Au Village Alzheimer, on apprend à vivre avec la maladie

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Par Solal Duchêne

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© S. Zambon-Dpt40

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Le Village Landais Alzheimer, près de Dax, accueille une centaine de patients atteints de cette maladie neurodégénérative. Ils y vivent presque « comme à la maison », entourés de professionnels de santé et de bénévoles.

C’est une grande bâtisse bardée de bois clair, au bord d’une route départementale. Un agent en contrôle l’entrée. Que protègent les portes menant au grand parc, qui ne s’ouvrent qu’avec une clé magnétique ? Une place de village, un salon de coiffure, une supérette et un café-restaurant. Au milieu, une fontaine et une aire de jeux pour enfants.

Le Village Landais Alzheimer, à quelques kilomètres de Dax, a ouvert ses portes aux premiers résidents en juin 2020. Ils sont aujourd’hui plus d’une centaine à y vivre de façon permanente, répartis dans 16 maisons. Tous sont atteints de la maladie d’Alzheimer, à des stades plus ou moins avancés. Cette maladie neurodégénérative se caractérise par des troubles de la mémoire, de l’orientation, et une perte progressive des facultés cognitives. Elle touche environ 900 000 personnes en France*.

Des soins centrés sur la personne

En promenade le long de l’étang, Christiane fait visiter le parc à son amie Hélène, qui lui rend visite tous les mois. La liberté d’aller et venir des patients est l’une des particularités du village. « Notre projet médical est centré sur la personne, explique le docteur Gaëlle Marie-Bailleul, psychogériatre et médecin référent du village Alzheimer. On fait le pari d’ʺoser le risqueʺ, et de protéger la qualité de vie des villageois ».

Le respect du rythme individuel du patient, ses besoins et ses envies a été érigé en principe fort par l’équipe médicale. « C’est à l’institution de s’adapter aux villageois et non l’inverse », expose la soignante. Une organisation souple s’est donc mise en place, sans heure de lever ni de coucher imposée aux habitants. Les soins, comme la douche, ne sont pas non plus forcés mais reportés, si le villageois s’y oppose. Objectif de la démarche : améliorer l’humeur et la prévention des troubles socio-comportementaux. « La maladie d’Alzheimer ne se soigne pas à l’heure actuelle, rappelle le docteur Marie-Bailleul. Nous cherchons au village une manière de vivre avec. »

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Une activité jardinage est proposée aux villageois qui le souhaite. Crédit photo : S. Zambon-Dpt40

Les patients comme à la maison

Dans cet espace sécurisé, un monde aussi proche que possible de la vie normale est proposé aux résidents. Exit donc les références hospitalières, comme les blouses blanches. Mais la centaine de professionnels médico-sociaux qui travaille sur le site n’est jamais loin, bien aidée par 80 bénévoles chargés d’animer la vie locale.

Au salon de coiffure, cet après-midi, Nathalie offre la galette. « Ce sont des moments de partage, qui ne durent pas longtemps mais qui sont très forts », sourit la coiffeuse, qui s’est installée dès l'ouverture du village. Dans l’intimité de son salon, les rires et les larmes se succèdent, parfois à quelques minutes d’intervalle. « La bienveillance fait partie de notre philosophie de soins, reprend le docteur Gaëlle Marie-Bailleul. Il ne s’agit pas de ramener les villageois dans la norme, mais de les rassurer et les accompagner dans la réalité qu’ils vivent ».

Préserver l’autonomie des villageois

Au milieu de la petite supérette, bien achalandée en produits secs, fruits frais et conserves, Albert fouille frénétiquement ses poches en quête de monnaie. Il tient à régler le kilo de raisins que Fred, un bénévole, vient de lui servir. Afin de préserver leurs acquis et leur autonomie, les villageois sont associés à un grand nombre de gestes du quotidien : mettre la table, couper les légumes, ou faire les commissions à l’épicerie du village.

Ici, les résidents ne paient pas leurs courses, comprises dans leur loyer. Mais la maladie le leur fait régulièrement oublier. « Notre but est d’éviter que le villageois se retrouve en situation d'échec, alors on trouve des subterfuges », explique Fred. Face à l’insistance d’Albert, ancien militaire bien campé dans son imperméable gris, le bénévole prétexte qu’une facture sera envoyée plus tard.

Marie-Hélène est aide-soignante au village. Ici, on les appelle les « maîtresses de maison ». Ce sont elles qui donnent le rythme de la journée, de la prise des médicaments à la préparation des repas, en passant par les soins. « Toujours en s’adaptant au résident, et en le laissant faire le plus possible », précise-t-elle. Dans sa carrière, Marie-Hélène a eu l’occasion de travailler dans de nombreux services de gériatrie. « Ici, c’est une toute autre façon de s’occuper de la personne. On apporte un soin vraiment global ».

Des études sur l’impact du village

Projet expérimental, le village Alzheimer s’est doté d’un centre de ressources et de recherche afin d’évaluer scientifiquement son activité. Pendant une période de 5 ans, la validité des soins apportés aux personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ainsi qu’à leur entourage est mesurée. « Nous espérons observer, par rapport à d’autres façons de faire, une baisse des syndromes dépressifs six mois après l’entrée dans l’établissement et un épuisement moindre des familles », déclare le docteur Marie-Balleuil.

En parallèle, un projet de recherche en partenariat avec l’Inserm vise à mesurer l’impact du village Alzheimer sur les patients, leur entourage et les professionnels de santé. Son but : déterminer si ce modèle pourrait devenir une alternative à l’EHPAD. Des entretiens avec des soignants, des résidents et leurs proches seront réalisés tous les six mois pendant quatre ans. Ils porteront sur leur qualité de vie, leur santé et leurs activités sociales. En parallèle, l’étude devra mesurer le ratio coût/efficacité de l’établissement. Des résultats intermédiaires de l’expérimentation devraient être publiés à la fin de l’année 2023.

*D’après l’Inserm (2019).

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