[Tribune] Annick Billon : « La désertification médicale affecte plus particulièrement le suivi de la santé des femmes en milieu rural »

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Par Annick Billon

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© ©Sénat/Cecilia Lerouge

Essentiel Santé Magazine a demandé à des décideurs ou des militants de l’accès aux soins quelles solutions ou quels remèdes ils voyaient pour lutter contre les déserts médicaux. La réponse d’Annick Billon, sénatrice et présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Selon un article publié dans le magazine L’Étudiant en 2020, la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique figure parmi les spécialités qui ont trouvé preneur le plus rapidement chez les étudiants en médecine. La bonne santé de cette vocation peut-elle être considérée comme un motif de consolation pour toutes les femmes qui vont subir une mastectomie faute d’avoir pu prévenir un cancer du sein par manque de gynécologues médicaux ?

Derrière cette question à laquelle il serait indécent de répondre se terre pourtant un problème de société prégnant : notre système de santé est malade. L’accès aux soins est autant devenu une préoccupation pour les patients qu’un enjeu de territoire pour les élus. Le nombre de zones considérées comme déserts médicaux ne cesse de croître alors même que le nombre de médecins n’a jamais été aussi important. Cette incohérence arithmétique mais réelle contraint des milliers de patients à oublier leur santé. La fin du numerus clausus permettra à terme la formation d’un nombre plus important de médecins mais ne portera ses fruits qu’à la fin du cursus d’études, soit d’ici une dizaine d’années. C’est pourquoi il est urgent d’imaginer des solutions adaptées à la configuration actuelle.

« La télémédecine comme axe d’amélioration de l’accès aux soins »

À court terme, la décharge du temps administratif et le transfert de certains actes vers d’autres professionnels de santé permettent de libérer du temps de consultation. La télémédecine, plébiscitée durant la crise sanitaire, constitue également un axe d’amélioration immédiat de l’accès aux soins.

Dans un rapport d’information de la délégation aux droits des femmes que je préside, publié en octobre 2021, intitulé « Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l’égalité », nous avons pu constater que la désertification médicale affecte plus particulièrement le suivi de la santé des femmes en milieu rural. L’offre de soins en gynécologie médicale est absente dans 13 départements et insuffisante (moins de 3,7 gynécologues médicaux pour 100 000 femmes en âge de consulter) dans 77 départements sur 101. Les fermetures de maternité et de centres d’orthogénie ajoutent à la complexité de prise en charge des femmes, amplifiée par des difficultés de mobilité. En conséquence, de plus en plus de femmes renoncent aux soins, à un suivi gynécologique régulier et au dépistage des cancers dits féminins.

« Amener la consultation au plus près du patient »

Tout en reconnaissant le dynamisme du réseau des sages-femmes et le maillage territorial des pharmaciens, notre délégation a formulé 14 recommandations visant à améliorer la santé et le suivi médical des femmes en milieu rural dans le but de compenser, communiquer et inciter.

Pour pallier le manque de professionnels et la difficulté de se déplacer, amener la consultation au plus près du patient apparaît comme la piste la plus pertinente à privilégier. Cela peut notamment se concrétiser par des solutions de médecine itinérante, des téléconsultations gynécologiques, des centres périnataux et vacations hospitalières de proximité…

Une meilleure information des femmes sur leurs droits en matière de dépistage les incitera à consulter un gynécologue ou une sage-femme dès lors que les compétences de cette dernière ne seront pas uniquement associées au suivi périnatal. Des campagnes de communication institutionnelle doivent être menées en ce sens.

« Permettre aux femmes de se faire dépister est un enjeu de santé publique »

Enfin, l’installation d’un médecin en milieu rural doit être facilitée avec le soutien des confrères implantés (mentorat, accueil de stagiaire) ou par le regroupement de professionnels de santé au sein de maisons pluridisciplinaires. L’incitation financière, qui peut s’entendre également, doit être usée avec parcimonie car trop souvent nous assistons à des débauchages sauvages de médecins d’une commune vers une autre. L’argent est une motivation pour s’installer mais pas un argument pour rester.

Permettre aux femmes de consulter, de se faire dépister est un enjeu de santé publique majeur. Mettre en place des solutions de substitution s’impose tout en préparant le déploiement de nouveaux professionnels sur l’ensemble du territoire. Le défaut de prévention représente un coût pour notre société, financier mais avant tout humain. Prévenir, c’est vieillir.

Annick Billon, sénatrice et présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

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