Centre de rééducation de Kerpape : une prise en charge globale du patient

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Par Solal Duchêne

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Le centre mutualiste de Kerpape, dans le Morbihan, est une référence parmi les établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR). Son approche pluridisciplinaire lui permet de prendre en charge le patient de façon globale, depuis la construction de son parcours de soins jusqu’au projet de réinsertion socio-professionnelle. Reportage.

Au fond d’un long tunnel vitré, une silhouette en blouse blanche émerge, perchée sur une bicyclette. Elle dépasse une jeune femme en fauteuil roulant, contourne un groupe d’infirmiers. La circulation est fluide, ce mercredi de juillet, dans les couloirs du Centre mutualiste de rééducation et de réadaptation fonctionnelles (CMRRF) de Kerpape. « Les 55 000 mètres carrés de locaux, répartis sur un site de 30 hectares, expliquent le choix de nombreux soignants de se déplacer à vélo, décrypte Jean-Marc Le Ravallec, directeur délégué du centre. C’est une image que les gens gardent souvent de Kerpape ».

Un sanatorium transformé en centre de rééducation

Dans les années 1920, le site de Kerpape, sur la commune de Ploemeur (Morbihan) se fait d’abord connaître pour son sanatorium. Construit par la Mutualité Française, il accueille de nombreux malades de la tuberculose.

En 1959, la forte diminution des cas fait malheureusement place à une nouvelle « épidémie » : celle des accidentés de la route. L’établissement est alors transformé en un centre de rééducation, aujourd’hui géré par VYV3* Bretagne.

Un pôle de référence pluridisciplinaire

400 patients (adultes et enfants) sont accueillis quotidiennement à Kerpape, en hôpital de jour ou en hospitalisation complète. Les deux tiers d’entre eux le sont pour des affections du système nerveux, pour lesquelles le CMRRF est reconnu comme centre de ressources en Bretagne. Un « label » obtenu pour de nombreuses pathologies : affections de l’appareil locomoteur**, cardiovasculaire ou respiratoire, rééducation pédiatrique ou encore l’accueil de grands brûlés.

Au total, plus de 70 métiers sont représentés sur le site. « Outre sa taille, la très grande diversité d’activités est une des caractéristiques de Kerpape, souligne Jean-Marc Le Ravallec. Dans le domaine de la rééducation et de la réadaptation, le centre mutualiste de Kerpape détient presque toutes les autorisations de soins existantes ».

La recherche et l’innovation à Kerpape

Le centre Kerpape est engagé dans des projets de recherche et d’innovation depuis le début des années 1980. Cette démarche est soutenue par un fonds de dotation, créé en 2016. De nombreuses avancées ont été réalisées dans les domaines de la robotique et de la réalité virtuelle. Parmi elles, le développement d’un exosquelette de dernière génération, d’un téléphone main libre et la création d’un laboratoire d’impression 3D.

Une prise en charge individuelle et adaptée au patient

Depuis le plateau technique du service des blessés médullaires***, la mer est invisible, dissimulée par une rangée de pins maritimes. Seuls l’air iodé et les cris des goélands rappellent que l’océan Atlantique est à une centaine de mètres. Janine, patiente de 63 ans, n’est de toute façon pas d’humeur à faire un tour sur la plage. « La douleur rend acariâtre, je viens d’abord ici pour me reposer. » C’est son deuxième séjour à Kerpape, dix-sept ans après le premier. Suite à une erreur médicale survenue pendant une opération du dos, elle s’est retrouvée paralysée des quatre membres en 2005. « Plus rien ne bougeait, se souvient-elle. Grâce aux soins reçus ici, j’ai réappris à manger, à me remettre debout, puis à remarcher ».

Avec l’âge, elle est aujourd’hui contrainte de « retrouver le fauteuil ». Ce matin, elle a rendez-vous avec Fanny pour sa séance quotidienne de kinésithérapie. Pendant une heure, elles vont enchaîner les exercices, mais aussi parler, rire. Avec des gestes très doux, la soignante manipule Janine, l’aide à se lever, s'asseoir, lui masse les bras et les jambes.

« Venir ici, c’est un bain de jouvence pour moi, sourit Janine. Il y a toujours quelqu’un avec vous, pour la douche, les soins, vous n’êtes jamais seule. » Lucie, une autre kinésithérapeute du centre, acquiesce. « Nous sommes dans un service où le contact humain est vraiment privilégié. On s’ajuste en permanence au patient », confie-t-elle. En fonction des progrès, des besoins spécifiques et du projet du bénéficiaire, Fanny et Lucie adaptent les exercices. L’objectif étant de lui redonner le plus d’autonomie possible avant sa sortie du centre.

Préparer l’« après Kerpape »

Le sourire jusqu’aux oreilles, Yvan slalome au milieu des tapis de sol et des tables de verticalisation. Avec dextérité, il dirige son fauteuil du menton, grâce à une petite tige. « Je viens d’acheter une maison en Bretagne, je m’y installe dans deux mois », se réjouit-il. A la suite d’une chute dans un escalier, Yvan est devenu tétraplégique en 2020, à l’âge de 48 ans. « Cela fait deux ans que je vis dans le milieu hospitalier », explique-t-il. Une période qui touche à sa fin, en partie grâce au soutien du service de réadaptation et d’insertion sociale et professionnelle (SRISP) de Kerpape.

Spécificité du centre, le SRISP accompagne les patients et leur famille dans toutes les démarches liées à l’« après Kerpape ». Il fait le lien avec les partenaires extérieurs, comme les services sociaux, informe les familles sur leurs droits, aide les projets de reconversion professionnelle ou d’adaptation de l’habitat. Un ergothérapeute a par exemple visité la future maison d’Yvan pour l’adapter à ses besoins.

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Yvan vient de recevoir son premier fauteuil électrique. Crédit photo : Solal Duchêne

Un programme de rééducation mais aussi de réadaptation

« On a la chance de pouvoir proposer un programme complet à Kerpape, à la fois en rééducation mais aussi en réadaptation », assure le Dr Valérie Le Corfec, cheffe de service du pôle « blessés médullaires ». Chaque projet est construit en fonction des capacités et des contraintes spécifiques liées à la pathologie du patient.

Pour lui donner le maximum d’autonomie dans sa vie future, le centre dispose de nombreuses ressources. Au laboratoire d'électronique, des aides techniques et des prothèses sont fabriquées sur mesure, à l’aide d’imprimantes 3D. Une auto-école forme les patients qui le peuvent à la reprise de la conduite, grâce à des commandes adaptées. Deux « appartements tremplins » ont été construits sur le domaine. Ils doivent permettre de mener des essais « grandeur nature » avec les patients, avant leur retour à domicile.

« L’objectif de la réadaptation est de montrer aux patients que des perspectives existent, malgré le handicap ou la perte de fonction motrices, analyse le docteur Le Corfec. En réalisant qu’ils peuvent toujours faire du sport, conduire, travailler, avoir une vie de famille, ils reprennent espoir ».

*VYV3 regroupe les services de soins et d’accompagnement du Groupe VYV.

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