Quelles solutions contre la désertification médicale ?

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Par Cassandra Poirier

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© Getty Images et Antoine Repessé (photo colloque)

La désertification médicale est un enjeu majeur auquel font face de nombreux territoires en France. À celui-ci s’ajoute une pénurie de médecins qui doit s’accentuer avec les nouveaux départs à la retraite. Comment pallier cette situation ?

À l’heure du Grand débat national, initié par gouvernement français, les citoyens ont fait part de deux grandes préoccupations dans le domaine de la santé : son coût et son accessibilité. C’est ce qu’a rappelé Alain Gianazza, président général de la Mutuelle Nationale Territoriale, en préambule d’un colloque organisé le 10 avril 2019 dans les locaux de la mutuelle. « Désertification médicale : comment améliorer l’offre de soins dans les territoires ? » C’est la question qui a animé les débats, coorganisés avec l’association des petites villes de France (APVF) et l’association Villes de France.

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Désertification médicale en milieu rural… et urbain

Si la question de l’accès aux soins n’est pas une problématique récente, la désertification médicale prend une dimension nouvelle à la veille de nombreux départs à la retraite chez les médecins généralistes. Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et président délégué de l’association Villes de France, a rappelé que 40 % des médecins généralistes cesseront d’exercer dans les prochaines années. « Le manque de médecins est un constat partagé. Et ce n’est pas que le milieu rural qui est touché. Les villes et les agglomérations aussi sont concernées. Il y a donc urgence à agir. »

Cette situation, conjuguée à l’augmentation des maladies au long court (les maladies chroniques, comme le diabète) et au vieillissement de la population, pousse Christophe Lannelongue, directeur général de l’ARS (Agence régionale de santé) Grand Est, à parler de « crise de la médecine générale ». « C’est un grand défi à relever. Il faut garantir des soins de proximité, mais aussi repenser à l’accès aux soins spécialisés », plaide-t-il.

L’apport de la télémédecine dans l’accès aux soins

Pour répondre au mieux aux besoins des territoires en matière de santé, Nicolas Leblanc, conseiller santé au Groupe VYV, assure qu’il est essentiel d’évaluer les demandes de soins selon les populations. « À côté de cela, il faut prendre en compte le progrès technologique, car c’est un vrai défi qui se pose. Comment en faire bénéficier tous les territoires ? »

L’apport de la technologie et notamment de la télémédecine a un rôle à jouer dans la lutte contre la désertification médicale. « Et il y a une réelle demande de la part des patients pour des solutions innovantes et des dispositifs de nouvelles technologies pour faciliter l’accès aux soins », affirme Carole Dechamps, présidente de la commission soins VYV Care.

Pour Marie-Laure Saillard, directrice générale de MesDocteurs, plateforme de téléconseil et de téléconsultation médicale, la télémédecine peut-être une partie de la solution pour pallier les déserts médicaux si elle est utilisée à bon escient. « Elle peut, par exemple, contribuer à désengorger les urgences si elle est utilisée comme dispositif de régulation. Elle peut également servir de moyen de communication entre les médecins pour une meilleure prise en charge du patient. »

La télémédecine gagnerait donc à être intégrée dans l’organisation du système de soins. Qu’il s’agisse de téléconsultation, pour éviter aux personnes à mobilité réduite de se déplacer, de téléexpertise, pour faire appel à des médecins spécialistes, ou de télérégulation. C’est ce qu’affirme le Dr Jacques Lucas, vice-président et délégué général au numérique du Conseil national de l’Ordre des médecins. « Mais la télémédecine ne peut résoudre à elle-seule le problème s’il manque des médecins », nuance-t-il.

Des dispositifs incitatifs pour les médecins

Gérer la pénurie de médecins. Il s’agit de la principale urgence pour les territoires. Car malgré la suppression du numerus clausus* proposée par le projet de loi Santé, il faudra attendre une dizaine d’années pour voir les effectifs augmenter.

Guillaume Garot, député de la Mayenne, prône une régulation pour l’installation des médecins. « C’est le bras armé. On doit leur dire : « installez-vous là où on a besoin de vous », en mettant en place des dispositifs incitatifs. » Ils peuvent se résumer par une offre de transport adaptée, une offre culturelle de qualité, un dispositif d’accueil pour le médecin, mais aussi pour sa famille. « L’aménagement de territoire est la clé pour inciter les médecins à s’installer, ajoute Christophe Bouillon, président de l’APVF, député de Seine-Maritime. Et pour ce faire, il faut faire confiance aux élus locaux et les associer au maximum aux discussions. »

Dans la Meuse, 25 maisons de santé ont mis fin à l’hémorragie, avec une qualité de vie pour les médecins, mais aussi pour leur famille, illustre Christophe Lannelongue. « Il faut sortir de l’isolement, de l’individualisme et travailler en équipe pour améliorer la prise en charge et répondre aux nouveaux besoins. »

Thierry Baudet, président de la Mutualité Française, a rappelé en conclusion de ce colloque le rôle des mutuelles dans la problématique de la désertification médicale : « On œuvre avec vous pour trouver des solutions. Nous entendons les adhérents qui témoignent de leurs inquiétudes. On partage le même constat de difficultés d’accès aux soins dans les territoires. Il faut t associer les collectivités territoriales. Car rappelons d’abord et avant tout que les déserts médicaux, ce sont des lieux habités. »

À l’issue du colloque, l’association des Petites villes de France et Villes de France ont formulé 7 propositions communes pour lutter contre la désertification médicale.

* Le numerus clausus désigne le nombre de places disponibles en seconde année d’études médicales pour les quatre professions que sont la médecine, la pharmacie, l’odontologie et la maïeutique.

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