Catherine Vidal : « Les représentations sociales conduisent, à tort, à considérer certaines maladies comme féminines ou masculines »

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Par Victoire N’Sondé

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Dans un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Catherine Vidal décrypte comment les femmes sont victimes de stéréotypes de genre et pâtissent d’une moins bonne prise en charge de l’infarctus, de la dépression ou de l’autisme.

Catherine Vidal est l'autrice de « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique » publié en 2020 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle est également membre du Comité d’éthique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Qu’appelle-t-on le genre et en quoi intervient-il dans le champ de la santé ?

Catherine Vidal : Le genre fait référence aux processus de construction sociale et culturelle des identités et des rapports sociaux entre les hommes et les femmes. Dans la médecine, les représentations sociales conduisent, à tort, à considérer certaines maladies comme exclusivement féminines ou masculines. Ces visions stéréotypées, souvent inconscientes, sont présentes chez les patients comme chez les soignants. Elles peuvent conduire à des inégalités dans l'accès au soin et la prise en charge médicale. Face à des différences dans certaines pathologies entre les hommes et les femmes, le corps médical, de par sa formation, a souvent tendance à privilégier des explications biologiques et à ne pas porter suffisamment d’attention à ce qui relève de l’environnement social, culturel ou économique. D’où l’importance d’informer le grand public et aussi les soignants, avec une formation initiale des étudiants et une formation continue des professionnels de santé.

Comment les stéréotypes de genre conduisent-ils à des inégalités de prise en charge entre les femmes et les hommes ?

C.V. : L’infarctus du myocarde, par exemple, a longtemps été perçu comme une maladie d’hommes stressés au travail. A symptôme égal, fatigue et oppression dans la poitrine notamment, on va davantage prescrire des anxiolytiques à une femme alors que l’homme sera dirigé vers un cardiologue. Les femmes arrivent plus tardivement aux urgences, faute d'informations sur les signes de l'infarctus. A l’hôpital, leur prise en charge sera plus tardive. Elles vont devoir attendre plus longtemps avant de bénéficier d’un électrocardiogramme.
A l’inverse, l’ostéoporose n’est pas uniquement une maladie de femmes ménopausées. Les hommes en souffrent également. Mais ils ne sont pas traités, alors qu’ils se cassent aussi le col du fémur.
Le poids des stéréotypes concerne aussi l'autisme, qui est sous-diagnostiqué chez les filles. Chez le jeune enfant, le retrait sur soi est perçu comme de la timidité pour les filles alors que, pour un garçon, on va suspecter un trouble de la communication sociale.
Un autre exemple de l'influence du genre concerne la dépression. Partout dans le monde, on déplore deux fois plus de dépressions chez les femmes que chez les hommes. On a longtemps avancé comme explication la nature fragile des femmes, du fait de problèmes liés aux hormones, menstruations, grossesses, ménopause… Les clichés sur les femmes qualifiées de "sexe faible" sont encore présents. Or les recherches récentes montrent clairement que les femmes, comparativement aux hommes, présentent davantage de facteurs de risque de dépression qui sont liés, là encore, au contexte social, culturel et économique. D’après une étude menée dans plus de 200 pays, plus le niveau économique d’un pays est élevé, moins on constate de différences entre les hommes et les femmes concernant la dépression.

Le contexte économique et social impacte également la santé des femmes. De quelle manière ?

C.V. : En matière de santé publique, on ne peut pas séparer le biologique du social. Les femmes sont les premières victimes de la précarité économique : bas salaires, petites retraites, familles monoparentales... Des logements insalubres, une alimentation déséquilibrée ont pour conséquence d’augmenter les risques d’obésité, de diabète, de dépression etc. Le manque de ressources se traduit par un renoncement aux soins. Garantir l’accès au soin pour les femmes précaires doit être une priorité. Enfin, les violences et leurs effets sur la santé physique et mentale des femmes sont un aspect très important dont on ne parle pas suffisamment. Les femmes sont victimes de violences dans tous les milieux. Il est impératif de mettre en place une formation spécifique pour que les soignants apprennent à détecter ces violences. Cela ne s'improvise pas parce que ces questions sont très intimes.

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