Comment mieux accompagner ses proches en fin de vie

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Par Victoire N’Sondé

Temps de lecture estimé 9 minute(s)

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Au-delà des débats actuels, le public reste mal informé et souvent démuni quand il s’agit d’accompagner son proche vers sa fin de vie. Des directives anticipées aux structures de soins palliatifs, on fait le point sur les principaux dispositifs en place et on va à la rencontre d’acteurs de terrain.

Depuis des mois, l’accompagnement de la fin de vie fait l’actualité. Des parcours individuels de personnes, qui se rendent en Belgique ou en Suisse pour mettre fin à leurs jours, émeuvent. Car depuis 2002, la Belgique a légalisé l’euthanasie définie comme « l'acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci ». En Suisse, c’est l’assistance au suicide qui se pratique. D’autres pays européens autorisent, soit les deux (le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Espagne), soit l’assistance au suicide (l’Autriche).
En France, la législation n’autorise aucune forme d’aide active à mourir. Conscient des enjeux sociétaux, le Conseil national consultatif d’éthique (CCNE) s’est autosaisi sur le sujet. Une Convention citoyenne, composée de 184 citoyens tirés au sort, a planché autour de cette question. Et les deux instances se sont prononcées pour l’ouverture d’une aide active à mourir, sous conditions. Après les conclusions de la Convention citoyenne, Emmanuel Macron, le président de la République, a indiqué qu’un projet de loi serait présenté avant la fin de l'été 2023.
Quelles que soient les évolutions, un constat s’impose. La population méconnaît ses droits en matière d’accompagnement de la fin de vie. Pourtant, quatre lois ont déjà été adoptées en France en près de 25 ans. La dernière en date, dite "loi Claeys-Leonetti", de février 2016 a renforcé la place des directives anticipées et le droit à des soins palliatifs pour tous. Elle a également instauré un droit à la « sédation profonde et continue jusqu’au décès » quand le décès est imminent, par l’administration d’un médicament qui endort pour soulager la souffrance.

1- Les directives anticipées, un droit méconnu

Arrêter les traitements si la souffrance est trop forte, être mis ou non sous respiration artificielle… rédigées sur formulaire ou document manuscrit, les directives anticipées permettent de faire connaître ses volontés pour sa fin de vie, en prévision d’une incapacité future à s’exprimer par soi-même. Elles s’imposent à l’équipe médicale, tant qu’elles restent dans le cadre légal. Mais la majorité des Français ne s’est pas saisie de ce droit. « On peut les rédiger, choisir de faire confiance au personnel médical ou en discuter avec ses proches », modère Stéphanie Pierre, chargée de projets au Centre national de soins palliatifs et de la fin de vie.

Familiariser le public sur le terrain

Sur le terrain, des initiatives essaiment çà et là pour familiariser le public avec cette disposition. « Nos jeunes militants organisent des journées estivales pour parler des directives anticipées. Ils ont vu leurs parents ou grands-parents dans des situations compliquées », rapporte Philippe Lohéac, délégué général de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
Au CHU de Poitiers, une Cellule d’information et de recueil des directives anticipées (Cirda) est née en février 2022. Elle est animée par Estelle Amiot, infirmière, et le Dr Laurent Montaz, chef de service en soins palliatifs au CHU. « Nos missions sont multiples : former les étudiants, les citoyens, les professionnels, à l’hôpital mais aussi en EHPAD, en clinique, en libéral… », présente Estelle Amiot.
Deux fois par mois, l’infirmière organise également des ateliers pratiques gratuits, de rédaction de directives anticipées. Ces ateliers sont ouverts à tous, personnes malades ou non, accompagnants, soignants…. « Un atelier de la Cirda dure deux heures. Je commence par une présentation des grandes lignes juridiques. Puis, je lance un jeu pour que chacun exprime ce que représente, pour lui, une qualité de vie avant la rédaction des directives anticipées ».

Toujours pas de registre national

Où les conserver ? Le registre national prévu dans la loi Claeys-Leonetti n’a toujours pas vu le jour. A défaut, Estelle Amiot conseille de parler de leur existence à son entourage et de les remettre à son médecin traitant. L’ADMD dispose, de son côté, de son propre registre. Enfin, l’Assurance Maladie propose de déposer ses directives anticipées dans son dossier médical numérique Mon espace santé.

Des initiatives aussi en direction des soignants

A l’Institut de lutte contre le cancer Gustave Roussy, dans le Val-de-Marne, à côté des directives anticipées rédigées par le malade, a été mise en place une fiche d’aide à la décision remplie, elle, par l’équipe médicale. Cette fiche prévoit la gradation des soins prodigués à la personne en cas d’aggravation de sa situation. « Nous voulons acculturer les professionnels à ce concept d’anticipation.
Cette fiche d’aide à la décision est là pour inciter les équipes à réfléchir avant que la situation du malade ne se dégrade de façon majeure », explique le Dr François Blot, le président du Comité d’éthique de l’institut, à l’origine de cette initiative, avec l’équipe des soins palliatifs. Depuis 2022, le dossier informatisé d’un malade de l’Institut Gustave Roussy contient deux icônes, l’un renvoyant vers ses directives anticipées, l’autre vers sa fiche d’aide à la décision. Mais dans les faits, du chemin reste à parcourir. « Un malade sur deux dispose d’une fiche d’aide à la décision à jour. Et 5% des malades, au maximum, ont rédigé leurs directives anticipées », précise le Dr Blot.

Témoignage

Marc : « Mon épouse est restée à la maison, entourée des siens »

« Après qu’elle a été soignée pour un cancer de l’utérus, on a diagnostiqué à mon épouse un cancer des poumons en février 2021 ; elle est décédée en août de la même année, à 67 ans.
Sa prise en charge par l’hôpital de notre ville a pâti du manque de transmissions entre les services de pneumologie et d’oncologie. Mais mon épouse a refusé de partir vers un autre hôpital. Elle est donc restée à la maison entourée de ses trois enfants et de ses deux petits-enfants et surtout prise en charge par le service d’hospitalisation à domicile (HAD), lequel a été d’un soutien extraordinaire de disponibilité et d’humanité.
Mon épouse a souffert de plus en plus de sensations d’étouffement. Elle s’est affaiblie progressivement. Je l’ai accompagnée à l’hôpital pour de violentes céphalées et veillée jusqu’au matin, où elle s’est éteinte. »

2- Des soins palliatifs insuffisamment développés

Tout patient atteint d’une maladie grave qui engage son pronostic vital doit se voir proposer une prise en charge dite "palliative". Ces soins viennent soulager ses symptômes et l’accompagnent sur le plan physique, psychologique, spirituel, social… Ils complètent puis parfois se substituent aux traitements à visée curative. Le droit aux soins palliatifs est inscrit dans la loi. Pourtant, tous les malades qui en auraient besoin n’en bénéficient pas. « L’une des difficultés réside dans l’accès aux structures de soins palliatifs par manque de moyens, mais aussi d’information des soignants, des patients et du grand public », analyse le Dr Ségolène Perruchio, vice-présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).

Un manque de structures pour les accompagnements longs

Ségolène Perruchio pointe également des manques dans l’offre de soins. « On a besoin de solutions intermédiaires. A l’hôpital, une unité de soins palliatifs est une unité de courts séjours. Ce n’est pas toujours un lieu où vous allez vivre le temps qui vous reste à vivre. L’hôpital n’est pas fait pour accueillir les gens sur la longue durée et à la maison, ce n’est pas toujours possible, il faut avoir un peu de famille disponible, être entouré… ».
Enfin, une attention doit être portée aux soins palliatifs pédiatriques, jugent plusieurs observateurs. Pour l’heure, il n’existe aucune unité destinée aux enfants, seulement des lits dédiés. Les soins palliatifs pédiatriques ne sont pas mentionnés dans la dernière circulaire qui organise les soins palliatifs en France et qui n’a pas été revue depuis…2008.

Témoignage : Françoise, 68 ans, bénévole d’accompagnement

« Je toque et j’entre dans l’inconnu »

« Accompagner ma mère dans sa maladie d’Alzheimer et à la fin de sa vie, je l’ai fait, il y a dix ans, avec les moyens du bord, en tâtonnant... Depuis, j'ai intégré une équipe des Petits frères des pauvres qui m’a guidée et formée à l'accompagnement.
Et depuis six ans, une fois par semaine, je vis ces rencontres de personnes malades et de leur famille dans une unité de soins palliatifs en banlieue parisienne. Je toque à la porte, et j’entre dans l’inconnu : détresse, tristesse, angoisse, souffrances souvent, mais aussi regards, échanges, récits de vie, douceur, émotions, tendresse, confiance… ».

3- Les soins palliatifs à la loupe

Une équipe pluridisciplinaire

Elle coordonne les soins palliatifs, en lien avec le malade et sa famille pour, par exemple, adapter les traitements.

Différentes structures de soin

A l’hôpital

- L’unité de soins palliatifs : elle est spécialisée dans les situations les plus complexes.

- Les lits identifiés soins palliatifs : au sein de services non spécialisés, les compétences sont amenées au chevet du malade.

A la maison : l’hospitalisation à domicile (HAD)

L’équipe de l’HAD prodigue les mêmes soins qu’un service hospitalier, mais à la maison, en lien avec le médecin traitant.

A l’hôpital, en Ehpad et à la maison : l’équipe mobile de soins palliatifs

Elle se déplace auprès des équipes de soins pour leur apporter expertise, soutien et conseils.

Des services sociaux

L’équipe de soins palliatifs ou la structure dont elle dépend (hôpital, HAD…) dispose d’assistantes sociales qu’il ne faut pas hésiter à solliciter :

- pour aider au maintien à domicile, en installant par exemple des équipements spécifiques comme un lit médicalisé
- pour mettre en place des aides financières, qu’elles soient spécifiques à la fin de vie (fonds national d’action sanitaire et sociale de l’Assurance maladie) ou non (prestation de compensation du handicap, allocation personnalisée à l’autonomie, congé proche aidant…).

Des chiffres-clés

- Plus d’un décès sur deux a lieu à l’hôpital, un sur quatre à domicile environ, selon l’Insee.
- 18% des Français qui connaissent les directives anticipées auraient rédigé les leurs, peut-on lire dans le sondage BVA Group 2022 pour le CNSPFV (Centre national des soins palliatifs et de la Fin de Vie)
- 21 départements n’ont pas d’unités de soins palliatifs, même s’ils peuvent disposer de lits dédiés, d’après l’Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France.

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