Endométriose : quelles sont les nouvelles pistes de recherche ?

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Par Victoire N’Sondé

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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Des femmes et des scientifiques hommes et femmes s'interrogent autour du système reproductif féminin © Getty Images

Décrire comment se développe l’endométriose, prédire son évolution… En France, des programmes de recherche prometteurs s’engagent pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans cette maladie qui reste difficile à cerner, même pour les scientifiques.

A l’occasion d’une table ronde organisée le 1er mars 2023 par la mutuelle la MGEN sur le thème « Endométriose : de quoi parle-t-on et où on est la recherche ? », les intervenants ont dressé un état des lieux des connaissances et présenté les travaux qu’ils mènent autour de cette pathologie.

Retour sur les messages les plus marquants communiqués par ces experts alors que s'ouvre la Semaine européenne de prévention et d'information sur l'endométriose.

Douleurs, lésions, infertilité…des symptômes imprévisibles

L’endométriose est une maladie gynécologique inflammatoire et chronique qui touche près d’une femme sur dix. Elle se caractérise par la présence, hors de la cavité utérine, de tissu semblable à celui de la muqueuse de l’utérus (appelée l’endomètre).

« L’endométriose est une maladie imprévisible, précise le Dr Eric Hermouet, gynécologue obstétricien clinicien. Certaines femmes ne ressentent pas de douleurs mais sont atteintes de formes graves destructrices d’organes comme le rein. D’autres souffrent de douleurs importantes mais ne présentent que de petites lésions. Des femmes concernées par l’endométriose rencontrent des problèmes d’infertilité, d’autres non. »

Les règles à l’origine de la pathologie

Les mécanismes qui conduisent au développement de cette pathologie restent méconnus. C’est justement l’objet des travaux que mènent Ludivine Doridot, chercheuse à l’Inserm(1), qui travaille dans une équipe basée à l’Institut Cochin, à Paris. « Nous pensons qu’il y a un lien avec les règles. Pendant les règles, une partie des cellules endométriales se retrouvent dans le bas ventre en passant par les trompes. Mais nous ne comprenons pas pourquoi ces cellules ne sont pas éliminées ».

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Eric Hermouet, Cécile Réal et Ludivine Doridot à la table ronde MGEN sur l'endométriose

Eric Hermouet, Cécile Réal et Ludivine Doridot à la table ronde MGEN sur l'endométriose

Une évolution des troubles difficile à prédire

Autre champ d’investigation pour la chercheuse : comprendre comment s’installe l’inflammation chronique qui caractérise cette maladie. « Nous n’en sommes encore qu’au tout début. Mais nous avons déjà observé que, dans cette maladie, les cellules endométriales comme les cellules immunitaires -les cellules chargées de défendre l’organisme contre les infections- sont modifiées », indique la chercheuse.

Ludivine Doridot tente également de développer des outils pour mieux prédire l’évolution de l’endométriose d’une femme à l’autre. « Une femme sur trois voit ses douleurs augmenter avec le temps. Comment identifier les femmes qui vont connaître cette évolution ? Aujourd’hui, on ne sait pas le prédire. ».
Au sein de la start-up Endodiag, on travaille dans la même direction. « Nous voulons réussir à mieux qualifier l’endométriose pour savoir si elle sera évolutive, s’il y aura une infertilité, etc. », confirme Cécile Réal, sa co-fondatrice et présidente.

Un test de diagnostic sanguin en cours de développement

L’autre projet d’Endodiag relève davantage de la recherche appliquée. La start-up développe en effet un test qui permettrait de poser le diagnostic d’endométriose à partir d’une simple prise de sang, c'est-à-dire de manière non invasive. Mais difficile pour l’heure de savoir quand ce test sera disponible. « Nous avons encore besoin de mener des études cliniques à grande échelle pour valider notre test », reconnaît Cécile Réal.

Un modèle de « mini-utérus » pour évaluer des candidats-médicaments

La recherche médicale sur l’endométriose pâtit aussi de l’absence de bons modèles qui mimeraient la maladie chez l’animal. Ludivine Doridot bénéficie justement d’un financement européen pour développer des solutions alternatives. « Dans notre modèle, nous récupérons du sang des règles pour créer des mini-utérus en 3D sur des boites de pétris [les boites de pétris étant des boites cylindriques utilisés en biologie pour mettre en culture des cellules, des micro-organismes, etc.] ».
L’intérêt de ce modèle vient du fait qu’il s’appuie sur des cellules humaines, insiste la chercheuse qui affiche de réelles ambitions. A terme, l’objectif visé est de tester l’efficacité de candidats médicaments dans de futurs essais cliniques, conclut-elle.

La recherche, au cœur de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose

Depuis février 2022, une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose a vu le jour.

« Renforcer la recherche » constitue l’une des trois priorités d’action de cette stratégie. Pour se faire, l’Etat veut s’appuyer sur six cohortes (2) de patientes déjà existantes en France pour en faire « la plus grande base au monde de données épidémiologique sur l’endométriose ». Un programme d’investissements massif de 20 millions d’euros sur cinq ans a été annoncé.

Deux autres priorités ont été énoncées lors du lancement de cette stratégie nationale :
- Améliorer l’offre de soins, par la mise en place de « filières territoriales spécifiques dans chaque région ».
- Accroitre la connaissance de l’endométriose, parmi les professionnels de santé comme auprès de l’ensemble de la société.

(1) Institut national de la santé et de la recherche médicale
(2) Une cohorte est un groupe de personnes sélectionnées sur un certain nombre de critères et suivies sur le long terme dans le cadre d’une étude scientifique pour observer, au cours du temps, la survenue de certaines maladies.

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