La nomination d’une ministre déléguée à l’organisation territoriale de la santé montre la préoccupation du gouvernement sur le sujet sensible des « déserts médicaux ». Nombreux sont en effet nos concitoyens qui se plaignent d’avoir de grandes difficultés à accéder aux soins. Qu’il s’agisse d’obtenir rapidement un rendez-vous chez un spécialiste ou de trouver un médecin traitant, il faut souvent s’armer de patience pour avoir une réponse, surtout quand on vient d’arriver dans un nouveau lieu de vie. De nombreux Français s’interrogent à juste titre sur les défaillances d’un système de santé qui n’est plus capable de remplir sa mission de base, qui est de garantir à toute la population, et partout, un égal accès à des soins de qualité.
Deux principales raisons peuvent expliquer ce relatif échec.
Face à ces constats préoccupants, il est tentant de rechercher des responsables et de proposer des solutions à court terme. C’est ainsi qu’il est souvent reproché aux jeunes médecins généralistes de ne pas s’installer dans les zones de faible densité médicale. On oublie que l’installation d’un jeune médecin dépend de plusieurs raisons, au premier rang desquelles l’emploi du conjoint, les conditions matérielles de l’exercice professionnel dont l’accès à un plateau de soins techniques, l’organisation du travail au sein du cabinet.
Il est facile de deviner, alors que de nombreux postes de médecine générale sont disponibles dans les hôpitaux, qu’une installation obligatoire en zone sous-dense viendrait tarir le flux déjà trop faible de médecins se destinant à la médecine générale ambulatoire. Ces jeunes médecins ne souhaitent pas exercer sans collaborateurs ni outil de travail adapté et ils ont raison. Avant de leur proposer un poste, il est essentiel de venir d’abord appuyer les médecins généralistes en exercice, en leur proposant si besoin de se regrouper dans des locaux modernes et adaptés, et en leur apportant un soutien humain grâce à une équipe de collaborateurs (assistants médicaux, secrétaires, infirmières, internes, etc.).
Les unités de soins de proximité ainsi dessinées devraient être d’abord déployées dans les zones les plus en difficulté, en s’appuyant sur une analyse des besoins réalisée par bassins de vie, à l’échelle du département, grâce à l’expertise de toutes les parties concernées : élus locaux, professionnels de santé du territoire, usagers, établissements de santé et représentants de l’État. Des moyens financiers seront fléchés sur ces unités de soins ; ils leur permettront de se moderniser et de proposer de nouveaux services à la population du territoire, notamment en matière de prévention, d’éducation thérapeutique et d’accompagnement des parcours de soins. Lieux de stage pour les médecins en formation, leurs organisations seront attractives pour les jeunes diplômés qui recherchent un exercice professionnel en phase avec leurs aspirations.
Comme on le voit, des solutions existent. Elles sont déjà déployées ici ou là, portées par des professionnels motivés et décidés à construire les soins de santé primaire de demain. Souhaitons que le gouvernement se saisisse de ce moment pour bâtir enfin dans notre pays un système de santé organisé qui garantisse à toute la population un égal accès aux soins.
Dr Jacques Battistoni, médecin généraliste et président du syndicat MG France de 2017 à juin 2022.