En santé, l’intelligence peut-elle être artificielle ?

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Par Jacques Linard

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© Xijian/Getty Images

Il ne se passe pas une semaine sans que l’on parle de l’intelligence artificielle et de ses applications dans notre vie quotidienne. Des perspectives qui suscitent espoirs et angoisses. Le Conseil de l’Ordre des médecins s’est saisi du sujet.

L’humain sera-t-il un jour remplacé par la machine ? Cela est déjà fait dans certains domaines avec la robotisation des tâches répétitives par exemple. Le développement de l’intelligence artificielle (IA) approche, quant à lui, des activités que l’on pensait encore réservées à nos cerveaux : l’apprentissage de la connaissance, la réflexion et la décision.

 

La machine peut-elle poser un diagnostic ?

Aujourd’hui, les applications les plus performantes en santé concernent l’imagerie médicale. Le travail du médecin est renforcé par les calculs de la machine qui analyse et compare les clichés. Cela permet d’attirer l’attention du médecin sur certains points significatifs, et d’éviter de passer à côté de quelque chose.

Le diagnostic reste le domaine de l’homme, mais celui-ci est conforté dans un raisonnement qui gagne en sécurité. Un aspect qui n’est pas négligeable alors que l’on cherche à multiplier ce type d’examen permettant de dépister au plus tôt les problèmes de santé, et de renforcer l’efficacité des réponses face à la maladie.

Il est important de mesurer le chemin parcouru depuis les années 80, quand Deep Blue, l’ordinateur d’IBM a battu le grand maître des échecs Gary Kasparov. À l’époque, la victoire reposait sur l’enregistrement d’un très grand nombre de parties afin de comparer un coup possible avec ce qui était connu. Aujourd’hui, la machine apprend. C’est ce qu’a pu faire AlphaGo de Google pour battre le champion du monde du jeu de go. Un événement considéré il y a peu comme impossible.

Naturellement, la santé n’a rien d’un jeu. Mais souvent, notamment en recherche, il s’agit d’analyser des hypothèses, de recueillir des données, et d’en déduire des règles, de prendre des décisions. C’est bien ce qu’expliquait Guy Vallencien, membre de l’Académie nationale de médecine, lors des récents débats de l’Ordre National des Médecins sur ce thème. « On va chercher des éléments, on en élimine d’autres, on accumule et peu à peu on revient à deux ou trois hypothèses pour espérer arriver à la bonne. Cela ne m’inquiète pas que la machine le fasse pour moi parce qu’elle trouvera sans doute des hypothèses auxquelles je ne pense pas parce qu’il y a des cas extrêmement rares ».

Dans ce cas, la machine pourrait-elle supplanter le cerveau humain ? « Je crois que l’outil sera très utile, il a bien sûr ses limites et je ne vois pas un malade accepter comme cela que la machine lui dicte le diagnostic, voire la thérapie », précisait-il.

Cette dimension est fondamentale, comme l’indique le Conseil de l’Ordre dans ses réflexions et recommandations. L’intervention humaine n’est pas limitée par la rationalité des mathématiques. Le médecin peut transgresser le raisonnement pour adapter le traitement à la vie réelle du patient.

Bien souvent en effet, le médecin base son diagnostic sur ses connaissances, ses outils et sa réflexion. Et il définit sa prescription en fonction du vécu, des attentes, des angoisses de son patient.

De son côté, le think-tank Terra Nova, qui a consacré des travaux aux relations entre intelligence artificielle et santé*, reprend cette idée. « Qu’il travaille pour le médecin généraliste ou pour le spécialiste, l’ordinateur aidera à formuler un diagnostic toujours plus sûr et à proposer une thérapie toujours plus pertinente, en s'appuyant sur les innombrables données qui l’alimentent ».

 

Qu’en pensons-nous ?

Selon un sondage CSA pour Libération, de janvier 2018, 94 % des Français ont déjà entendu parler de l’intelligence artificielle (IA), 54 % la définissent assez précisément et 80 % considèrent qu’elle est déjà dans leur quotidien. 85 % des Français pensent que cette technologie va être une véritable révolution, au même titre qu'Internet. Une révolution qui aura lieu dans moins de 10 ans pour 80 % d'entre eux. Par rapport aux développements de l'IA, les Français se sentent spontanément curieux, puis dans un second temps émerge de l'inquiétude. Mais au final, l'optimisme l'emporte.

 

En pratique

L’intelligence artificielle intervient déjà dans le domaine de la santé. Il s’agit surtout, pour le moment, d’accompagner des procédures lourdes, comme l’imagerie médicale (radiographie, scanners, IRM…), ou la chirurgie assistée. Demain, elle sera certainement un outil de base pour de nouvelles approches telles que la télémédecine. En effet, le médecin utilisant cette technologie aura alors un renfort important dans son analyse.

De très nombreuses startup, notamment françaises, travaillent déjà sur de nouveaux projets, faisant souvent intervenir des objets connectés. Jusqu’ici, ces derniers ne faisaient que recueillir des données. Il n’est pas inconcevable, avec les progrès techniques, qu’ils jouent demain un véritable rôle d’accompagnant des patients que nous sommes. Ce sera notamment le cas pour les maladies chroniques, pour la bonne observance des traitements. L’intelligence artificielle peut également venir compléter des techniques déjà existantes, comme la télésurveillance de certains malades cardiaques. Le traitement des données en temps réel, de façon autonome, pourrait alors jouer un rôle important dans la prévention de rechutes ou d’incidents graves.

* La santé à l’heure de l’intelligence artificielle - Terra Nova – décembre 2017

 

Quelques mots pour mieux comprendre

Intelligence artificielle : possibilité, pour une machine, d’analyser des données et d’établir des pronostics sur la survenance d’un événement.

Deep-learning : capacité d’une machine à faire son propre apprentissage, à partir de règles de base et des données à traiter.

Big-data : disponibilité d’une masse importante de données, notamment permise par internet.

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