La santé des femmes encore trop négligée

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Par Victoire N’Sondé

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Contraception et IVG, prévention des pathologies cardiovasculaires et des cancers, dépistage des violences conjugales… malgré de réelles avancées, il reste encore beaucoup à faire pour une prise en charge optimale de la santé des femmes.

1- Moyens de contraception, IVG… lutter contre les inégalités d’accès

En France, l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est un droit. Un train de mesures a été adopté récemment pour les renforcer. Ainsi, depuis le 1er janvier 2022, sur présentation de la carte Vitale, certains contraceptifs sont disponibles gratuitement en pharmacie, jusqu’à l’âge de 25 ans et sans avance de frais. Sont concernés : les pilules de 1re ou de 2e génération, l’implant, le dispositif intra-utérin (DIU) surnommé "stérilet", le diaphragme, le progestatif injectable et -depuis le 1er janvier 2023- les préservatifs masculins. Les consultations et examens associés sont également gratuits. « C’est une réelle avancée, salue Isabelle Derrendinger, la présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes. Mais je m’interroge sur le fait d’avoir mis le curseur à 25 ans ». Selon elle, une femme sur six n’aurait pas de suivi gynécologique et une sur dix aurait renoncé à la contraception en raison de son coût. Des progrès sont également attendus pour les femmes en situation de handicap. Dans une enquête menée en Ile-de-France auprès de femmes porteuses d’un handicap moteur ou psychique), seules 58% d’entre elles déclaraient avoir un suivi gynécologique régulier et 85% (en majorité des citadines) disaient avoir accès à la contraception. Dans une enquête menée en Ile-de-France auprès de femmes porteuses d’un handicap moteur ou psychique), seules 58% d’entre elles déclaraient avoir un suivi gynécologique régulier et 85% (en majorité des citadines) disaient avoir accès à la contraception.
Concernant l’IVG, l’état des lieux est également contrasté. 223 300 IVG ont été enregistrées en France, en 2021. Un chiffre stable par rapport à 2020 mais qui cache de fortes disparités d’un territoire à l’autre. La loi du 2 mars 2022 "visant à renforcer le droit à l'avortement" a accordé de nouveaux droits. On citera, entre autres, l’allongement du délai de recours de 12 à 14 semaines, la création d'un répertoire de professionnels de santé pratiquant l'IVG et l’extension de la pratique des IVG chirurgicales à l’hôpital aux sages-femmes (ces dernières étaient déjà autorisées à pratiquer l’autre méthode, l’IVG médicamenteuse). Là encore, Isabelle Derrendinger tempère : « Il y a la réalité des droits. Mais la situation concrète est tendue car nous avons un problème d’effectif ».

C'est nouveau ! La "pilule du lendemain" pour toutes

Depuis le 1er janvier 2023, toutes les femmes peuvent se procurer la "pilule du lendemain" en pharmacie, gratuitement et sans ordonnance.

2- Maisons de naissance, dépression postpartum… répondre aux besoins en maternité

En octobre dernier, l’agence officielle Santé Publique France publiait les résultats de la dernière édition de l’Enquête nationale périnatale qui dresse un état des lieux des pratiques médicales pendant la grossesse et l’accouchement. Conclusion : plus de 90% des femmes se disaient satisfaites voire très satisfaites de leur prise en charge. Mais ce constat positif tranche avec les signaux d’alerte lancés par les instances représentatives des professionnels de santé. « Il y a un manque de gynécologues-obstétriciens en salles de naissance. On observe une baisse d’attractivité de ce travail », s’inquiète Joëlle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues obstétriciens (CNGOF). La crise de vocation semble plus profonde encore chez les sages-femmes. « Pour la première fois, les écoles de sages-femmes ne font plus le plein. Sur 29000 sages-femmes inscrites au Conseil de l’Ordre, 3800 sont en âge d’exercer mais ne le font pas », s’alarme Isabelle Derrendinger.
Tous ces professionnels de santé se font l’écho d’une volonté des femmes d’aller vers des accouchements moins médicalisés. Cela se traduit, notamment, par le développement de maisons de naissances au nombre de huit à l’heure actuelle. L’installation d’autres structures devait être favorisée par un décret paru en 2021. Mais sages-femmes comme gynécologues-obstétriciens s’interrogent sur leur capacité à accompagner les femmes dans leur choix d’accoucher autrement, compte tenu du manque de personnel.

C’est nouveau ! Un entretien postnatal de prévention

Depuis juillet 2022, pour prévenir la dépression postpartum un entretien postnatal précoce des mères est rendu obligatoire. Il est pris en charge à 70% par l'Assurance maladie. Cette consultation vient compléter un premier entretien prénatal celui-ci, et obligatoire à partir du quatrième mois de grossesse. A noter que dans l’Enquête nationale périnatale, 16,7 % des femmes présentaient une dépression postpartum.

3- Infarctus, AVC, cancers du sein et du poumon… mesurer l’impact du mode de vie

Les femmes ont adopté le mode de vie des hommes. Ce qui explique, au moins pour une part, l’augmentation des maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral ou AVC) et des cancers chez elles, les deux catégories de maladies chroniques qui tuent le plus.
Les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de mortalité des femmes, en France.« Chez la femme, les facteurs de risque cardiovasculaire -qui sont, en premier lieu, le tabac, l’obésité, le diabète et l’hypertension artérielle- entraînent des complications plus fréquentes et plus sévères. Et on note une forte augmentation des infarctus du myocarde chez la femme jeune », souligne le Pr Alain Furber, président de la Fédération française de cardiologie. Certains facteurs de risque sont identiques à ceux des hommes, comme l’augmentation du taux de cholestérol, le stress, le fait de pratiquer peu d’activité physique ou encore la sédentarité (rester plus de deux heures assise, en continu). D’autres sont spécifiques à la femme, le plus connu étant la ménopause. « Le côté protecteur des œstrogènes disparait. De plus, ce moment clé est associé à une prise de poids au niveau de l’abdomen qui peut conduire au diabète ». Aux autres périodes de la vie d’une femme, le risque s’accroît aussi en cas d’association pilule contraceptive-tabac ainsi que, pendant la grossesse, si une femme fait de l’hypertension artérielle, du diabète gestationnel ou prend trop de poids. Il est essentiel de dépister ces facteurs de risque et d’évaluer le risque cardiovasculaire afin d’identifier les patientes à haut risque », recommande le spécialiste.
Concernant les cancers, la situation se dégrade, spécifiquement pour les femmes. « La première explication, c’est l’âge. Comme la part des personnes âgées est croissante dans la population, les cancers sont en augmentation, tient à préciser Emmanuel Ricard, délégué à la prévention et promotion des dépistage, de la Ligue contre le cancer. Mais 40% des cancers sont évitables. Les femmes ont adopté les mauvaises habitudes des hommes. Prenons l’exemple du cancer du poumon. Alors qu’il est en baisse chez l’homme, il augmente de manière régulière chez la femme, même si le cancer du sein reste le premier cancer de la femme ». Comme pour les maladies cardiovasculaires, le mode de vie pèse grandement. Ainsi, le cancer du poumon est attribuable à 80% au tabac, selon les chiffres l’Institut national de lutte contre le cancer (Inca).

A savoir ! Alcool, tabac et surpoids, facteurs de risque du cancer du sein

Le fait d’être âgée de plus de 50 ans reste le premier facteur de risque de cancer du sein. En revanche, trop de femmes ignorent encore que la consommation d’alcool mais aussi le tabac et le surpoids augmentent ce risque.

4- Violences conjugales : mieux former les professionnels pour mieux les dépister

L’Organisation mondiale de la santé le dit sans détour : « La violence à l’égard des femmes – en particulier la violence au sein du couple et la violence sexuelle – constitue un problème majeur et persistant de santé publique et une violation des droits fondamentaux des femmes ». Qu’elles soient psychologiques, verbales, physiques, sexuelles ou encore économiques, les violences au sein du couple touchent toutes les régions du monde. Plus d’une femme sur cinq (22%) est victime de violences au sein de son couple dans les pays à revenu élevé et en Europe. Et la France n’est pas épargnée. « Ce n’est pas une question de religion, ni de statut social. Cela s’explique par la manière dont les hommes sont élevés, dans cette toute puissance patriarcale », juge le Dr Ghada Hatem-Gantzer, gynécologue, qui a fondé la Maison des femmes de Saint-Denis, en Ile- de-France, une structure d’accueil pluridisciplinaire pour les femmes victimes de violences. La spécialiste fait également partie d’un groupe de travail au sein de la Haute autorité de santé qui œuvre pour mieux former les professionnels de premier recours, sages-femmes, médecins généralistes, paramédicaux… à « dépister » les violences subies par les femmes, en particulier au sein du couple, avec une vigilance accrue dans les situations de vulnérabilité, notamment si la femme est enceinte ou porteuse de handicap.

A savoir ! Deux numéros d’alerte pour venir en aide aux victimes de violences

- Le 3919 le numéro national de Violences Femmes Info, la plateforme d’aide aux femmes victimes de violence et d’écoute anonyme et gratuite. Elle est accessible 24h/24 et 7 jours sur 7.

- Le 116 006 le numéro européen dédié aux victimes d’infractions pénales

5- En pratique : Où s’informer et se faire accompagner ?

Sur la santé sexuelle en général et sur les violences

- Le portail officiel questionsexualite.fr

- Le site du Planning familial qui vous dirigera vers les antennes les plus proches de chez vous

- Le portail arretonslesviolences.gouv.fr pour trouver une association de lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Sur la contraception et l’IVG

- Le site choisirsacontraception.fr et notamment son tableau comparatif des moyens de contraception

- La plateforme officielle ivg.gouv.fr/

Elle renvoie aussi sur d’autres sites utiles comme IVGlesadresses.org, IVGlesinfos.org

- Le numéro IVG anonyme et gratuit : 0800 08 11 11

Sur les maladies cardiovasculaires

- Le site de la Fédération française de cardiologie, notamment son test pour évaluer son risque cardiovasculaire et sa brochure Cœur de Femmes

Sur les cancers

- Le site de l’association La ligue contre le cancer

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