Paraplégie : quels sont les espoirs de remarcher ?

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Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© Getty Images

La moelle épinière transmet les informations du cerveau au corps. Endommagée, elle peut conduire à la paralysie des quatre membres (tétraplégie) ou des jambes (paraplégie). Mais grâce à la neurostimulation et à la robotique, certains patients parviennent à se remettre à la marche.

Une équipe de chercheurs basée à Lausanne, dont fait partie le neuroscientifique français Grégoire Courtine, a récemment mis au point une expérimentation qui a permis à trois patients paraplégiques de remarcher. La technique employée, la (neuro)stimulation médullaire, consiste à implanter des électrodes pour stimuler la moelle épinière lésée.

Ce dispositif n’est pas nouveau. Il est utilisé aux États-Unis depuis les années 70. Mais la technologie développée par l’équipe suisse est une avancée pour la recherche sur la moelle épinière car elle se focalise avant tout sur le rétablissement du mouvement de la marche. Les électrodes adaptées au patient permettent d’accéder à plus de muscles.

« C’est à saluer même si ce n’est encore qu’au stade d’essais cliniques. La marche est un processus très complexe qui sollicite tout le cerveau. Il a fallu des millions d’années d’évolution pour que l’homme passe à la position debout et à un pas assuré », souligne le professeur Pierre-François Pradat, neurologue et président de l’Institut pour la recherche sur la moelle épinière et l’encéphale (IRME).

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Légende : En 2019, l’hôpital Renée Sabran se dote d’un exosquelette qui permet la marche à l’extérieur, ce qui n’est pas le cas avec tous les modèles. ©DR

La stimulation médullaire pour traiter la douleur

La stimulation médullaire, pratiquée en France, est un acte chirurgical peu invasif qui consiste à implanter des électrodes afin d’atténuer les douleurs consécutives au traumatisme médullaire. Un faible courant électrique est délivré à la surface de la moelle épinière pour empêcher que le signal de la douleur n’atteigne le cerveau du patient.

« Les électrodes ne sont pas posées dans la moelle car c’est trop dangereux mais contre la moelle », précise le professeur Pradat. « Des travaux suggèrent que ce procédé est efficace sur d’autres symptômes liés au traumatisme médullaire dont la motricité. » La récupération fonctionnelle des membres inférieurs pourrait donc être possible. « Cette probabilité doit toutefois être confirmée par d’autres études protocolaires. Il faut rester prudent. »

La (neuro)stimulation médullaire n’est pas pratiquée partout. « Les techniques actuelles doivent être développées pour une meilleure plasticité de la moelle épinière », remarque le président de l’IRME. À cela s’ajoute le manque de moyens et de structures. « L’acte nécessite l’intervention de spécialistes et surtout une rééducation soutenue et au long cours assurée par peu de centres. »

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Légende : IRM d’une lésion cervicale (C4-C5) pour laquelle le patient a bénéficié de matériel de stimulation. ©DR

La marche n’est qu’un aspect des conséquences de la paraplégie

Le docteur Hubert Tournebise est le chef du service de médecine physique et réadaptation de l’hôpital Renée Sabran* à Hyères, dans le Var. Il dirige une unité paraplégie référente dans le sud-est de la France. 26 lits sont réservés aux blessés médullaires. « L’atteinte de la marche n’est qu’un aspect des problèmes qui caractérisent la paraplégie. Les patients souffrent de troubles sexuels, d’incontinence… Ils doivent être sondés pour uriner. »

Le médecin insiste sur la complexité des situations. « Les atteintes de la moelle épinière peuvent être complètes. Le patient n’a plus de sensibilité ni de motricité mais la douleur peut être présente et pesante. » En cas d’atteinte incomplète, le patient va garder une certaine motricité et sensibilité. « Il pourra peut-être progressivement récupérer la marche. »

Un espoir avec les exosquelettes

La robotique, déclinée sous la forme d’exosquelettes, permet aux personnes paraplégiques de reprendre la marche. Dans le service du docteur Tournebise, ces armatures sont utilisées pour la rééducation des patients. Elles sont dotées de moteurs qui font bouger les jambes, fléchir les hanches…

Les premiers modèles faisaient tout à la place du patient. « La nouvelle génération dispose d’une assistance réglable. On peut l’utiliser dans les cas d’une mobilité en partie préservée », observe le médecin. L’exosquelette permet de travailler plus rapidement les schémas moteurs, la plasticité des neurones. « Il favorise de nouvelles connexions. » La remise à la marche est plus précoce. « On diminue l’assistance jusqu’à ce que le patient puisse faire ses pas sans le dispositif. »

Les prototypes restent lourds et encombrants, ce qui limite leur commercialisation pour un usage particulier et quotidien. Et le professeur Pradat d’ajouter : « Leur marche est robotisée même si de nombreux progrès sont faits pour l’affiner. La machine peut battre l’homme aux échecs; or, elle n’est pas encore capable de simuler parfaitement la marche humaine ».

*L’hôpital Renée Sabran fait partie des Hospices Civils de Lyon.

La transplantation de cellules souches

La recherche planche sur la transplantation de cellules souches dans le traitement des lésions de la moelle épinière. « Les protocoles chez l’homme sont naissants », observe le professeur Pierre-François Pradat, président de l’Institut pour la recherche sur la moelle épinière et l’encéphale. Les cellules sont prélevées sur le patient au niveau de la moelle osseuse ou de la peau.

Transplantées, elles réparent les régions lésées de la moelle épinière. « Elles vont récréer des circuits qui vont faire comme des ponts », poursuit le neurologue. On ignore quel degré de restauration fonctionnelle peut être obtenu avec ces traitements encore à l’essai. Le professeur Pradat met en garde : « Il ne faut pas céder aux sirènes des cliniques à l’étranger qui proposent ce genre de traitement pour une fortune. Rien n’est encore certain ».

*L’hôpital Renée Sabran fait partie des Hospices Civils de Lyon.

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