Secret médical : quelles sont les règles à connaître ?

Publié le

Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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Le secret médical est un devoir qui s’impose aux professionnels de santé afin de protéger les informations médicales et la vie privée du patient. Ce socle de confiance peut être levé dans des cas strictement définis par la loi comme dans la lutte contre la pandémie de Covid-19.

Qu’entend-on par secret médical ?

Le secret médical est le socle de la relation de confiance qui lie le soignant et le soigné. Un professionnel de santé ne doit pas divulguer ce que lui communique son patient. Il en est de même avec ce qu’il voit, entend et comprend de ce patient.

Le secret médical couvre à la fois les informations médicales (diagnostic, résultat d’examens, etc.) et les données personnelles relatives à la vie privée de la personne soignée (coordonnées, profession...).

Il est défini à l’article L1110-4 du Code de la santé publique*. Les codes de déontologie des professions de médecins, d’infirmiers, de kinésithérapeutes-masseurs, ou encore de podologues-pédicures et psychomotriciens font également état de ce devoir.

Qui est concerné par le secret médical ?

Tous les professionnels de santé sont soumis au secret médical, qu’ils exercent en établissement hospitalier ou en cabinet de ville. Cela va du médecin au chirurgien, en passant par le kinésithérapeute ou encore le pharmacien. Le secret médical s’applique aussi aux personnes qui travaillent dans l’entourage des professionnels de santé.

C’est le cas par exemple du ou de la secrétaire qui tape des notifications d’actes médicaux. « Ce n’est pas un soignant pourtant cette personne est tenue au secret professionnel et peut être sanctionnée si elle ne le respecte pas », souligne Me Olivier Sautel, avocat, maitre de conférences et directeur du diplôme universitaire Droit et Santé à la faculté de droit de Montpellier.

Secret médical et Covid-19

La lutte contre l’épidémie fait partie des dérogations possibles au secret médical pour raison de santé publique. Les syndicats et le conseil national de l’Ordre des médecins ont approuvé le plan sanitaire gouvernemental engagé pour contrer le Covid-19, notamment en signalant les patients contaminés.

Le code de déontologie médicale indique dans son article R4127-12 que le médecin doit apporter son concours à l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l’éducation sanitaire. La collecte, l’enregistrement, le traitement et la transmission d’informations nominatives sont donc autorisés dans les conditions prévues par la loi.

La crise sanitaire a aussi précipité la transition numérique du monde de la santé en démocratisant notamment les consultations en visio, le télésuivi médical et l’utilisation des objets connectés. Cela ne va pas sans entraîner des risques de détournement de données médicales et personnelles.

Fin février 2021, le gouvernement a donc dévoilé son plan de stratégie nationale pour contrer la cyberdélinquance, dont la réserve d’une enveloppe d’un milliard d’euros pour renforcer la cybersécurité.

Quelle est la différence entre le secret médical et le secret professionnel ?

Il n’y en a aucune, si ce n’est que le secret médical est le nom donné au secret professionnel imposé au corps médical. « Historiquement, le secret médical a été le premier des secrets professionnels », indique le docteur Bernard Hœrni, professeur émérite de cancérologie à l’université de Bordeaux-Segalen et coauteur du livre Le secret médical : confidentialité et discrétion en médecine**.

La notion de secret en médecine est très ancienne. Elle remonte à l’Antiquité. Il y est fait référence dans les écrits du docteur et philosophe grec Hippocrate, père du serment que prêtent les médecins avant de commencer à exercer : « Tout ce que je verrai ou entendrai au cours du traitement, ou même en dehors du traitement, concernant la vie des gens, si cela ne doit pas être répété au dehors, je le tairai, considérant que de telles choses sont secrètes ».

Ce texte symbolique n’a aucune portée juridique à la différence de l’article 378 du code pénal de 1810 qui pose le fondement légal du secret médical et les sanctions liées à son non-respect. « Avant cela, on ne protégeait pas la vie privée. Il a fallu la Révolution, le Droits de l’Homme pour qu’elle soit reconnue et respectée », poursuit le professeur Hœrni.

Le code pénal réformé de 1994, qui fait foi à présent, ne parle plus de secret médical mais de secret professionnel dans son article 226-13***. Ainsi, sur le plan pénal, les médecins ne se distinguent plus des autres personnels de santé pas plus que des professionnels pour qui le secret s’impose (avocats, journalistes, religieux, etc.).

Les professionnels de santé peuvent-ils partager entre eux les informations sous secret médical d’un patient ?

Les membres de l’équipe médicale qui suivent le même patient peuvent s’échanger des informations à son sujet. On parle alors de secret partagé qui est régi par l’article L1110-4, alinéas 3 et 4, du Code de la santé publique. « La continuité des soins et la recherche d’une meilleure prise en charge thérapeutique induisent ce partage », souligne le professeur Bernard Hœrni.

L’échange d’informations entre professionnels de santé ne faisant pas partie de la même équipe de soins requiert au préalable le consentement du patient. De même lorsqu’il s’agit de partager ces informations entre professionnels de santé et non professionnels de santé.

Dans quels cas le secret médical peut-il être levé ?

Avec l’accord du patient, le médecin peut délivrer à la famille, ou à une personne de confiance, des données médicales en cas de diagnostic ou de pronostic graves.

On peut déroger au secret médical sur ordre de la loi (certificat d’internement, déclaration de naissance ou de décès…), pour des raisons de santé publique (lutte contre une épidémie, un fléau social comme la toxicomanie). Le secret médical doit être rompu pour signaler tout mauvais traitement envers un mineur ou une personne vulnérable (violences, privations, sévices…).

« Il existe en pratique d’autres cas de levée du secret médical, observe Me Olivier Sautel. Dans le sport de haut niveau comme le foot, l’état de santé des joueurs est révélé aux clubs qui les achètent qui exigent un grand nombre d’examens médicaux. »

Le secret médical s’applique-t-il toujours après le décès du patient ?

Le secret médical ne s’éteint pas à la mort du patient. La famille peut avoir accès aux informations dans la mesure où elles s’avèrent nécessaires pour faire valoir des droits, connaître les causes du décès, défendre la mémoire du défunt, excepté si ce dernier s’y est opposé avant de s’éteindre.

« L’affaire du Grand Secret, le livre du docteur Claude Gubler, médecin de François Mitterrand, est venue confirmer que le secret médical prévaut après le décès du patient », rappelle le professeur Hœrni. L’ouvrage sort dix jours après la mort de l’ancien Président de la République. Le médecin y révèle que l’homme politique avait connaissance de son cancer dès octobre 1981, peu de temps après son élection, alors que l’annonce officielle de sa maladie datait de 1992. Le livre sera interdit. Le docteur Gubler a été condamné pour violation du secret professionnel et radié de l’Ordre des médecins.

Toutefois, en mai 2004, observe Maître Sautel, « la Cour européenne des droits de l’homme, saisie par la maison d’édition qui a publié le livre, estimera que l’interdiction du livre aurait dû être levée après quelques mois au nom de la liberté d’expression et condamnera la France »

La Cour a jugé en effet que « plus la date du décès s’éloignait, plus la légitime émotion des proches du défunt perdait de son poids, plus l’intérêt public du débat lié à l’histoire des deux septennats du président Mitterrand l’emportait sur les impératifs du secret médical. » L’ouvrage sera donc à nouveau disponible en librairie.

Que faire en cas de violation du secret médical ?

Tout patient peut porter plainte s’il estime qu’un professionnel a violé son devoir de secret médical. Les tribunaux de droit commun sont compétents en l’espèce. On peut aussi saisir par courrier l’Ordre professionnel du soignant s’il en a un.

« On constate que peu d’affaires sont examinées par les tribunaux civils et pénaux », remarque Me Oliver Sautel. « Il y a plus d’enjeux à se tourner vers les Ordres. Ces derniers font face à une augmentation de dossiers à traiter consécutifs aux procédures de divorces ou aux conflits du monde du travail ».

En effet, dans ces cas de figure, les médecins peuvent être amenés à délivrer à leurs patients « des certificats médicaux ou à attester de certaines choses », documents pour lesquels ils peuvent être mis en cause devant leur Ordre.

*« Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et au secret des informations la concernant ».

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