La France en manque de gynécologues

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Par Carole Filiu-Mouhali

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Les femmes rencontrent de plus en plus de difficultés à trouver un gynécologue. La pénurie de ces spécialistes remet en cause le suivi traditionnel des pathologies féminines.

Comme beaucoup de femmes, vous avez sans doute déjà eu des difficultés à obtenir un rendez-vous chez un gynécologue. En effet, depuis plusieurs années le nombre de gynécologues médicaux a diminué. Leur formation, différente de celle des gynécologues obstétriciens axée sur la chirurgie et sur l’accouchement, est une spécialité nationale.

Ils sont aujourd’hui 1 350 gynécologues médicaux à prendre en charge le suivi gynécologique des femmes durant toute leur vie : contraception, prévention et dépistage de maladies sexuellement transmissibles (MST) et cancers, stérilité du couple, demande d’interruption volontaire de grossesse (IVG) ou traitements hormonaux. « Ce suivi médical, et pas uniquement chirurgical, offre une approche centrée sur l’humain et une finesse de diagnostic unique, argumente Julia Maruani, gynécologue, conseillère scientifique au Collège de Gynécologie Médicale Marseille Provence.

Ainsi, le taux d’ablation de l’utérus des femmes en France est de 7 %, pour une moyenne de 30 % en Europe et de 40 % aux États-Unis. Nous préférons soigner les pathologies bénignes plutôt que d’amputer les femmes de cet organe. »

Un numerus clausus dérisoire

En 1987, la spécialité de gynécologie médicale est supprimée, par souci d’harmonisation européenne des diplômes. Alors que 130 gynécologues médicaux étaient formés chaque année, il faudra attendre 2003 pour que la spécialité soit rétablie.

Depuis, le numerus clausus, qui limite le nombre de gynécologues médicaux formés, a progressivement augmenté, d’une vingtaine à une cinquantaine par an. « La moyenne d’âge des gynécologues médicaux est de 58 ans, voire 61 ans dans certains départements, alerte Marie Stagliano, co-présidente du Comité de Défense des Gynécologues médicaux (CDGM). Ce numerus clausus, même s’il a augmenté, ne permet pas de renouveler les effectifs de la spécialité.

Rappelons quand même que la gynécologie médicale a permis d’accompagner l’émancipation des femmes à travers le suivi de leur contraception, l’éducation des jeunes femmes et le dépistage des MST. Cette spécialité explique les très bons indices de santé des femmes en France, qui pourrait basculer si aucune mesure énergique n’est prise ».

Complémentarité avec les sages-femmes

En réponse à cette pénurie, l’Etat a souhaité élargir les compétences des sages-femmes, autrefois cantonnées au suivi des grossesses physiologiques et aux accouchements. Suite aux lois relatives à la politique de Santé publique de 2004 et 2009, les sages-femmes peuvent effectuer la déclaration de grossesse, prescrire toute forme de contraception et réaliser le suivi gynécologique des femmes en bonne santé (frottis, palpation des seins).

Si elle détecte une pathologie, elle recommande sa patiente à un gynécologue qui pourra la suivre à son tour. « Les sages-femmes accompagnent les femmes durant toute leur vie et elles sont compétentes dans ces domaines, assure Marie-Josée Keller, Présidente de l’Ordre national des Sages-Femmes. Les gynécologues médicaux ont craint que nous prenions leur place alors que notre intérêt n’est pas d’outrepasser leurs compétences. »

Marie-Josée Keller envisage cette évolution comme l’opportunité de travailler davantage en complémentarité entre gynécologues médicaux, obstétriciens, médecins généralistes et sages-femmes. « Aujourd'hui, 21 000 sages-femmes sont en activité en France, dont 5 000 travaillent en libéral. Leur présence importante sur le territoire assure un accès plus large à la prévention des pathologies et à la contraception. »

Changer d'habitude

Ce rôle a été encouragé par la dernière Loi de Santé qui permet aux sages-femmes de pratiquer l’IVG médicamenteuse. Pour Bernard Hédon, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), cette évolution permet aux patientes éloignées en termes social ou géographique d’accéder à un suivi gynécologique. « La France souffre également d’une pénurie de gynécologues obstétriciens. Il serait préférable d’augmenter leur nombre afin que les femmes puissent continuer à bénéficier d’un suivi de qualité du début à la fin de leur grossesse », estime Bernard Hédon.

Alors que les femmes avaient pour habitude de solliciter le gynécologue en premier recours, le médecin généraliste ou la sage-femme peuvent apparaître aujourd'hui comme une solution à la pénurie de spécialistes. Mais Julia Maruani l’affirme : « La santé des femmes passe par ce suivi gynécologique, cet échange autour de leur sexualité, de leur bien-être tout au long de leur vie. Il ne s’agit pas d’une exception française mais bien d’une richesse. »

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