Soins palliatifs : des besoins croissants en Ehpad et à domicile

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Par Victoire N’Sondé

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Un quart des décès concerne des résidents d’Ehpad, selon la troisième édition de l’Atlas du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV). Un chiffre qui confirme la nécessité d’une offre en soins palliatifs diversifiée. On fait le point avec Thomas Gonçalves, statisticien au CNSPFV.

En France, 53% des décès surviennent à l’hôpital, 26% concernent des personnes qui vivaient en Ehpad et 5% ont lieu dans le cadre d’une hospitalisation à domicile (HAD). Ces chiffres sont publiés dans la troisième édition de l’Atlas du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) (1). Les autres décès se produisent à la maison -mais pas dans le cadre d’une prise en charge dédiée- ou dans d’autres lieux (lieu de travail, domicile d’un tiers, voie publique…). Au total, ce sont plus de 600000 personnes qui décèdent chaque année dans l’Hexagone. Il s’agit majoritairement de personnes âgées : 70% ont 75 ans et plus.

Focus sur la fin de vie en Ehpad et à domicile

C’est la première fois que l’Atlas présente des données sur la fin de vie en Ehpad et en hospitalisation à domicile (HAD). « Nous avons essayé de mettre en lumière les situations de fin de vie à domicile au sens large, qui incluent l’Ehpad. Mais il existe un angle mort qui correspond aux personnes qui décèdent à domicile en étant, par exemple, accompagnées seulement par un médecin généraliste, sans HAD », explique Thomas Gonçalves, le statisticien du CNSPFV qui a travaillé sur l’Atlas.

Des besoins accentués par le vieillissement de la population

L’état des lieux dressés par l’Atlas du CNSPFV s’inscrit dans un contexte de vieillissement progressif de la population. Aujourd’hui, près d’un Français sur cinq est âgé de 65 ans et plus, et la part des seniors au sein de la population devrait encore augmenter à l’avenir. « Les baby-boomers vont arriver à des âges où ils vont potentiellement devoir être pris en charge », confirme Thomas Gonçalves.
Conclusion : les besoins d’accompagnement de la fin de vie vont continuer à croître. « C’est l’effet conjugué de l’augmentation du nombre de décès, du fait du vieillissement de la population, et de l’allongement de la durée de la vie », résume le statisticien.

Moins de départements sans unités de soins palliatifs

Face à ce diagnostic, reste à déterminer l’ampleur du chantier. Tous les observateurs s’accordent à dire que les soins palliatifs sont insuffisamment développés et inégalement répartis sur le territoire. Mais si on compare les données de la troisième édition de l’Atlas avec ceux de l’édition précédente, la situation se serait légèrement améliorée. Ainsi, 21 départements ne disposent toujours pas d’unités de soins palliatifs, contre 26 il y a deux ans (la comparaison est établie entre les années 2021 et 2019 (2)).

Les différentes structures de soins palliatifs

A L’HOPITAL

- L’unité de soins palliatifs : elle est spécialisée dans les situations les plus complexes.
- Les lits identifiés soins palliatifs : au sein de services non spécialisés, les compétences sont amenées au chevet du malade.

A LA MAISON

- A la maison, peut être mise en place une hospitalisation à domicile (HAD) : l’équipe de l’HAD prodigue les mêmes soins qu’un service hospitalier, mais au domicile, en lien avec le médecin traitant.

A L’HOPITAL, EN EHPAD ET A LA MAISON

- L’équipe mobile de soins palliatifs, elle, se déplace auprès des équipes de soins pour leur apporter expertise, soutien et conseils.

Lits, équipes mobiles…. selon les spécificités des territoires

Thomas Gonçalves tient à décrypter ces chiffres : « Les départements sans unités de soins palliatifs correspondent à des départements moins peuplés qui ne disposent pas de gros centres hospitaliers. Mais le fait de ne pas avoir d’unités de soins palliatifs ne signifie pas une moins bonne prise en charge. Dans ces territoires, le développement de l'offre s'est porté sur les équipes mobiles et les lits identifiés de soins palliatifs, en fonction de plusieurs facteurs (épidémiologique, démographique, présence de médecins, d'infirmiers, etc.) ».
Le statisticien justifie également l’absence d’unités de soins palliatifs dans certains territoires d’Outre-Mer par leurs spécificités. « Mayotte, par exemple, est un département jeune avec peu de populations âgées. Mais il dispose d’une équipe mobile dédiée aux soins palliatifs assez récente qui fait un gros travail sur le terrain. Et de manière générale, dans les Outre-mer, les gens décèdent davantage à domicile ».

Des inégalités territoriales…et sociales

Toutefois, de « petites inégalités » demeurent sur le territoire, reconnaît le statisticien. Tout en répétant son message : « Tout le territoire est couvert par des professionnels qui prennent en charge de manière palliative ».
Enfin, à l’occasion de son édition 2023, l’Atlas s’est aussi intéressé, pour la première fois, à la façon dont les inégalités sociales impactent l’espérance de vie, mais seulement en France hexagonale. Par département, ont été compilées des données sur le taux de chômage, le taux d’ouvriers, le taux de bacheliers et le revenu médian.
Mais là encore, Thomas Gonçalves met en garde contre les conclusions trop hâtives concernant l’accompagnement de la fin de vie sur ces territoires. « Les Hauts de France affichent l’espérance de vie la plus faible de la France hexagonale [77,1 ans pour les hommes ; 83,6 ans pour les femmes]. Toutefois, ce territoire bénéficie d’une offre importante en soins palliatifs ».

Un Atlas 2023 en plein débat sur la fin de vie

La troisième édition de l’Atlas des soins palliatifs parait alors que l’accompagnement de la fin de vie est au cœur de l’actualité. En France, la législation n’autorise aucune forme d’aide active à mourir, euthanasie ou suicide assisté.
En septembre 2022, le Conseil national consultatif d’éthique (CCNE) s’est autosaisi sur le sujet. Puis, une Convention citoyenne, composée de 184 citoyens tirés au sort, s’est également penchée sur cette question. Et les deux instances se sont prononcées pour l’ouverture d’une aide active à mourir, sous conditions.
Pour trancher le débat, Emmanuel Macron, le président de la République, a indiqué qu’un projet de loi serait présenté avant la fin de l’été 2023.

(1) Les chiffres correspondant aux décès à l’hôpital, en Ehpad, en hospitalisation à domicile, etc. sont publiés en 2023 mais ils décrivent la situation en 2019. L’Atlas du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie s’appuie sur une enquête que la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) mène tous les quatre ans.
(2) Les chiffres correspondant à l’offre en soins palliatifs publiés par l’Atlas du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie s’appuient sur des données collectées deux ans auparavant. Ils sont issus de l’enquête « Statistique annuelle des établissements de santé » de la Drees.

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