Églantine Éméyé : « La société doit ouvrir les yeux »

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Par Pauline Leduc

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© Ch.Lartige/CL2P/R.LAFFONT

Entretien avec la journaliste et animatrice Eglantine Eméyé qui raconte dans un livre le combat qu’elle mène pour son fils, autiste et polyhandicapé.

Après avoir créé en 2008 l’association « Un pas vers la vie » pour les enfants autistes et réalisé l’année dernière un documentaire, « Mon fils un si long combat », l’animatrice et journaliste Églantine Éméyé signe « Le voleur de brosse à dents ». Dans ce vibrant témoignage, elle raconte, sans fard et avec humour, le quotidien de son combat qu’elle mène depuis 10 ans pour son fils cadet. Victime tout petit d’un AVC, Samy est autiste, épileptique et polyhandicapé. Pris en charge il y a deux ans dans un hôpital à Hyères, il va mieux mais le chemin parcouru a été semé d’embûches.

Pourquoi avoir écrit ce livre alors que vous aviez déjà consacré un documentaire à Samy ?

Églantine Éméyé : Ce documentaire a suscité dès sa diffusion une réelle curiosité, me prouvant ainsi que l’autisme et le handicap peuvent intéresser le grand public. Avec ce livre, j’ai voulu continuer à sensibiliser d’autres personnes que celles, directement touchées par le sujet, et aller plus loin. Plutôt que de raconter quelques mois de nos existences, je voulais expliquer comment on vit l’acceptation du handicap, le quotidien, les coups durs mais aussi les moments de joie.

En bref, je souhaitais partager mon expérience depuis le début.

Évidemment, comme tous ceux qui se battent pour des causes qui leur tiennent à cœur, j’espère apporter ma petite contribution pour que les problèmes auxquels je fais face - comme de très nombreuses familles - soient mieux pris en compte. La société doit ouvrir les yeux car il y a des situations qui ne sont pas loin du scandale.

Vous faites référence aux problèmes de prise en charge, décrits dans votre ouvrage ?

E.E. : Dès l’annonce du diagnostic, on se heurte en effet à l’absence de prise en charge. C’est-à-dire que les médecins soignent certains symptômes, mais cela s’arrête là : c’est à nous de nous débrouiller seul. Et c’est un gros souci, notamment dû à une absence de prise de conscience du corps médical. Si vous allez chez le docteur et qu’il voit, par exemple, votre enfant crier ou s’automutiler, je ne crois pas qu’il réalise que ce qu’il perçoit à cet instant se produit en fait nuit et jour. On laisse donc repartir des familles dans ces conditions sans aucune proposition d’aide ou solutions et c’est terrible à vivre.

Parallèlement, il n’y a presque plus de place dans les instituts spécialisés, tellement surchargés que les listes d’attentes se comptent en années. Les parents font donc face à un parcours du combattant. Ils se tournent vers le privé mais les tarifs peuvent y atteindre des fortunes et les prix varient du simple au double. Tant que l’État n’apportera pas des propositions de prise en charge réelles pour tous les enfants et adultes handicapés, on assistera à des dérives scandaleuses et dangereuses dans le secteur privé.

On parle rarement de la solitude et du désarroi dans lesquels les parents d’enfants autistes – ou plus généralement handicapés – peuvent se retrouver enfermés. Comment avez-vous réussi, alors que vous étiez mère célibataire, à gérer cette situation ?

E.E. : J’ai la chance d’avoir pu compter sur ma famille. Parallèlement, j’ai aussi souhaité continuer à travailler. Je n’avais pas vraiment le choix parce que les prises en charge me coûtaient très cher. Mais c’était vraiment salvateur puisque cela m’a permis de garder des liens sociaux en dehors de ceux que je tissais avec d’autres parents touchés par le handicap.

Le fait d’avoir créé une association, de pouvoir parler avec des personnes qui comprennent ce que je vis, c’est un énorme soutien, essentiel, même s’il y a un effet pervers : à force, on risque de restreindre notre entourage au « monde du handicap ». Enfin, être la maman d’un autre enfant qui va parfaitement bien me force à redevenir une maman « normale », de temps en temps.

Quels conseils pourriez-vous donner à ceux qui traversent une situation similaire à la vôtre ?

E.E. : Je pense qu’il peut être très utile de rejoindre une association de parents. Je sais bien que cela peut faire peur parce qu’on craint de se projeter dans l’avenir, de rencontrer des parents dont l’enfant a quelques années de plus que le nôtre. Mais puisqu’il n’y a pas assez de bonnes réponses institutionnelles, les autres parents restent les fournisseurs principaux d’idées ou de solutions qui facilitent le quotidien.

Je leur conseillerai aussi de demander de l’aide à leurs proches. Ces derniers ont souvent peur de mal faire avec un enfant différent mais se faire épauler passe par d’autres choses du quotidien. Solliciter un coup de main pour les courses, la cuisine, le rangement ou pour garder vos autres enfants. Et tout particulièrement le week-end, puisque c’est un moment éprouvant et difficile où l’on a tendance à rester enfermé avec le handicap. On est vite débordé par toutes les tâches domestiques et l’attention constante que nécessite un enfant handicapé. Alors il faut s’appuyer sur son entourage pour alléger, autant que possible, la vie.

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