L’intelligence artificielle révolutionne la santé

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Par Émilie Gilmer

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Conduire notre voiture, réserver nos vacances, donner la parole à notre smartphone… L’intelligence artificielle est partout ! Mais, côté́ santé, quels sont aujourd’hui ses bénéfices ? Décryptage.

Qui m’accueillera demain à l’hôpital ? Un médecin ou un robot ? Qui établira mon diagnostic ? Qui m’opérera ? Autant de questions que nous nous posons tous ! Certes, l’intelligence artificielle n’en est qu’à ses débuts, mais certaines applications font déjà des prouesses.

« On voit émerger des solutions – notamment pour la lecture des scanners ou des IRM – où la machine est plus performante que l’homme pour détecter des anomalies, indique Arnaud Depil-Duval, chef des urgences de l’hôpital d’Évreux. Les perspectives de développement sont immenses et vont modifier profondément notre façon de travailler avec nos patients. »

Pour Dominique Polton, présidente de l’Institut national des données de santé (INDS), les enjeux sont clairs : « Côté patient, le diagnostic sera plus sûr et les choix thérapeutiques encore plus adaptés à chaque cas. Côté soignant, le gain de temps lié à la réalisation par des machines de tâches complexes ou au contraire très répétitives sera sans aucun doute important. Nous allons pouvoir dégager du temps pour être plus proches de nos patients et ainsi améliorer la qualité des soins. »

L’intelligence artificielle, c’est quoi ?

« L’intelligence artificielle est une science dont le but est de faire réaliser par une machine des tâches que l’homme accomplit en utilisant son intelligence », explique Dominique Polton. Le terme « intelligence artificielle » apparaît pour la première fois en 1956 lors d’un colloque scientifique aux États-Unis qui réunit notamment les chercheurs John McCarthy et Marvin Minsky, considérés comme les pionniers de la discipline. Leur objectif : créer une machine capable de mimer l’activité du cerveau pour apprendre, mémoriser, calculer, déduire, percevoir, traduire…

Un diagnostic plus rapide

En France, plusieurs start-up associant intelligence artificielle (IA) et médecine se démarquent déjà. Cardiologs a ainsi développé une IA capable de repérer un trouble du rythme cardiaque sur un électrocardiogramme (ECG). Et de prévenir, notamment, un AVC (accident vasculaire cérébral). « Le logiciel a été entraîné à partir d’une base de données de 600 000 ECG, explique Laurent Fiorina, cardiologue à l’Institut cardiovasculaire Paris Sud. C’est un peu comme si on demandait son avis à un expert qui aurait 600 000 exemples gravés en mémoire. » Le diagnostic, plus précoce et plus fiable, permet de s’orienter rapidement vers le bon traitement.

Le domaine cardiovasculaire n’est pas le seul à profiter de la puissance de l’IA. La cancérologie est aussi concernée avec différentes solutions aujourd’hui en phases très avancées de recherche. iBiopsy, actuellement en test clinique dans les services de l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, est ainsi capable, par exemple, de repérer sur une radiographie des éléments indétectables à l’œil nu. Avec ces informations, le suivi de la progression du cancer est beaucoup plus précis. Et à l’Institut Gustave-Roussy, des médecins-chercheurs(1) ont annoncé durant l’été 2018 avoir mis au point un logiciel (actuellement en test) capable de prédire la réponse d’un patient à une immunothérapie, via l’analyse d’un simple scanner.

Des patients mieux accompagnés

De façon encore plus pratique, les « assistants virtuels » se multiplient. L’application mobile Helpicto, par exemple, traduit les mots prononcés en images : indispensable pour permettre à certains patients autistes ou atteints de la maladie d’Alzheimer de comprendre ce que dit leur entourage.

Quant à l’intelligence artificielle Vik Sein(2), elle répond à toutes les questions des femmes atteintes d’un cancer du sein… De façon encore plus proche et quotidienne, Nao est un robot compagnon de 58 cm, déjà présent dans plusieurs Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Petit bijou technologique, il se déplace tout seul et peut dialoguer avec les personnes âgées. Et il faudra bientôt compter avec Roméo, en cours de développement, qui devrait marquer une nouvelle étape : « Il sera capable d’aller chercher un verre dans un placard ou d’aider quelqu’un à marcher, s’enthousiasme Arnaud Depil-Duval. Le personnel médical aura plus de temps à consacrer aux soins et à l’écoute des patients. »

 

Quel impact en chirurgie ?

Au bloc aussi, les choses bougent. Logiciels de simulation, aide à la navigation dans la zone à opérer, la chirurgie assistée par ordinateur est en plein essor et révolutionne déjà les blocs opératoires.

A l’Institut Paoli-Calmettes, à Marseille, le professeur Gilles Houvenaeghel (chirurgie générale) opère depuis plusieurs années à l’aide de deux robots chirurgiens ultraperformants le Da Vinci et le Da Vinci Xi(3) : « Le chirurgien est assis à une console et manipule des bras articulés grâce à une vision en 3D, explique-t-il. Or, ces bras ont une précision et une maniabilité plus grandes que celles du chirurgien, c’est pourquoi nous pouvons réaliser de plus petites ouvertures. Pour le patient, cela signifie moins de douleurs, moins de saignements, une cicatrice plus petite et une récupération beaucoup plus rapide. »

Une technologie qui demain, avec une IA encore plus développée, pourra aller plus loin. « On peut ainsi imaginer un guidage du chirurgien pendant l’opération. Et peut-être même une autonomie de la machine pour certains gestes simples et ciblés comme la reconnexion entre deux vaisseaux sanguins par exemple. » Ce n’est en effet qu’un début...

(1) Associés à des chercheurs de CentraleSupélec, l’Inserm, l’université Paris-Sud et TheraPanacea.
(2) Accessible sur un réseau social de messagerie instantanée.
(3) Cette technologie de pointe est utilisée dans une cinquantaine de centres en France, notamment pour des cancers gynécologiques, mammaires, digestifs, urologiques.

Rapport Villani, des pistes pour transformer l’essai

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©Assemblée nationale-2018

Mandaté par Emmanuel Macron, le mathématicien et député Cédric Villani a rendu public son rapport sur l’intelligence artificielle le 28 mars dernier. La santé y figure parmi les secteurs prioritaires où la France doit concentrer ses efforts, notamment en facilitant le travail de la Recherche. Il rappelle à ce propos que l’intelligence artificielle a besoin de croiser de très nombreuses données médicales pour développer ses capacités (à reconnaître une pathologie, par exemple).

Cédric Villani – qui est par ailleurs le coauteur d’un livre sorti en octobre aux éditions du CNRS Santé et Intelligence Artificielle – propose alors d’imaginer des « procédures d’accès aux données plus fluides ». En utilisant, par exemple, le Dossier médical partagé (DMP) pour en faire « un espace sécurisé où les individus pourraient stocker leurs données et en autoriser le partage avec d’autres acteurs (médecins, chercheurs) » ... De quoi impliquer les patients dans la production d’informations utiles. Et, par là, faire émerger une médecine personnalisée, prédictive, mais aussi... participative.

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