Médicaments : les lanceurs d’alerte officiellement écoutés

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Par Capucine Bordet (ANPM-FRANCE MUTUALITÉ)

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Pour signaler un problème rencontré avec un produit pharmaceutique ou cosmétique, les citoyens peuvent envoyer un message à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Carole Le Saulnier, directrice des affaires juridiques et réglementaires de l’ANSM détaille le périmètre de ce dispositif lancé le 1er février 2019, et l’importance accordée à la parole citoyenne au sein de l’établissement public.

L’adresse e-mail spécifique à destination des lanceurs d’alerte lancée est-elle ouverte au grand public ? Tout le monde peut-il faire un signalement via ce canal ?

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Carole Le Saulnier (crédit photo : DR)

Carole Le Saulnier : Les lanceurs d’alerte sont officiellement reconnus par la législation, et la loi « Sapin 2 » précise que le signalement doit être fait par « personne physique […] de manière désintéressée et de bonne foi », et qu’elle doit également avoir eu « personnellement connaissance » des faits qu’elle dénonce. Les situations rapportées par les lanceurs d’alerte doivent également constituer « un crime ou un délit […] une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général » : la santé rentre donc parfaitement dans le cadre cette définition. Avant la mise en place de cet e-mail (lanceur.alerte@ansm.sante.fr), l’Agence recueillait déjà des alertes, notamment via le « portail des signalements » qui permet de rapporter des situations problématiques concernant un médicament ou d’autres produits de la vie courante, ainsi qu’un « portail des vigilances » destiné aux effets indésirables, un service qui a entre autres permis de mettre en lumière les problèmes liés à la nouvelle formule du Lévothyrox… L’adresse « lanceur.alerte@ansm.sante.fr » nous permet de centraliser toutes les demandes et de pouvoir ouvrir au maximum les requêtes des lanceurs d’alerte.

Les signalements faits par les lanceurs d’alerte sont-ils confidentiels ?

C. Le S. : Parfaitement, l’Agence ne transmettra jamais le nom, la qualité ni la profession du lanceur d’alerte. Il restera totalement anonyme.

Combien avez-vous reçu d’alertes depuis la mise en place de cette adresse e-mail ?

C. Le S. : Dans les quinze jours qui ont suivi la mise en place de cette nouvelle adresse nous avons reçu une vingtaine d’alertes. Et après trois mois d’existence, nous en sommes environ à une centaine. Ces signalements ne relèvent pas tous de l’ANSM. Mais nous prenons soin d’adresser aux services concernés et aux autorités compétentes les alertes qui dépendent d’eux. L’Agence espère ainsi favoriser la parole citoyenne et permettre aux patients, aux professionnels et à tout autre lanceur d’alerte de continuer à dénoncer les situations problématiques auxquelles ils sont confrontés.

Quels sont les signalements que vous pouvez traiter au sein de l’ANSM ?

C. Le S. : Nous recevons et nous traitons par exemple beaucoup de signalements adressés par de professionnels de santé, souvent à la retraite, qui prennent le temps de faire part d’une interrogation sur un médicament, sur la commercialisation d’un produit, ou du retrait d’un autre. Ces demandes nous permettent de mener une enquête ou de faire plus de pédagogie et d’explications auprès des professionnels sur les cas remontés. Les employés des firmes pharmaceutiques sont également nombreux à nous écrire, s’ils constatent par exemple des dysfonctionnements dans la chaîne de production. Une vérification est alors faite par l’ANSM, soit sur place, soit à l’intérieur de nos laboratoires.

Suite à une réclamation de ce type, qui dénonçait un problème de conditionnement d’un médicament et son exposition à un risque de contamination, nous avons envoyé nos inspecteurs sur place pour qu’ils effectuent un contrôle au sein de la société incriminée. Il s’est avéré que l’information était inexacte et qu’aucun risque n’était pris. Enfin la proportion des particuliers est importante parmi les lanceurs d’alerte. Les patients nous remontent notamment les effets indésirables qu’ils ont pu subir, à cause de médicaments mais pas seulement. Nous avons reçu par exemple une alerte concernant un produit cosmétique, dont nous sommes toujours en train d’analyser la toxicité.

Quelle importance l’ANSM donne-t-elle aux signalements des particuliers ?

C. Le S. : Les témoignages des patients et les remontées citoyennes constituent l’essentiel du travail de l’Agence. Le lancement de cette adresse e-mail officielle est un signal fort que nous leur adressons pour encourager ces signalements et libérer la parole. Nous allons par ailleurs intégrer dans le courant de l’année des particuliers à nos instances d’évaluation des produits. Patients et représentants d’associations auront ainsi leur place dans nos comités scientifiques.

Par Capucine Bordet (ANPM-FRANCE MUTUALITÉ)

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