La santé menacée par les dérives sectaires

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Par Virginie Plaut (pour l’ANPM)

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

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© Mutualité Française / Gérard MONICO

Des plantes miraculeuses, des stages de méditation ou encore des jeûnes pour affaiblir la maladie : le domaine de la santé n’est pas épargné par les dérives sectaires.

Le secteur de la santé représente, à lui seul, un quart des signalements à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Des patients vulnérables

Le Dr Serge Blisko, président de la Miviludes explique que « Les dérives sectaires, dans le domaine de la santé, représentent près de 25 % de l’ensemble des quelque 2 000 signalements que nous reçus chaque année. »

Comment expliquer une telle situation ? « Il y a en France 15 millions de personnes en affection de longue durée, indique ce médecin. Ce sont des patients qui ont régulièrement des examens de contrôle, forcément angoissants et traumatisants, et qui, pour une bonne partie d’entre eux, subissent des traitements lourds, par exemple contre le VIH, le cancer ou encore la maladie de Parkinson. Ils sont très vulnérables. Et ils ont face à eux une médecine traditionnelle très technique et parfois froide. »

Selon lui, ces dérives seraient directement liées au développement des thérapies non conventionnelles. En effet, selon les chiffres de la Miviludes, quatre Français sur dix – dont 60 % de malades du cancer – ont recours aujourd’hui aux médecines dites « alternatives » ou « complémentaires ». Il existe en France, 400 pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique.

Dans ce domaine, il y a 1 800 structures d’enseignement ou de formation qui seraient « à risque », 4 000 « psychothérapeutes » qui ne sont inscrits sur aucun registre et n’ont suivi aucune formation et 3 000 médecins qui auraient un lien avec la mouvance sectaire…

« Attention, précise le médecin, nous ne sommes pas, par principe, contre l’homéopathie, l’acupuncture, l’ostéopathie, la chiropractie ou l’hypnose médicale, à condition que cela soit pratiqué par des professionnels de santé, afin qu’ils puissent évaluer et suivre médicalement la situation du patient. »

Comment les détecter ?

Comment reconnaitre une pratique potentiellement dangereuse ? Selon la Miviludes, il existe une dizaine de critères, parmi lesquels principalement :

  • l’emprise mentale, exercée par une personne qui dicte sa volonté
  • des exigences financières « exorbitantes »
  • une incitation à la rupture avec l’environnement, et plus particulièrement avec le milieu médical traditionnel

« C’est là où nous plaçons le vrai danger, insiste Serge Blisko. Tant qu’on vous fait prendre de la poudre de perlimpinpin, même si cela vous coûte cher, à la limite… Mais le drame, c’est que, dans les cas graves qu’on nous rapporte, on fait arrêter des traitements type chimiothérapie à des patients. Ou on les dissuade de commencer. Evidemment, les conséquences sont dramatiques. »

Pour l’entourage, la situation est également particulièrement difficile. « Il est très dur de raisonner un proche séduit par de telles pratiques, reconnait le médecin. Souvent, dans un premier temps, il y a un effet placebo, le malade se sent mieux… Et en plus, il a la volonté de lutter contre le système médical. » La solution serait alors de ne pas le braquer. « Mieux vaut lui dire : “Très bien, vas-y, tente avec cette personne. Mais parles-en d’abord à ton médecin traitant, pour t’assurer qu’il n’y a pas d’interactions”, dans le but d’éviter qu’il se coupe du milieu médical… Malheureusement, les moyens d’action sont limités. Sauf si c’est un mineur qui est mis en danger. Dans ce cas, il faut absolument alerter le juge des enfants. »

A savoir : la Mutualité Française et la Miviludes s’allient pour protéger les malades. En effet, elles ont signé une convention-cadre visant à mener des actions communes de prévention sur les dérives sectaires potentielles dans le domaine de la santé. L’accord prévoit la diffusion de documents d’information à destination du grand public et des réunions publiques.

Pour le Dr Serge Blisko, « l’information et la prévention sont l’un des moyens les plus efficaces pour sensibiliser le grand public et ainsi éviter les conséquences dommageables et parfois irrémédiables entraînées par ces méthodes de guérison trop belles pour être vraies ».

De son côté, Etienne Caniard, président de la Mutualité Française, affirme : « Il est essentiel d’informer sur les risques de dérives sectaires, à titre préventif, les patients qui voudraient se tourner vers une thérapie complémentaire, de façon à leur donner la possibilité d’avoir une démarche critique lors du choix d’un thérapeute. C’est tout l’enjeu de ce partenariat. »

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Par Virginie Plaut (pour l’ANPM)

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