La santé connectée en 5 questions

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Par Angélique Pineau

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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Applications, montre, balance, bracelet… La e-santé fait désormais partie de notre quotidien. Mais elle suscite aussi quelques interrogations.

Qu’est-ce que la santé connectée ?

C’est l’utilisation des nouvelles technologies pour améliorer sa santé, selon la définition du Guide de la santé connectée. Elles peuvent en effet faciliter l’accès aux soins et permettent à leurs utilisateurs une prise en charge personnalisée en matière de prévention ou de soins médicaux. « La e-santé peut aider une personne à mieux comprendre ce qui se passe au niveau de son organisme », précise le Dr Alain Scheimann, auteur de Mieux vivre la santé connectée*.

Comme il le rappelle dans son livre, la santé connectée regroupe à la fois :

  • les objets que l’on porte sur soi (« wearables » en anglais) : montres, bracelets, ceintures…
  • les objets utilisés ponctuellement qui transmettent des informations à une application ou à un serveur : lecteur de glycémie, tensiomètre…
  • les applications à télécharger sur smartphone que l’on nomme aussi m-santé (pour « mobile santé »).

* Ce livre se présente comme un guide pratique pour les personnes qui se posent des questions sur la santé connectée. Il a été publié en 2017 aux éditions In Press (collection Questions de patients).

Ces objets et ces applis sont-ils vraiment utiles ?

Contrairement aux idées reçues, les applications santé et les objets connectés ne sont pas que des gadgets hors de prix. Ils ne s’adressent pas non plus qu’aux personnes en bonne santé qui prennent déjà soin d’elles. En plus de données importantes comme l’activité sportive ou le sommeil, de plus en plus de capteurs permettent de mesurer les paramètres vitaux. « C’est vrai pour la fréquence respiratoire, le pouls, le taux de sucre ou encore la tension artérielle par exemple, indique le Dr Scheimann. Des paramètres qu’il est important de contrôler régulièrement dans certaines maladies. Et depuis quelques années, ces capteurs se démocratisent en termes de prix. »

Endocrinologue, diabétologue et nutritionniste, Alain Scheimann a intégré la santé connectée dans sa pratique médicale. Depuis plus de deux ans, il prescrit des applications et des objets connectés à ses patients lorsqu’il le juge nécessaire. Soit pour prévenir l’apparition de maladies chroniques soit pour accompagner un traitement. « Pour les personnes déjà malades, ces outils permettent en effet de suivre l’évolution de leur pathologie. Elles peuvent ainsi être plus autonomes dans sa prise en charge au quotidien. Cela leur donne la possibilité de vérifier la pertinence de mes conseils ou de mes prescriptions en constatant les résultats par eux-mêmes. »

Certains de ses patients se montrent sceptiques au départ quant à leur réelle utilité. Il leur propose alors de faire un essai sur une courte période. « Par exemple, s’ils utilisent un podomètre sur leur smartphone pendant une semaine, ils vont pouvoir se rendre compte du nombre de pas réel qu’ils font. Souvent bien différent de ce qu’ils imaginent. Et ils vont prendre conscience que ce n’est pas assez. » Un déclic qui peut leur donner envie de changer leurs habitudes plus durablement.

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Médecin généraliste, le Dr Couhet utilise les objets connectés avec ses patients. Il est aussi le fondateur de l’association Connected Doctors.

Les mesures de ces outils sont-elles fiables ?

Le Dr Alain Scheimann constate que la fiabilité des objets connectés s’améliore. Mais tous ne doivent pas être considérés de la même façon selon lui. « Certains d’entre eux sont des dispositifs médicaux, c’est-à-dire qu’ils sont agréés. Ils ont fait l’objet de tests, de contrôles, et portent un logo CE (pour Communauté européenne). Leurs données sont donc a priori fiables. » Cependant, tous les objets connectés ne sont pas des dispositifs à usage médical. Un podomètre ou un bracelet d’activité physique n’en sont pas par exemple. Et il arrive souvent que le comptage du nombre de pas soit différent d’un appareil à l’autre.

« Il faut prendre un peu de recul et se dire que, dans le cas présent, cet écart n’est pas vital. Ce qui compte surtout, c’est de progresser dans son activité physique. C’est la même chose pour les balances connectées. Il faut en avoir un usage raisonné. Cela ne sert à rien de se peser toutes les semaines si, par ailleurs, vous ne changez pas votre comportement alimentaire et n’augmentez pas votre activité physique. Ces objets sont plus là pour vous accompagner. »

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De jeunes entreprises investissent le champ de la santé. Elles apportent des innovations à la fois utiles aux patients et aux médecins.

Et quel est le rôle du médecin ?

Les objets connectés permettent de recueillir des données sur son organisme ou sur son mode de vie. Certaines applications font des analyses de ces mesures. Et, à l’aide d’algorithmes, elles peuvent donner directement des conseils pour améliorer son hygiène de vie. « Mais c’est plutôt destiné aux personnes en bonne santé, estime le Dr Alain Scheimann. En revanche, si vous êtes malade, les données collectées sont importantes dans le suivi de votre pathologie. Et elles doivent être analysées par un expert. »

Il est toujours possible de les envoyer à son médecin. Encore faut-il qu’il accepte de les regarder. « Car c’est chronophage et ce temps n’est pas rémunéré. Et puis, cela peut l’engager du point de vue de la responsabilité. Malgré tout, de plus en plus de professionnels de santé sont convaincus de la pertinence de ces nouveaux outils numériques. » Il existe aussi des plateformes qui peuvent faire ce travail d’analyse des données. C’est le cas par exemple de Sophia pour les personnes diabétiques et asthmatiques. Un dispositif d’accompagnement qui a été mis en place par l’Assurance maladie.

Dans tous les cas, et même quand il s’agit de dispositifs médicaux, les objets connectés ne remplacent pas la consultation médicale. « Ils favorisent plutôt la communication entre le patient et son médecin », assure le Dr Scheimann.

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Notre article sur ce service créé par l’Assurance maladie. Son but ? Aider les patients concernés à être acteurs de leur santé.

Quid de la protection des données de santé ?

En dehors de la fiabilité des outils, la santé connectée suscite aussi des craintes quant à l’utilisation qui pourrait être faite des données recueillies sur la personne et son environnement. Car elles sont hébergées sur le serveur internet du fabricant.

Mais les objets connectés et les applications santé sont soumis au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles, dont le cadre légal est défini par la Directive européenne 95/46/CE, comme le rappelle le guide de la santé connectée. Les informations relatives à la santé sont classées parmi les données dites « sensibles ». « Et la loi européenne interdit de traiter et de collecter ce type de données sauf en cas de consentement "exprès" de la personne concernée. La loi française impose des règles de sécurité supplémentaires pour les données dites "de santé". »

Pour le Dr Alain Scheimann, il existe toujours un risque. « À partir du moment où vous donnez accès à des informations, elles pourraient être exploitées par des personnes mal intentionnées. Maintenant, quand vous donnez votre code de carte bancaire par téléphone ou via internet, vous vous exposez là aussi à ce qu’il soit piraté. Et cela me paraît peut-être plus dangereux que de savoir que vous mangez telle ou telle chose, que vous bougez de telle façon ou que vous preniez tel médicament. »

Ce médecin, adepte de la e-santé, conseille à ceux qui sont inquiets de vérifier le type d’hébergement d’un objet connecté ou d’une application*. « Dans l’idéal, il faut que ce soit un hébergeur santé français agréé. S’il est situé à l’étranger, aux États-Unis par exemple, la commercialisation des données personnelles n’est pas aussi réglementée qu’en France. Mais même s’il existe des risques d’exploitation des données, ils me paraissent bien moindres par rapport aux bénéfices certainement très importants de la santé connectée. »

* En général, l’hébergeur est mentionné dans les mentions légales d’un site, d’une application.

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