Les bus santé itinérants luttent contre les déserts médicaux et les difficultés d’accès à la santé

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Par Alexandra Luthereau

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© CD92 Stéphanie Gutierrez Ortega

Les bus santé permettent d’aller vers les populations les plus fragiles et/ou vivant dans des déserts médicaux. Ces innovations sociales plébiscitées par les citoyens et les collectivités locales se multiplient. Avec pour vocation la création de liens entre les professionnels de santé locaux et leurs patients.

À partir du printemps 2021 et l’accélération de la campagne nationale de vaccination contre le Covid-19, on a pu apercevoir des Vaccinobus sillonner les routes de Seine-Saint-Denis, de l’Allier, de la Sarthe… et tout un tas d’autres territoires. Le but ? Informer, aider à prendre rendez-vous, voire vacciner sur place, les Français les plus éloignés de la santé.

Ce type de dispositifs de santé mobile n’est pas nouveau. Il en existe depuis des années. Car ils permettent d’aller vers les publics les plus fragiles et précaires et dans les territoires où l’accès à la santé est le plus difficile du fait du manque de professionnels de santé. En 2017, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, rattaché au Premier ministre, recommandait même dans son avis sur la stratégie nationale de santé ce type de solutions pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins.

Cependant, « sans que cela fasse l’objet de financements pérennes », déplore Bénédicte de Kerprigent, fondatrice de l’Institut des Hauts-de-Seine qui a mis en place le Bus santé femmes.

Répondre aux détresses des femmes

Créé fin 2019 avec le concours de la RATP et des départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines, le Bus santé femmes s’adresse aux femmes les plus isolées. « Cette solitude silencieuse, invisible est un véritable fléau dans notre société. Elle entraîne une dépendance aux médicaments et de nombreuses maladies de la femme », souligne Bénédicte de Kerprigent, également directrice générale de l’Institut.

Les femmes rencontrées « cumulent les précarités, souligne le Dr Mourad Souames. Elles sont sans activité pour les trois quarts d’entre elles. Et une femme sur deux estime que son état de santé est moyen voire mauvais. Elles sont éloignées de la santé et de leurs droits. Par ailleurs, un tiers renonce à des soins de santé pour des raisons financières… Le bus cherche alors à rompre leur isolement, à créer du lien social et à amener les soins et la prévention à elles ».

Ce long bus qui fait halte deux fois par semaine dans des communes des Hauts-de-Seine et des Yvelines, est composé de quatre espaces de consultations différents. Il propose aux femmes non seulement un parcours santé avec des dépistages (auditif, visuel, diabète, cholestérol, obésité, maladies cardiovasculaires…), mais également des consultations avec une psychologue, un avocat, une assistance sociale, des policiers…

« Notre objectif est de répondre à leurs détresses, de les informer et de les orienter vers les structures où elles pourront trouver l’aide et le suivi dont elles ont besoin, explique la directrice générale. En sortant du bus, elles sont généralement soulagées ».

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Le Bus santé femmes s’adresse à celles qui sont le plus éloignées de la santé et qui souvent méconnaissent leurs droits. Crédit photo : CD92 Stéphanie Gutierrez Ortega.

Améliorer l’accès aux soins de certaines populations

Dans les Hauts-de-France, la Maison du diabète et des maladies chroniques (MDDMC), qui reçoit des publics avec des besoins en éducation thérapeutique, constate au début des années 2000 « la difficulté à toucher certains publics », explique Anne-Cécile Deffontaines, directrice du pôle Prévention, Éducation et Promotion santé (PEPS) du groupe Santélys association. En 2008, la MDDMC met alors en place le Diabétobus avec, pour mission, la prévention du diabète.
En 2020, le pôle PEPS rebaptise le dispositif mobile en « Bus Santé », pour mieux refléter ses actions de prévention sur la santé en général. Il sillonne la région des Hauts-de-France, avec à son bord des Conseillers Prévention Santé, de formation infirmière, diététicienne, sophrologue ou professeur d’activité physique adaptée. L’équipe propose des dépistages, des entretiens et suivis éducatifs sur l’alimentation, l’activité physique, le bien-être, le sommeil…

« Nous allons dans les zones rurales, les quartiers prioritaires des villes, les entreprises qui nous sollicitent », continue-t-elle. Car le bus santé permet d’aller au plus près des publics en partenariat avec les différents acteurs sociaux, médico-sociaux et associatifs locaux, tels que les CCAS, les foyers d’hébergement, les épiceries solidaires ou les Restos du cœur, qui souhaitent mener des actions santé auprès des publics éloignés de la santé. Chaque mission est élaborée avec ces acteurs locaux, qui « identifient et nous orientent les publics cibles ».

Comme pour le Bus santé femmes, l’idée de ce bus est de « créer le lien » entre les publics et les acteurs locaux de la santé notamment. Et aussi de « rendre les personnes actrices de leur santé et leur redonner confiance », soutient Anne-Cécile Deffontaines. Pour autant, il ne s’agit pas de consultations médicales mais d’accompagnement éducatif, contrairement au projet Dok’Ici, un cabinet médical mobile, avec des médecins généralistes à son bord.

Parcours global de soins

Un premier bus Dok’Ici, pour l’instant unique en France mais qui a vocation à être dupliqué, a été mis en circulation en septembre 2020, dans l’Orne. Ce territoire rural se caractérise par son manque de médecins et une population vieillissante peu mobile. Le projet a été possible grâce au partenariat avec l’ARS Normandie, la CPAM, la Préfecture au titre de l’aménagement du territoire, l’Ordre des médecins et l’Union régionale des médecins libéraux (URML).

Pourtant, ce type de projet est difficile à mettre en place : il nécessite de nombreuses autorisations, parmi lesquelles celle de l’Ordre des médecins. En effet, le code de la santé publique interdit la médecine foraine, c’est-à-dire sans lieu d’exercice permanent, pour éviter le charlatanisme. « Mais les dispositions de cet article ont été assouplies et ce type de dispositif est possible si le territoire en a besoin », explique Marion Demontes, directrice de Dok’Ici. Autre frein : le coût. Pour être pérenne, les bus santé doivent trouver leur modèle économique.

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Le bus Dok’Ici circule depuis fin 2020 dans l'Orne et lutte ainsi contre les déserts médicaux. Crédit photo : DokIci.

Depuis un an, ce centre de santé mobile parcourt le département en s’arrêtant une demi-journée à chaque étape de sa tournée, avec l’accord de la mairie. Celle-ci met à disposition une salle pour recevoir les patients au chaud et permettre les démarches administratives. « Il ne s’agit pas d’un médecin tout seul dans son bus, qui circule mais de soins médicaux qui s’inscrivent dans un parcours global de soins, insiste Marion Demontes. Notre idée n’est pas de concurrencer l’offre existante localement mais de la compléter et d’apporter une solution parmi d’autres, comme la téléconsultation, aux déserts médicaux. Notre projet se fonde sur le lien humain avant tout ».

Ces dispositifs sont donc plébiscités tant par les acteurs de la santé que par les populations. D’ailleurs, on ne peut que le constater face à la multiplication des bus itinérants que ce soit ceux proposant le dépistage du cancer du sein en Normandie ou dans l’Hérault (les mammobus) ; des soins bucco-dentaires en Bretagne et en Seine-St-Denis ou encore l’information et le conseil aux proches aidants avec la Caravane des aidants pour ne citer qu’eux.

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