Maisons de naissance : accoucher naturellement, et pourquoi pas ?

Publié le

Par Nathania Cahen

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

Illustration
© Anne Mangeon

Les futurs parents désireux de voir naître leur enfant simplement, sans médicalisation excessive, sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le pense. Mais seule une quinzaine de maisons de naissance offre cette possibilité.

Depuis quatre ans, un nombre croissant de Marseillaises choisit d’accoucher à Aubagne, où La Casa de naissance propose un environnement adapté à un accouchement physiologique (1). Si la plupart des maisons de naissance de l’hexagone sont contiguës à une maternité, celle d’Aubagne est installée dans le bâtiment même du centre hospitalier Edmond Garcin. Il n’y a pas d’autre structure équivalente dans toute la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Odile Tagawa, sage-femme libérale exerçant depuis 1988 est l’une des initiatrices de ce projet, pilier d’une équipe de professionnelles âgées de 28 à 63 ans qui assure une permanence nuit et jour. Les huit sages-femmes sont toutes engagées pour un accompagnement « global » de la naissance, initié dès le début de la grossesse et se prolongeant aux premiers mois de vie du nouveau-né.

Pas le moindre appareil médical en vue

La « chambre de naissance » se situe à un couloir seulement du « bloc » et de ses trois salles d’accouchement. Porte mauve, paravent bouton d’or, dans cette pièce à la fois intimiste, chaleureuse et conviviale, pas le moindre appareil médical en vue, même le monitoring (sans fil et immersible) est dissimulé sous une pièce de tissu africain. Sur une estrade basse (pour y monter et en descendre facilement), un matelas ferme (pour les appuis) et large permet au futur papa de s’étendre auprès de sa compagne pendant le travail et après la naissance. Pas d’étriers, pas d’accoudoirs. Mais des espaliers, un gros ballon et une grande baignoire, utilisés au gré des douleurs, des besoins.

« Le bain, un allié indispensable pour la dilatation. Les espaliers car se suspendre facilite l’ouverture du bassin. Un critère important pour nous est d’offrir une grande liberté de mouvements et de favoriser la richesse des postures », indique Odile Tagawa. La pièce est également équipée d’une bouilloire (pour le thé mais aussi pour des linges chauds et humides pour détendre le périnée), un lecteur de CD, des lampes tamisées… « Autant d’attentions destinées à laisser la part instinctive s’exprimer, à ne pas exciter le cerveau cortical et à créer un climat de confiance ». Et, bien sûr, une table à langer rabattable en bois, suspendue au mur.

Les couples ont été conviés en amont à participer à un « GR », le grignotage-rencontre mensuel qui réunit toute la tribu des soignants, ainsi que de jeunes parents passés par la Casa de naissance et invités à raconter l’arrivée de leur enfant. « On ne peut jamais prévoir de date de délivrance, donc pour les futurs parents, c’est rassurant de faire connaissance avec nous toutes ».

Une centaine d’accouchements par an

Après un accouchement « classique » dans une maternité, Caroline, une Marseillaise de 31 ans a sauté le pas pour son deuxième enfant : « Tout s’était bien passé, mais j’avais juste l’impression d’être un numéro de sécu. Et je souhaitais une approche plus physiologique ». Et elle ne regrette pas une seconde d’avoir opté pour une maison de naissance où « le suivi était beaucoup plus humain, avec la même sage-femme. J’étais bien préparée à la gestion de la douleur et tout s’est passé dans une grande sérénité pour mon mari et moi. Nous sommes longtemps restés tous les trois sur le grand lit. Je n’aurais pas rêvé mieux ! »

D’une soixantaine d’accouchements par an, l’équipe est passée à une centaine, pour environ 1 100 à la maternité d’Aubagne. Un des fondements de ce succès est la cohésion qui soude le groupe et repose, notamment, sur des échanges avec l’équipe de la maternité et un pédopsychiatre-psychanalyste, des réunions de travail entre les sages-femmes de La Casa, et avec les parents (avant et après la naissance). Nommé NUAGE (pour Nouvelle unité d’accompagnement global en équipe), ce concept a suscité l’enthousiasme lorsqu’il a été présenté aux Assises nationales des sages-femmes, qui se sont tenues à Marseille en mai 2018.

La péridurale dans 8 % des cas, contre plus de 80 % ailleurs

Quel impact le choix d’un tel cadre a-t-il sur l’accouchement à proprement parler ? Les chiffres sont éloquents : il est recouru au déclenchement dans 9 % des cas (contre 20 % en moyenne au niveau national) ; à la péridurale dans 8 % des cas (de 80 à 90 %) ; à la césarienne dans 5 % (20 %). La proximité avec le bloc est un facteur rassurant. Si une péridurale est finalement nécessaire, le changement d’unité est rapide. « Nous ne sommes pas pour la naissance naturelle à tout prix, insiste Odile Tagawa, la sécurité, de la mère et de l’enfant, prime avant tout ». Les accouchées rejoignent de toute façon les chambres du service maternité, « où nous évoquons avec elles les suites de couche, l’allaitement, les soins du bébé ».

Autre mode de fonctionnement pour Un nid pour naître, à Nancy

La maison de naissance Un nid pour naître à Nancy a été la 3e créée en France, en mai 2016. Elle a été aménagée dans les 140m² de l’ancien logement de fonction du directeur de la maternité régionale, séparée des salles de naissance par un jardin et un chemin. L’ensemble est confortable et apaisant, avec deux chambres, un bureau, un salon et une cuisine. C’est cette même année que Charlotte Jaquot a mis au monde son petit garçon. D’abord bénévole, elle préside depuis 2017 le conseil d’administration de l’association, composé d’usagers et de sages-femmes.

Environ 150 accouchements (2) ont été pratiqués ici depuis, soit une moyenne mensuelle de 4 pour chacune des trois sages-femmes d’accompagnement global, épaulées par une sage-femme de soutien au moment des naissances. « Tout est facile, sécurisant, assure Charlotte. J’ai accouché à 5 heures et à midi et demi j’étais chez moi, avec mon bébé. Mon mari a été très présent, très cocooné aussi. Les sages-femmes viennent ensuite à domicile pour les soins du bébé et le suivi post-partum, pendant 10 jours environ ». Car à Nancy, si tout va bien, la maman et son bébé ne passent pas par la case maternité. Ce suivi à domicile restreint le rayon géographique, « même si certains couples éloignés mais très motivés louent un appartement en ville pour pouvoir mettre leur enfant au monde dans le cadre de la maison de naissance ». Le temps de séjour moyen au Nid est de 14 heures en moyenne auquel s’ajoutent les tâches annexes administratives et d’hygiène de la chambre, et l’astreinte des sages-femmes.

Quelle juste rémunération pour les sages-femmes ?

La profession de sage-femme relève un peu du sacerdoce. Leurs honoraires conventionnés secteur 1 ont un barème identique quelle que soit la longueur ou la complexité de l’accouchement (la durée moyenne est de 10 heures, auxquelles il faut ajouter 6 pour les tâches suivant la naissance). Quand elles facturent en heures supplémentaires, ce n’est pas forcément remboursé. Pour permettre une juste rémunération de ces dernières, une adhésion particulière de 450 euros est par exemple demandée par l’association nancéenne Un nid pour naître.

(1) naturel, mécanique
(2) En 2018, sur 79 femmes qui ont commencé un suivi au Nid, 28 ont été réorientées vers la maternité pendant leur grossesse, 51 se sont mises en travail au Nid, 13 ont été transférées vers la maternité pendant l’accouchement, 38 ont accouché de leur bébé au Nid et parmi elles, 13 ont été transférées vers la maternité pour surveillance après la naissance.

Bien encadrée, cette pratique fait des émules

Promulguée en décembre 2013, la loi autorisant la création des maisons de naissance va légaliser l’existence ou la création de ces structures autonomes qui, sous la responsabilité exclusive de sages-femmes, accueillent les femmes enceintes dans une approche personnalisée du suivi de grossesse jusqu’à leur accouchement, dès lors que celles-ci sont désireuses d’avoir un accouchement physiologique, moins médicalisé, et qu’elles ne présentent aucun facteur de risque connu. Elles sont autorisées à fonctionner à titre expérimental pour une durée de 5 ans. En France, on en trouve aussi à Paris, Vitry-sur-Seine, Castres, Grenoble, Baie-Mahault, Saint-Paul, Bourgoin-Jallieu, Sélestat et Nancy. Depuis, de nouveaux espaces dédiés ont vu le jour dans d’autres hôpitaux, mais aussi dans des cliniques privées ou mutualistes. Le centre hospitalier de Hyères (Var) s’est doté ainsi d’une unité physiologique baptisée « Alternative » qui procède du même esprit. Et à Rennes, la clinique mutualiste de La Sagesse a déjà vu naître 90 bébés dans son espace Parent’eizh.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir