute de pouvoir dégager les finances nécessaires. Le dossier anime l’actualité, notamment autour de la situation dans les Ehpad : manque de personnel, importance des tarifs et des restes-à-charge pour les résidents…

L’impact de la crise sanitaire

La crise sanitaire va accélérer le calendrier, pour remettre en haut de la pile un des engagements du programme présidentiel.

En août 2020, une loi met en place un dispositif de financement de la dette sociale, largement impactée par l’épidémie. Si ce volet est largement discuté, l’unanimité est faite autour d’une autre mesure du texte : la création d’un nouveau risque de Sécurité sociale consacré à la dépendance, et son organisation au sein d’une « cinquième branche ».

Pourquoi une branche de Sécurité sociale ?

On aurait pu décider de renforcer le rôle de la CNSA. Mais, explique Laurent Vachey dans son rapport, la création d’une telle branche « doit permettre de progresser dans ce qui est un symbole de la sécurité sociale française : un même droit pour tous, partout, et donc plus d’équité dans l’accès aux services et aux prestations ».

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 (PLFSS) actuellement en discussion consacre la création de cette nouvelle branche de Sécurité sociale. En pratique, l’intendance sera assurée par la CNSA. La branche bénéficiera pour le moment du financement de cette dernière (27,5 milliards en 2020), complétée de plusieurs autres ressources pour un budget, la première année, de 31,2 milliards d’euros.

Le problème est-il réglé ? On en est encore loin, selon les professionnels, car il faudra trouver de nouveaux financements pour donner toute son efficacité à cette nouvelle branche. Pour la seule perte d’autonomie, un autre rapport évaluait à quelque 9 milliards d’euros chaque année le besoin de financement supplémentaire.

Pour Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, la mise en place du cinquième risque et de sa branche est une première étape. Suivra l’élaboration, après concertation avec tous les acteurs, d’un projet de loi d’ensemble. Initialement prévu pour cet automne, ce projet n’est pas annoncé avant la fin de l’année.

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