Autisme : une consultation spéciale pour un repérage plus efficace

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Par Patricia Guipponi

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Depuis le 11 février 2019, les généralistes et pédiatres peuvent pratiquer un examen approfondi pour mieux dépister les troubles du spectre de l’autisme chez l’enfant. Le parcours compliqué et douloureux, géré par les familles, devrait être facilité.

Evan est un petit garçon plein de vie, scolarisé en CM1, en périphérie de Melun. Agé de neuf ans, il se démarque de ses camarades de classe par sa grande taille, sa corpulence de préadolescent. Par son autonomie aussi, plus réduite que la moyenne, qui fait qu’il est aidé, douze heures par semaine, par un auxiliaire de vie scolaire. Evan a été diagnostiqué autiste à sept ans. Ses parents, Fabrice et Marie-Michelle, ont été alertés très tôt par sa différence. « À un an, notre fils avait des comportements inhabituels. Il s’enfermait, ne réagissait pas ». La maman soucieuse s’épanche auprès du pédiatre de l’enfant. « Il n’a pas été à notre écoute, prétextant que chaque gamin avait ses particularités et que le nôtre était capricieux ». Il faudra un déménagement de la famille, du Loiret en Seine-et-Marne, pour que le cas d’Evan soit pris au sérieux. « Le directeur de l’école maternelle nous a convoqués pour nous parler de possibles troubles. Il était sensibilisé car il avait géré un centre d’enfants en situation de handicap ». Sans cela, Marie-Michelle reste persuadée que le parcours de combattant, mené pour faire reconnaître l’autisme d’Evan, aurait été encore plus ardu.

Des mois pour un simple rendez-vous médical

« On s’est sentis bien seuls pour se faire entendre : contacter les spécialistes, monter les dossiers… », raconte Fabrice. Des mois pour obtenir un simple rendez-vous médical. « J’avais le sentiment de harceler les gens, même si c’était gentiment », souligne Marie-Michelle. « Si nous n’avions pas fait front, cela aurait été catastrophique. Evan a fini par être diagnostiqué, tardivement certes, mais comme nous avions œuvré en amont pour sa prise en charge, sa pathologie ne s’est pas aggravée ». L’enfant est aujourd’hui suivi par le service du professeur Golse de l’hôpital Necker à Paris.

Marie-Michelle et Fabrice ont accueilli avec un certain contentement la mise en place, depuis le 11 février 2019, d’une consultation spéciale chez les pédiatres et généralistes pour repérer plus efficacement les suspicions d’autisme. Ainsi, les médecins, dits de première ligne, peuvent pratiquer un examen approfondi grâce aux outils d’observation à leur disposition : tests, questionnaires posés aux parents afin d’approfondir l’exploration des signes d’alerte. Le but est de clarifier les pratiques médicales de dépistage et d’orientation de prises en charge dans un parcours coordonné par le médecin habituel de l’enfant. Face à cette avancée, les parents d’Evan émettent pourtant une réserve. « Si le praticien n’est pas sensibilisé à l’autisme, ni formé, cela restera très compliqué ».

Former les médecins, consolider le travail en réseau

Le professeur Amaria Baghdadli, pédopsychiatre responsable du centre de ressources autisme du CHU de Montpellier, est de cet avis. La consultation longue et majorée va, sans conteste, contribuer au dépistage des troubles du neurodéveloppement, qui concernent environ 10 % des enfants, et en particulier du trouble du spectre de l’autisme (TSA), qui touche 1 % des petits patients. « L’enfant sera orienté vers des prises en charge très précoces ». Jusqu’à présent, le parcours n’était pas coordonné par le médecin traitant « avec l’inconvénient d’augmenter les délais d’attente avant la mise en place des premières interventions comme la kinésithérapie, l’orthophonie ». Or, il est nécessaire de former les généralistes et pédiatres de première ligne à ces nouvelles pratiques. « Les signes d’alerte sont connus des professionnels mais peu intégrés dans leur routine ».

Autre problématique : le possible manque de travail en réseau « entre la première ligne en libéral, chargée du repérage, et la deuxième ligne généralement en centre hospitalier ». Amaria Baghdadli préconise de consolider ce relationnel par une concertation commune et pluridisciplinaire, « d’autant plus que nous avons les moyens de le faire en visioconférence et à distance ». La désertification médicale et paramédicale, selon les territoires, peut être aussi un frein à la mise en place des consultations de repérage. « Il faut densifier l’offre de télémédecine et de télé-soins dans ces zones ». L’autisme reste un diagnostic clinique difficile, parfois tardif. « Sa prise en charge rapide est à la fois possible et cruciale pour un meilleur pronostic ».

Le projet Elena porté par le CHU de Montpellier

Les troubles du spectre de l’autisme sont multiples. Or, les connaissances sont moindres pour expliquer une telle diversité. Le suivi de cohortes permet d’observer de manière rigoureuse les processus impliquant un changement dans la santé des individus et les facteurs qui les influencent. Depuis 2013, le CHU de Montpellier pilote le projet Elena, d’envergure mondiale. Il consiste au suivi, sur six ans, d’un groupe de moins de 16 ans, ayant un diagnostic TAS établi dans des centres spécialisés. On compte actuellement 800 participants, encadrés par les centres associés : Montpellier, Nîmes, Perpignan, Nice, Marseille, Lyon, Lille, Paris APHP (La Pitié et Necker), Paris Versailles, Nancy, Dijon, Poitiers, Strasbourg et Toulouse. L’objectif est de suivre à terme 850 patients afin d’identifier les facteurs de risque pouvant donner lieu à des mesures de prévention et à une médecine personnalisée, ce grâce à des biomarqueurs facilitant le diagnostic et les traitements mieux ciblés.

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