Bras bionique : un troisième patient français opéré en mars 2023

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Par Paola Da Silva

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Illustration
Nicolas Kraszewski, ici avec son ancienne prothèse, et le docteur Edward de Keating Hart, un des chirurgiens qui l’a opéré. ©Paola Da Silva © ©Paola Da Silva

Nicolas Kraszewski, 43 ans, a été opéré le 20 mars 2023 à la clinique Jules Verne de Nantes en vue de bénéficier, à terme, d’une prothèse de bras bionique. C’est le troisième patient en France sur lequel est réalisé ce type de chirurgie. Mais c’est la première fois que cette opération est réalisée sur une amputation à hauteur d’épaule.

Ils étaient trois à se relayer lundi 20 mars 2023 à la clinique Jules Verne de Nantes*. Le docteur Edward de Keating Hart, chirurgien de la main au sein de cette clinique, le Professeur Gunther Felmerer, chirurgien plasticien allemand et le docteur Jérôme Pierrart, chirurgien à la clinique de Coquelles près de Calais, ont opéré pendant plus de huit heures Nicolas Kraszewski, un patient de 43 ans originaire de la région de Blois. Victime d’un grave accident de moto en 2008, il a été amputé du bras et de la jambe gauches et porte depuis deux prothèses. L’opération qu’il vient de subir a pour objectif de lui permettre de bénéficier à terme, et après une longue rééducation, d’une prothèse de bras bionique qu’il pourra activer grâce à la pensée. Cette intervention est une première en France, puisque c’est la première fois que cette opération est réalisée sur une amputation aussi haute, au niveau de l’épaule.

Priscille Déborah : « Ma prothèse me change le quotidien »

Priscille Deborah a été la première patiente à avoir bénéficié d’une chirurgie TMR en 2018 au niveau de son avant-bras. Elle utilise désormais sa prothèse bionique au quotidien.
« J’ai été opérée en novembre 2018 à Nantes. J’ai pu me servir totalement de la prothèse bionique environ deux ans après. La rééducation a commencé trois mois après l’intervention, après la phase de cicatrisation. Habitant Albi, je me rendais à Nantes une semaine par mois spécialement pour cela. J’avais un protocole à suivre, qui devenait de plus en plus complexe au fil du temps, en fonction des progrès que je réalisais. Les gestes à faire demandaient de plus en plus de dextérité et de précision, et je devais apprendre à me servir d’objets de plus en plus fins. La commande de la prothèse est vraiment simple, même si je ne peux pas tout faire. Je peux ouvrir et fermer la main, tourner le poignet, déplier le coude… juste en y pensant. C’est intuitif et immédiat. Elle me change le quotidien, notamment pour conduire, cuisiner, et surtout, dans le cadre de mon activité d’artiste-peintre. Le seul bémol : son poids, trois kilos, qui pèsent sur le bras au bout d’un moment.
J’ai encore des contacts réguliers avec l’équipe qui m’a prise en charge. J’ai également rencontré Nicolas Kraszewski qui est venu passer quelques jours chez moi, et que j’ai appelé avant son opération. Il était important de le soutenir dans sa démarche. »

Le « candidat idéal » pour l’opération

C’est en découvrant sur les réseaux sociaux l’histoire de Priscille Deborah, première patiente en France à avoir bénéficié de ce type d’opération puis d’un bras bionique, que Nicolas Kraszewski a voulu tenter cette aventure. « Ça a été très, très vite, raconte Nicolas Kraszewski. J’ai vu un reportage sur Priscille Deborah sur les réseaux sociaux. J’ai décidé de la contacter dans la foulée, et une heure et demie après, j’avais pris rendez-vous à la clinique Jules Verne de Nantes ». La hauteur de son amputation, ses douleurs fantômes** persistantes depuis 2008 et sa motivation faisaient de lui le candidat idéal à cette opération longue et délicate. « Je le fais pour deux raisons : soulager mes crises de douleurs violentes liées à la sensation du membre fantôme, et, bien sûr, gagner en autonomie. Avoir juste à penser "bouger la main“ pour qu’elle bouge ».

Une chirurgie pour réactiver les nerfs

Cette troisième opération représente une nouvelle prouesse pour ces trois chirurgiens, qui ont déjà opéré deux patients au niveau du coude, en 2018 puis en 2021, en utilisant une technique dit de réinnervation musculaire ciblée (Targeted Muscle ReInnervation ou TMR en anglais). La TMR est une chirurgie qui consiste à réactiver des nerfs qui ne servaient plus et à isoler des muscles pour pouvoir positionner des électrodes dans l’emboîture de la prothèse et en contact avec la peau. Ces électrodes, doivent permettre au patient de retrouver des mouvements simultanés sans avoir à réfléchir à ce qu’il doit faire. « La greffe des nerfs, a été plus compliquée à réaliser que lors des deux précédentes opérations, détaille le docteur Edward de Keating Hart. Néanmoins, nous espérons aussi obtenir un meilleur résultat car nous pourrons poser plus d’électrodes que dans les deux précédents cas. » Parallèlement, l’opération, en réactivant ces nerfs, va restaurer un circuit neuronal normal qui va diminuer les douleurs fantômes. « Ces douleurs sont en effet dues au fait que le cerveau ne comprend pas pourquoi il n’y a plus de nerfs », précise le docteur de Keating Hart.

Retrouver une vie plus normale

C’est désormais un travail de longue haleine qui attend Nicolas Kraszewski. Il débutera la phase de rééducation environ trois mois après l’intervention, le temps nécessaire à la cicatrisation. « La rééducation devrait durer environ deux ans, indique le docteur de Keating Hart. Elle a pour but de permettre au patient de « remuscler son cerveau » et de l’entraîner de nouveau à utiliser ces nerfs. » Pour cela, Nicolas Kraszewski devra notamment mentaliser les gestes pour réussir à les refaire plus tard. Il devrait faire ses premiers essais avec la prothèse bionique au bout d’une période de six mois à un an. « J’ai hâte de tester tout ce que je vais pouvoir faire avec, confie Nicolas Kraszewski. J’aime sortir, faire la fête, assister à des concerts. J’espère retrouver une vie encore plus normale grâce au port de cette prothèse. »

Un financement à trouver

Reste la question problématique du financement de la prothèse bionique, actuellement non remboursée. Son coût est estimé à 234 000 €. Si Priscille Deborah avait réussi à entièrement faire couvrir le prix de la sienne, le second patient opéré a renoncé à sa prothèse, faute de moyens. « J’espère faire financer la plus grande partie de la prothèse par des actions de crowdfunding ou par des dons, indique Nicolas Kraszewski. En me faisant opérer, j’espère également faire connaître cette technique pour ouvrir la voie à d’autres patients, et que, plus tard, les prothèses puissent être mieux prises en charge ».

*Membre du Groupe VYV
**Une douleur fantôme est une douleur qui donne l’impression de provenir d’une partie du corps qui n’existe plus suite à une amputation.

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