Déserts médicaux : près d’un tiers des Français ont déjà renoncé à consulter un généraliste

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Par Juliette Plouseau

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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© Getty Images / vidéo : Angélique Pineau-Hamaguchi

Quel est le ressenti des Français concernant la question de l’accès aux soins et des déserts médicaux ? Une étude a été réalisée par ViaVoice pour Essentiel Santé Magazine en juin 2022*.

Difficultés et inégalités d’accès aux soins. C’est le double constat alarmant révélé par l’étude ViaVoice pour Essentiel Santé Magazine de juin 2022 sur « l’accès aux soins et les déserts médicaux ».

https://youtube.com/shorts/O-eRfLqoFAc

Près d’un tiers des Français (31 %) déclarent ainsi avoir déjà renoncé à aller voir un médecin généraliste alors qu’ils en avaient besoin. Parmi eux, 18 % déclarent avoir dû y renoncer « plusieurs fois ». Ce chiffre est encore plus significatif concernant les consultations chez un spécialiste. 42 % des Français indiquent qu’ils ont dû renoncer à un rendez-vous chez un médecin spécialiste (lire encadré), et 25 % « plusieurs fois ».

« Trouver un spécialiste est un parcours du combattant »

« Trouver un spécialiste est un parcours du combattant », raconte Ghislaine, l’une de nos lectrices, répondant à un appel à témoignages lancé dans le numéro de juin 2022 d’Essentiel Santé Magazine. « Les délais sont de plus en plus longs. Pour un rhumatologue, il faut parfois attendre huit mois, voire un an. Pour un cardiologue, c’est la même chose. Les délais d’attente chez le mien ne cessent de s'allonger. »

Même constat alarmant pour Sylvie : « Voilà bientôt un an que nous avons aménagé près de Quimper avec mon mari et nous n'avons toujours pas trouvé un seul dentiste qui accepte de nous prendre en patientèle. J'ai passé des jours à contacter tous les cabinets dentaires aux alentours de la ville, dans un rayon de plus de 20 à 30 km. En vain ! Nous avons dû retourner nous faire soigner à Rennes, chez notre ancien dentiste, à 220 km. »

A noter que c’est auprès des tranches de la population les plus jeunes (18-49 ans) que le renoncement à des soins est particulièrement frappant, que ce soit dans le cadre d’un rendez-vous chez un médecin généraliste ou chez un spécialiste.

Pourquoi les Français renoncent-ils aux soins ?

Si les Français interrogés ont dû renoncer à un rendez-vous médical, c’est principalement pour trois raisons :

  • le temps : dans 30 % des cas, c’était parce que le rendez-vous n’était pas suffisamment rapide ;
  • l’absence de disponibilité : 30 % n’en ont pas trouvé ;
  • l’argent : pour 26 % d’entre eux, c’était pour des raisons financières.

Stewart Chau, directeur des études politiques et opinion à l’institut de sondages ViaVoice, en charge de l’étude réalisée pour Essentiel Santé Magazine, insiste d’ailleurs sur la question des moyens financiers, invoquée comme motif de renoncement aux soins.

En France, « avec notre système de remboursement, on ne prend pas toujours conscience du coût que peut représenter la santé », souligne Stewart Chau. Les choses changent « le jour où une personne décide de prendre rendez-vous chez un médecin conventionné en secteur 1 et qu’elle ne parvient pas à trouver de créneau disponible, à part pour des docteurs conventionnés en secteur 2 ou 3. Ces praticiens n’appliquent pas forcément le tiers payant, et il faut avancer les frais. La question de l’argent devient alors un motif de renoncement aux soins ».

Dégradation de la situation ces quatre dernières années

Les Français interrogés dans le cadre de cette étude sont nombreux à déplorer « une dégradation de la situation » ces quatre dernières années et restent « très inquiets pour l’avenir ». 42 % d’entre eux estiment qu’il est de plus en plus difficile d’avoir accès à un généraliste. Ce constat est très marqué   auprès des habitants d’Ile-de-France (52 %).

Concernant les spécialistes, 67 % déplorent également une difficulté grandissante d’accès à ces médecins.

Une inégalité d’accès aux soins

Dans ce contexte, 75 % des Français estiment qu’aujourd’hui en France, il n’y a « pas de réelle égalité » entre les Français en termes d’accès rapide et facile à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire. « L’accès aux soins est l’un des droits fondamentaux de notre pays. La position des Français à ce sujet est donc très préoccupante.

Avec la crise sanitaire, les Français portent un regard à double tranchant sur notre système de santé. D’un côté un très fort attachement vis-à-vis de celui-ci, de l’autre, des failles** qui ont été révélées au grand jour. Cette période a amplifié les inégalités d’accès aux soins », précise Stewart Chau.

En outre, si l’accès aux soins est difficile dans de nombreux territoires, il constitue une difficulté majeure pour les habitants des communes rurales. C’est ce qu’expriment 63 % d’entre eux. D’ailleurs, 67 % de ces habitants estiment vivre actuellement dans un désert médical.

« Les petits villages ont des difficultés à recruter des médecins : j'habite à une vingtaine de kilomètres de Saint-Gaudens (31). Depuis le décès de mon docteur il y a trois ans, je n'ai trouvé aucun remplaçant pour mon suivi médical. Pourtant tout passe par ces médecins : prise de sang, analyse d'urine, radios, etc. », réagit Dominique. « Faut-il attendre d'être très malade ou mourant pour être pris en charge par les urgences ? », s’inquiète ce lecteur.

Les urbains également concernés

57 % des Français résidant en ville (20 000 à 99 999 habitants) se sentent quant à eux concernés par cet accès difficile aux soins.

« J'habite au Havre et l'accès aux médecins généralistes (entre autres) devient impossible. Le mien a pris sa retraite en avril et depuis, malgré de très nombreuses tentatives, aucun des 150 généralistes (environ) de la ville n'accepte de prendre de nouveaux patients. L'accès aux soins devient complexe et anxiogène », témoigne Emmanuel.

Les déserts médicaux : un enjeu important pour les Français

Pour 84 % des Français interrogés, la question des déserts médicaux apparaît ainsi comme un enjeu « important voire prioritaire ». Et 77 % déclarent qu’ils ne sont pas confiants quant à l’amélioration de la situation en France.

« Il n’est pas toujours évident de cerner quels sont les sujets prioritaires des Français. Mais actuellement, lorsque nous faisons des enquêtes, on se rend compte que la santé, notamment la question des déserts médicaux et de l’accès aux soins, arrive en tête, au même titre que le pouvoir d’achat et l’environnement », analyse Stewart Chau.

Quelles sont les solutions ?

Pour faire face et agir contre les déserts médicaux, les Français estiment que l’Etat et le Gouvernement sont ceux qui doivent agir en priorité (60 %). Les collectivités territoriales (44 %) ont également un rôle à jouer. Les mutuelles (6 %) peuvent aussi contribuer à faire évoluer la situation.

Concernant les solutions les plus efficaces pour lutter contre les déserts médicaux, 42 % des Français citent le fait de faciliter l’installation des médecins dans les territoires en manque de praticiens. 40 % d’entre eux jugent efficace de multiplier l’installation des « maisons de santé » dans les territoires touchés par les déserts médicaux. Et 38 % suggèrent d’« obliger les jeunes médecins en début de carrière à s’installer dans un territoire ».

Jacques, un de nos lecteurs, s’interroge même sur le retour des dispensaires. « Actuellement, pour des rendez-vous pour des soins médicaux, l’attente est longue. Il fut un temps où il existait des dispensaires pour les petits soins courants, c’était parfait. Peut-être serait-il temps de réinventer cela pour éviter que les urgences soient submergées ? ».

Enfin, au-delà de l’enjeu d’un accès égal aux soins pour tous, 79 % des Français estiment que l’accès à des soins de qualité dans un territoire renforce l’envie de s’y installer et favorise son attractivité.

Pour en savoir plus :

Télécharger l’étude complète sur l’accès aux soins et les déserts médicaux

*Cette étude a été réalisée en ligne par ViaVoice pour Essentiel Santé Magazine, du 21 juin au 23 juin 2022, auprès d’un échantillon de 1001 personnes, représentatif de la population habitant en France métropolitaine âgée de 18 ans et plus.

Renoncement à un rendez-vous médical : les spécialités les plus touchées

42 % des Français répondant à l’étude ViaVoice pour Essentiel Santé Magazine de juin 2022 sur « l’accès aux soins et les déserts médicaux » ont dû renoncer, ces dernières années, à un rendez-vous chez un médecin spécialiste alors qu’ils en avaient besoin.

Parmi les spécialités les plus concernées, on retrouve en tête : les dentistes/orthodontistes (35 %), les ophtalmologues (19 %) et les dermatologues (13 %). Dans une moindre mesure, les personnes interrogées citent ensuite les gynécologues (5 %) et les ORL (5 %).

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