Cancer ORL : un vaccin sur mesure pour chaque patient

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Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© Transgene

Le 15 janvier 2021, un vaccin individualisé a été administré à un patient atteint d’un cancer de la tête et du cou à l’Institut universitaire du cancer Toulouse Oncopole. Ce traitement, en vue d’éviter la rechute, est une première en Europe. C’est aussi une prouesse technologique accomplie par Transgene, société alsacienne de biotechnologie.

Vendredi 15 janvier 2021. Le ministère de la Santé annonce que plus d’un million de rendez-vous sont pris en amont de l’ouverture de la vaccination contre le Covid-19 fixée au lundi suivant. Au même moment, à l’Institut universitaire du cancer Toulouse Oncopole (IUCT-Oncopole), il est aussi question de vaccin. Beaucoup moins médiatisé mais tout aussi attendu que celui administré contre le Sars-CoV-2 puisqu’il s’agit de la première injection thérapeutique individualisée réalisée au niveau européen dans le traitement du cancer ORL (cancer de la tête et du cou qui se développe dans l’un des organes qui forment les voies aérodigestives supérieures : bouche, gorge…). 

Un vaccin adapté aux caractéristiques de la tumeur du patient 

Inoculé dans le cadre d’un essai clinique de phase 1*, ce vaccin entend armer le système immunitaire du patient atteint d’un cancer de la tête et du cou face à une possible rechute. Baptisé TG4050, il est fabriqué sur mesure pour le malade car il cible les caractéristiques génétiques de la tumeur dont ce dernier est affecté. De surcroît, il a été mis au point en un temps record. C’est ce qu’explique Éric Quéméneur, directeur scientifique de Transgene**, la société alsacienne de biotechnologie à l’origine de cette prouesse technologique : «  Des opérations de séquençage du génome de la tumeur à la livraison du produit à l’Oncopole, nous sommes allés à une vitesse jamais égalée, soit une quinzaine de semaines ». Le vaccin individualisé représente une avancée majeure pour la médecine de précision. Il répond au principe de l’immunothérapie. « Il s’agit de réveiller le système immunitaire du patient pour qu’il puisse reconnaître la tumeur qui était passée sous le radar », poursuit Éric Quéméneur. Le patient consentant reçoit dans son système immunitaire une sorte d’outil sur mesure de « reconnaissance faciale » pour identifier les cellules cancéreuses et ainsi déclencher une réaction de défense. 

Un concentré immunologique propre à chaque malade 

Le procédé implique des technologies de pointe dont le séquençage et l’analyse rapide
de la totalité de l’ADN de la tumeur et de l’ADN des cellules saines du malade. « Les causes et les conséquences des cancers sont consécutives aux mutations de l’ADN », rappelle le professeur Jean-Pierre Delord, directeur général de l’IUCT-Oncopole. «Ces mutations fabriquent de nouveaux antigènes, ou néoantigènes, protéines différentes des protéines normales contre lesquelles le système immunitaire peut se défendre. » Face au cancer, l’organisme du malade ne remplit plus cette mission. Chaque tumeur a son propre profil biologique. Afin de produire un vaccin propre au patient, on séquence son ADN. « L’ensemble des mutations accumulées pendant le développement du cancer est identifié », observe le professeur Jean-Pierre Delord. Les antigènes spécifiques au malade sont sélectionnés grâce à des modèles d’intelligence artificielle extrêmement sophistiqués. « Le vaccin produit est un concentré immunologique propre à chaque malade », ajoute Éric Quéméneur, de Transgene. 

Un vaccin fabriqué en trois à quatre mois 

Le vaccin thérapeutique individualisé s’adresse à des patients volontaires « qui ont un cancer sans métastases, avec toutefois un fort risque de récidive, que l’on a pu suffisamment analyser pour leur proposer une vaccination qui corresponde à leur maladie », précise le professeur Delord. Avant la vaccination, le patient est opéré et a suivi des séances de radiothérapie. Et l’oncologue de remarquer : «  L’intervention chirurgicale subie est particulièrement complexe et la radiothérapie sur les lésions concernées doit être précise et prudente ». La révolution technologique de la vaccination individualisée réside dans le fait que « c’est dans ce temps de traitement, avant toute potentielle récidive, l’espace de ce qu’on appelle la fenêtre d’opportunité, c’est-à-dire de trois à quatre mois, que l’on fabrique le vaccin ». Le directeur général de l’IUCT-Oncopole espère pouvoir vacciner une vingtaine de patients d’ici la fin de l’année 2021. Les mois qui viennent vont être cruciaux pour prouver que le vaccin individualisé apporte une réponse immunitaire efficace. Un temps toutefois incompressible. « Dans le cas d’une infection, on est fixé en quelques jours. Pour un cancer, cela se compte en années. »

Immunothérapie : d’autres avancées manquantes

Autre approche de l’immunothérapie dans le cadre de la recherche contre le cancer, les CAR-T cells (cellules T à récepteur antigénique chimérique) sont aussi une avancée marquante dans le soin de certaines leucémies et lymphomes. Elles impliquent la modification génétique des lymphocytes T, globules blancs qui jouent un rôle majeur au sein du système immunitaire du patient. En effet, ce sont eux qui détruisent toutes les cellules étrangères à l’organisme (cancer, virus…). Améliorés et multipliés, ils vont pouvoir reconnaître et éliminer les cellules cancéreuses. Les anticorps bispécifiques donnent également beaucoup d’espoir au corps médical. Ces protéines sont manipulées de telle sorte que chacun de leurs deux bras puisse se lier à un antigène différent. En l’espèce, il s’agit de lier une cellule cancéreuse et un lymphocyte T, capable de la détruire.

* Les essais cliniques comprennent quatre étapes. La première est en général menée sur un nombre limité de patients, volontaires, sous strict contrôle médical. L’essai clinique du TG4050 pour les cancers ORL associe également l’Institut Curie à Paris. 

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