Santé : des jumeaux numériques devenus incontournables

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Par Violaine Chatal (ANPM-FRANCE MUTUALITÉ)

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Doubles virtuels, les jumeaux numériques permettent de tester des protocoles de recherche ou des médicaments avant de passer aux essais chez l’homme. Quelles sont leurs applications potentielles dans un avenir proche ou lointain ? Les réponses de Rodolphe Thiébaut, professeur à l’université de Bordeaux.

Aussi appelé « digital twin » et bien connu dans le domaine de l’industrie, un jumeau numérique est une sorte de représentation fidèle d’un organisme sous forme de données. « Il s’agit de données simulées à partir d’un modèle ou d’un algorithme eux-mêmes souvent alimentés par des données antérieures », explique Rodolphe Thiébaut, professeur à l’université de Bordeaux.
Ces données bien réelles concernent les malades atteints par la pathologie étudiée. L’intelligence artificielle traite ensuite toutes ces informations afin de tirer des conclusions en particulier prédictives très utiles pour la médecine.

Le champ d’application des jumeaux virtuels est large. « Simuler des données permet d’en obtenir là où il n’y a pas ou peu en raison de la rareté de la situation ou de sa précocité. L’idée est donc d’utiliser ces données simulées, en particulier en recherche clinique, pour le développement de médicaments ou de vaccins. Les jumeaux numériques permettent aussi d’aider à choisir une stratégie à évaluer dans un essai clinique. Mais ils peuvent avoir d’autres applications », explique Rodolphe Thiébaut. Ils permettraient, en effet, de simuler des opérations complexes, d’améliorer la qualité des prothèses, de tester l’efficacité d’une molécule sur l’organisme et de développer plus rapidement de nouveaux médicaments.

Trouver et tester de nouveaux médicaments

« Nous avons l’expérience de ce type d’approche avec une immunothérapie (IL7) développée pour soigner les patients infectés par le VIH qui répondent mal aux traitements antirétroviraux. Nous avons développé un modèle capturant les mécanismes d’action de l’IL7 (une protéine majeure du système immunitaire) à partir des premières données générées et nous avons utilisé ensuite le modèle pour nous guider dans le développement de la molécule notamment lorsque nous nous sommes interrogés concernant l’intérêt potentiel de répéter les injections. Le modèle nous a aidés à décider de poursuivre dans cette voie et nous a aussi aidés à définir le schéma d’étude », détaille le Pr Thiébaut. Il complète : « Nous avons utilisé ce type d’approche avec le vaccin de Janssen contre Ebola et nous travaillons maintenant sur notre vaccin contre la Covid-19 développé par le Vaccine Research Institute en France et la start-up Linkinvax. »

D’autres projets sont également porteurs d’espoirs. Ainsi la start-up française Anatoscope a développé le jumeau numérique de personnes ayant des caractéristiques différentes afin de simuler l’efficacité de prothèses orthopédiques. Le jumeau numérique leur a permis d’obtenir une copie très précise des patients avec leurs muscles et leur ossature puis de créer un appareil adapté.
Les start-up Exactcure et Synapse Medicine ont, de leur côté, travaillé sur une application mobile basée sur un jumeau digital afin de connaître la réponse médicamenteuse de chaque patient et de prévenir les incidents dus à la mauvaise utilisation des médicaments.
Dans un avenir plus ou moins lointain, les jumeaux numériques auront d’autres bénéfices. « Au-delà de permettre une accélération du développement de traitements, certains font le pari que des essais totalement in silico (essais réalisés grâce à l’informatique) pourraient permettre la mise sur le marché de certains médicaments notamment pour traiter les maladies rares », conclut le Pr Thiébaut.

La reconstruction d’un cœur grâce à la simulation des données

Grâce au procédé du jumeau numérique, des cardiologues de l’université de Heidelberg et du CHU de Bordeaux ont pu obtenir la copie numérique d’un cœur et tester différentes approches de reconstruction virtuelle de cet organe dans le cadre de la mise au point d’un outil d’assistance de resynchronisation cardiaque.

Par Violaine Chatal (ANPM-FRANCE MUTUALITÉ)

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