Patrick Pelloux : « A l’hôpital, on est dans la gestion permanente de la crise »

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Par Cécile Fratellini

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L’urgentiste Patrick Pelloux a participé à l’assemblée générale de l’ANPM présidée par Dalila Cousin. © ©Solal Duchêne

A l’occasion de son assemblée générale, l’association nationale de la presse mutualiste (ANPM) a reçu l’urgentiste Patrick Pelloux, vendredi 14 octobre 2022. Après la pandémie du Covid et la canicule de cet été, il est revenu sur la crise de l’hôpital en France.

Fermeture de lits, manque de personnel, urgences fermées… La situation de l’hôpital en France est critique. Le Dr Patrick Pelloux, invité à l’assemblée générale de l’association nationale de la presse mutualiste (ANPM), n’a pas mâché ses mots. « C’est une catastrophe, on est dans la gestion permanente de la crise. Le plus dramatique étant la crise du personnel », alerte l’urgentiste du SAMU de Paris et président de l’AMUF (association des médecins urgentistes de France).

C’est aussi ce que confirme France Assos Santé qui a dévoilé au début du mois d’octobre 2022 une enquête sur la crise de l’hôpital, réalisée auprès de 655 patients et représentants d’usagers. Ces derniers témoignent d’une dégradation de l’offre avec un retard ou un report des soins ainsi qu’une détérioration du lien soignant/soigné.

« Depuis le Covid, le personnel ne revient pas. Cette crise a par exemple sacrifié la chirurgie publique. Beaucoup de professionnels de santé sont partis dans le privé, notamment en ce qui concerne la chirurgie orthopédique », constate le Dr Patrick Pelloux. L’urgentiste insiste également sur l’ancienneté de la crise qui ne date pas de la pandémie du Covid. « Avec l’hôpital entreprise, les blocs opératoires ont été globalisés, on a considéré que tout le monde pouvait tout faire et que le personnel devait être polyvalent », regrette-t-il.

Augmentation des salaires, permanence des soins…

Quels remèdes l’urgentiste prescrirait-il à cet hôpital malade ? « Les services de l’hôpital ont été supprimés au profit de pôles et de supers pôles. Il faut les relancer, mais pour cela il faut augmenter les salaires. Il faut prendre modèle sur le Canada. Ils ont connu les mêmes difficultés que nous, ils ont augmenté les salaires de 30 % et aujourd’hui ça fonctionne », explique Patrick Pelloux.

En revanche, l’allongement des études de médecine avec une 4e année d’internat pour les futurs médecins généralistes ne convainc pas l’urgentiste. Cette proposition est en cours d'examen dans la loi de financement de la Sécurité sociale. « Il ne faut pas faire payer aux jeunes générations les erreurs des plus anciennes. C’est la fin des gardes de nuit et du week-end des médecins libéraux qui a déstabilisé le système. Il faudrait rendre la garde obligatoire mais pas qu’aux généralistes. La permanence des soins est un vrai sujet. Cela doit se définir dans les territoires de santé », explique-t-il.

Autre solution pour désengorger les urgences : la gestion des lits. « On sait que 10 à 20 % des patients qui viennent aux urgences sont hospitalisés, dont la moitié en chirurgie. On a également besoin de lits de gériatrie aiguë. Il faut donc augmenter le nombre de lits dans les hôpitaux qui ont des services d’urgence », précise Patrick Pelloux.

Un bémol sur la téléconsultation

Le Covid a fait entrer la téléconsultation dans le quotidien de nombreux Français. Selon le baromètre sur la télémédecine de l’Agence du numérique en santé (ANS), publié en janvier 2021, la pratique de la télémédecine a été multipliée par 3 pour les patients entre 2019 et 2020. Patrick Pelloux, lui, est plus réservé et ne la voit pas comme une solution à la crise de l’hôpital. « La téléconsultation peut avoir un intérêt pour les malades chroniques mais attention à la fracture numérique. On ne doit pas oublier le patient. Si vous tombez malade, vous êtes déjà plus faible et si le médecin vous répond par email, ce n’est pas ça l’humanité. Je suis donc réservé, je serais plutôt pour une montée en puissance sur 20 ans. On ne peut pas être contre, les outils numériques nous permettent de travailler de manière confortable mais il ne faut pas aller trop vite », nuance-t-il.

Un attachement à l’assistance publique

Malgré tout, Patrick Pelloux est optimiste pour l’avenir et reste très attaché à l’assistance publique. « Pourquoi ? Tout simplement parce qu’on travaille ensemble. Un exemple : lors de l’attentat de novembre 2015 à Paris, en deux heures, le personnel est revenu spontanément, on a rouvert 80 blocs opératoires. C’est beau le travail en équipe avec la transmission de l’information avec des jeunes, des plus anciens… L’assistance publique, c’est le vaisseau amiral de la flotte du système de santé français, mais il est très malade ».

Ses déplacements sur le terrain, en région, le rendent également optimiste. Fin septembre, il est venu en Occitanie. « J’ai rencontré le directeur de l’ARS, le responsable du SAMU, des élus. Ils montent des centres de santé et mutualisent le personnel. Des IRM et des scanners vont être installés avec un radiologue à distance. Ils vont ainsi augmenter l’accès à l’imagerie. Et puis je suis très optimiste pour le système de santé car on est en France. Pendant la crise du Covid, je me souviens d’une réunion d’ingénieurs de plusieurs industriels français qui ont dit : "On va refaire des respirateurs en France". On doit retrouver cette souveraineté pour les médicaments également. La volonté est là », conclut-il.

Légende : L’urgentiste Patrick Pelloux a participé à l’assemblée générale de l’ANPM présidée par Dalila Cousin.

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