Julia March se livre sur sa vie d’autiste Asperger

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Par Propos recueillis par Cécile Fratellini

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Julia March, autiste Asperger diagnostiquée tardivement, raconte sa vie « chaotique et turbulente » dans un livre-témoignage : <em>La fille pas sympa.</em>

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ce livre ?

Julia March : Une amie m’a parlé d’une maison d’édition qui cherchait à publier un témoignage de femme autiste. J’ai contacté l’attachée de presse, ils ont parcouru mon blog et voilà. J’aime bien écrire depuis toujours. Je m’étais dit que si, un jour, je me lançais dans l’écriture, ce serait de la fiction, je n’avais pas du tout pensé à un témoignage. Mais c’est vrai que j’ai vécu tellement de choses dans ma vie que je me disais que ce serait marrant un jour de tout documenter pour ne pas oublier. J’espère que ce livre permettra à certaines personnes ne connaissant pas l’autisme, ou ayant des représentations très stéréotypées, de mieux comprendre. C’est aussi l’occasion de briser une certaine image que l’on a des autistes comme des personnes pas du tout autonomes, qui ont un certain angélisme, incapables de faire preuve de méchanceté ou d’humour. C’est montrer que nous sommes des êtres humains comme les autres et que nous apprenons, nous aussi, à nous débrouiller dans la vie.

 

L’autisme Asperger est une forme particulière de l’autisme associée à un très bon développement intellectuel (Source Inserm).

 

Est-ce que cela a été facile de se replonger dans tous ces souvenirs ?

J.M. : Ce fut parfois difficile de se rappeler des humiliations ou des violences subies. Mais ça fait partie du livre. C’était drôle de relire mes journaux intimes où je dis tout le temps « je ne comprends rien », « ça va trop vite ». Même une fois adulte, j’étais complètement à l’ouest. C’est quand j’ai su que j’étais autiste que j’ai compris pourquoi.

 

Julia March, jeune enseignante de 27 ans, livre un très beau témoignage dans La fille pas sympa. Elevée dans une famille de Témoins de Jéhovah avec un père violent, elle vit en Espagne de 8 ans à 21 ans. Elle revient sur son parcours scolaire, la difficulté à se faire des amis et à se faire comprendre tout simplement par son entourage. De retour en France, elle sera diagnostiquée autiste Asperger à 25 ans, diagnostic qui lui donnera les réponses aux nombreuses questions qu’elle se posait.

La fille pas sympa, Editions Seramis, 21 €. Sortie le 10 novembre 2017

 

Vous n’avez été diagnostiquée qu’à 25 ans, comment cela s’est-il passé ?

J.M. : A 23 ans, j’avais fait des recherches sur Internet et le diagnostic autiste Asperger collait étrangement. Mais j’ai essayé d’oublier. Et puis, je me heurtais toujours aux mêmes choses car je n’avais pas les outils pour dépasser les obstacles. Ainsi, quand pour la énième fois, on me dit, au travail, que professionnellement ça va mais que socialement ce n’est pas possible, alors les critères de l’autisme sont revenus dans mon esprit. Et puis à 25 ans, un psychiatre m’a diagnostiquée autiste Asperger.

 

Qu’est-ce que ce diagnostic a changé pour vous ?

J.M. : J’ai bénéficié de l’allocation adulte handicapé. J’ai pu reprendre mes études et donc avoir une chance de m’en sortir. Le fait de pouvoir me consacrer à mes études et d’obtenir mon master, sans travailler à côté, m’a redonné confiance en moi. Je me sentais nulle et je me suis rendue compte que j’étais capable de le faire. C’était juste une question de moyens et de circonstances. Avoir la reconnaissance de travailleur handicapé m’a permis de postuler via le recrutement des bénéficiaires de l’obligation d’emploi. Depuis la rentrée, je suis fonctionnaire stagiaire en tant que professeur d’espagnol dans un collège.

 

Dans votre livre, vous dites que l’autisme est « un handicap invisible ».

J.M. : C’est un handicap relativement invisible. Les autres voient qu’il y a quelque chose qui cloche chez vous, mais on n’a pas de béquilles, pas de fauteuil. Et on essaie de se fondre dans la masse avec la ferme volonté de ne pas être traité différemment, de ne pas se faire remarquer. On intègre très jeune qu’à partir du moment où on est vu comme différent, on risque d’être harcelé. Il ne faut surtout pas se résigner. On doit travailler deux fois plus que les autres. Quand on s’intéresse à quelque chose, on est très doué et on devient des experts en la matière. Il faut exploiter cela.

 

Décrypter le langage non-verbal est une de vos difficultés depuis toute petite, cela vous joue-t-il encore des tours ?

J.M. : Oh oui ! En 2014, j’étais en stage pour passer mon brevet pour être directrice de centre de loisirs. Un parent qui voulait me parler s’est approché de moi. Il se tenait droit sans rien me demander. Je l’ai ignoré. Et il est reparti. La directrice de la structure l’a vu et m’a reproché de ne pas lui avoir adressé la parole. Mais moi, je ne pouvais pas deviner qu’il voulait me parler. Paradoxalement, parfois ça me protège. D’autres collègues professeurs stagiaires me disent que certaines attitudes d’élèves leur semblent hostiles et les paralysent. Moi je ne les vois pas, donc ça ne me perturbe pas.

 

Vous avez du mal à communiquer et vous excellez dans les cours magistraux, comment l’expliquez-vous ? Au collège déjà, vous aidiez vos camarades qui comprenaient beaucoup mieux le cours avec vous.

J.M. : Depuis l’adolescence, je veux enseigner. J’ai eu une bonne intuition, je suis comme un poisson dans l’eau. C’est un métier qui me correspond bien. J’ai l’impression d’avoir une bonne relation avec les enfants, ma tutrice me l’a confirmé d’ailleurs. L’aspect social est un peu plus compliqué. Il faut manger avec les collègues pour garder un lien avec eux. Cela me demande un effort, ce n’est pas naturel pour moi. Je vais en salle des professeurs quand il n’y a pas trop de monde. J’échange en tête à tête avec mes collègues ou par mail.

Par Propos recueillis par Cécile Fratellini

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