Risques en santé : ils ont lancé l’alerte

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Par Aurélia Descamps

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© Xichai Leesawatwong/iStock

Affaires de « l’amiante », du « Mediator », des « prothèses PIP »… En filigrane de ces scandales sanitaires, apparaît la figure du « lanceur d’alerte », célèbre ou anonyme. Qui est-il ? Est-il protégé ?

D’usage désormais courant, l’expression « lanceur d’alerte » doit notamment sa popularisation en France à l’action du médecin Irène Frachon, qui a mis au jour le scandale sanitaire du « Mediator ». Interpellée par le cas d’un patient atteint d’une affection mortelle rare des poumons et exposé dix ans à ce médicament, la pneumologue a travaillé à établir la dangerosité de ce dernier, avant de prévenir les autorités.

« À l’origine, il s’agissait d’une démarche médicale classique de signalement des effets indésirables. D’ailleurs, le “ Mediator ” a bien été retiré du marché en 2009 », explique-t-elle. « J’ai réalisé qu’il y avait de surcroît tromperie de la part du laboratoire Servier [qui commercialisait le produit, NDLR]. Or, l’affaire allait être enterrée et les malades laissés sur le carreau. Je ne pouvais pas laisser faire ». Elle publie en 2010, « malgré les tentatives d’étouffement », son célèbre livre-enquête*.

Cinq ans plus tard, le procès pénal du laboratoire ne s’est toujours pas tenu, tandis que le processus d’indemnisation des victimes se poursuit péniblement. Quant à Irène Frachon, elle est désormais considérée comme une lanceuse d’alerte.

*« Mediator 150 mg. Combien de morts ? », Dialogues, 2010, 152 pages.

 

Défense de l’intérêt général

« C’est généralement un expert dans son domaine qui découvre à son corps défendant un crime ou un délit, le signale dans l’intérêt général et en subit les représailles, définit Nicole-Marie Meyer, chargée de mission pour l’association Transparency International France. On le devient a posteriori ». Quand le chimiste André Cicolella prouve, dans les années 1990, la nocivité de certains éthers de glycol (solvants d’usage courant), son employeur, l’INRS**, fait annuler un congrès où devaient notamment être présentés les résultats de ses recherches, avant de le licencier. « Les effets étaient pourtant connus depuis longtemps sur les animaux.

L’affaire montre qu’il est compliqué d’obtenir une expertise indépendante, à l’abri des conflits d’intérêts », analyse le chercheur, président du Réseau environnement santé. En 2000, son licenciement est finalement reconnu abusif par la cour de Cassation : c’est la première décision de justice visant à protéger un lanceur d’alerte en France.

** Institut national de recherche et de sécurité.

 

Des lois protectrices

Le droit national s’est depuis peu à peu étoffé en ce sens. Depuis 2007, pas moins de six lois se sont succédées : « Mais elles ne définissent pas un statut général et n’offrent que des protections dans des champs spécifiques, comme la corruption financière, la santé, les conflits d’intérêts… On a légiféré au coup par coup, après l’éclatement de scandales », remarque Nicole-Marie Meyer.

Par exemple, la loi dite « Blandin », qui date de 2013, reconnaît le droit d’alerte en matière de santé publique et d’environnement. De quoi attirer des personnes mal intentionnées, par l’appât du gain et de la célébrité ? « C’est un risque effectivement. Il s’agit de discerner les signalements de bonne foi, note André Cicolella. Trier le bon grain de l’ivraie. » Distinguer le désir de sauver, de l’intention de nuire.

Et Nicole-Marie Meyer de conclure : « Le plus gros danger reste celui couru par les authentiques lanceurs d’alerte, qui croient désormais pouvoir bénéficier d’une protection, en réalité toujours très incomplète ».

 

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