A Pessac, les pharmaciens dépistent les risques d’AVC

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Par Patricia Guipponi

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Les 18 officines de Pessac en Gironde disposent d’un appareil pour repérer la fibrillation auriculaire, cause d’accidents vasculaires. Une première en France initiée par le CHU de Bordeaux.

L’opération ne nécessite que quelques minutes. Le temps de remplir un questionnaire de santé, qui reste anonyme. De positionner ses mains aux extrémités d’un bâton numérique, relié à un ordinateur qui va établir un électrocardiogramme. « Il faut se détendre, ne pas parler. Si l’on est crispé, les résultats peuvent être faussés », souligne le responsable de l’une des dix-huit pharmacies qui participent au programme pilote de dépistage de la fibrillation auriculaire, ou atriale, cause possible d’accidents vasculaires cérébraux. Au centre du bâton, des voyants : lorsque le vert clignote, c’est qu’aucune irrégularité n’a été détectée. Si le rouge s’affiche, c’est qu’il y a une probabilité de trouble du rythme cardiaque. Dans ce cas, la personne concernée repart avec son électrocardiogramme, une lettre à l’attention de son médecin traitant, lequel approfondira l’examen et l’adressera, si besoin est, à un cardiologue.

C’est quoi la fibrillation auriculaire ?

La fibrillation auriculaire est un trouble du rythme cardiaque. Elle est à l’origine de 20 à 30 % des AVC. Le cœur s’accélère et bat de manière irrégulière. Les oreillettes et ventricules se contractent trop vite et de façon non synchronisée. Le rythme cardiaque peut alors atteindre plus de 150 battements par minute au repos. En temps normal, il se situe entre 60 et 100 battements. L’apparition du trouble est favorisée par le vieillissement ainsi que par une pathologie avérée comme l’hyperthyroïdie ou encore l’hypertension artérielle. Ce trouble peut conduire à la formation de caillots dans l’oreillette gauche, qui peut ensuite migrer vers les artères cérébrales et entraîner un infarctus cérébral. La fibrillation peut être de trois ordres:

  • paroxystique : elle se caractérise alors par des crises aiguës, courtes, qui se terminent spontanément.
  • persistante : elle dure plus de sept jours, ne prend pas fin spontanément.
  • permanente : elle est durable. Le rythme cardiaque ne revient pas à la normale.

Les pharmacies en contact direct avec la population

Le test expérimental gratuit et préventif, mis en place depuis la mi-octobre 2018 dans les officines de la commune de Gironde, est une première en France. « Nous avons un rôle essentiel à jouer. Nous sommes en première ligne, proches des administrés. Cela fait partie de notre mission : les informer, conseiller, alerter », souligne ce pharmacien très investi. Plus de quatre-vingts personnes ont défilé, depuis le début de l’opération, dans l’arrière-boutique de sa pharmacie au centre de Pessac. « On a décelé un trouble sur un petit nombre, à présent suivi ».

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« Le dépistage nous permet de toucher un public qui ne se rend pas obligatoirement chez le médecin »

Les données récoltées sont transmises à l’unité neuro-vasculaire du CHU de Bordeaux, à l’origine du projet, où exercent les neurologues François Rouanet et Stéphane Olindo. Ce dernier explique la pertinence d’associer les pharmacies au dépistage : « Elles sont en contact direct avec la population, maillent le territoire national. Elles nous permettent donc de toucher un public qui ne se rend pas obligatoirement chez le médecin ». Même s’il le reconnaît, la ville de Pessac est plutôt bien desservie en matière d’officines, de cliniques, d’hôpitaux, de médecins, ne serait-ce que par sa proximité avec Bordeaux. « Il n’empêche que la fibrillation auriculaire est peu aisée à diagnostiquer et souvent méconnue. C’est une maladie silencieuse ». En effet, le trouble du rythme cardiaque n’est pas forcément perçu immédiatement. L’arythmie peut être permanente ou survenir par épisodes. « On peut consulter son médecin, avoir un rythme cardiaque tout à fait normal et, une fois sorti du cabinet, il s’accélère et devient irrégulier », confie Stéphane Olindo.

Les plus de 65 ans sont les plus touchés par l’arythmie

Les personnes les plus touchées par la fibrillation atriale sont les plus de 65 ans. La maladie concerne 4 % d’entre eux. Ce taux augmente avec l’âge. L’arythmie est plus fréquente chez les femmes car elles ont une plus grande espérance de vie que les hommes. « La ville de Pessac est intéressante pour notre expérimentation. Il y a 60 000 habitants dont 10 000 personnes de plus de 65 ans », poursuit le neurologue, satisfait des résultats obtenus à plus de six mois du début de l’opération.

Quelque 1713 personnes ont fait le test dans les dix-huit officines. « Soixante-dix d’entre elles ont été dépistées positif. Ce qui représente 4 % des sujets. Nous n’avons que la moitié des retours de leurs médecins pour le moment. Nous estimons qu’une dizaine de fibrillations auriculaires méconnues ont été détectées et que ces dix personnes sont aujourd’hui protégées par un traitement anticoagulant ».

Prochaine étape : le Nord-Médoc, territoire moins bien équipé sur le plan médical que Pessac. « Les résultats seront probablement différents car les caractéristiques géographiques, urbanistiques, sociales et humaines sont autres », observe Stéphane Olindo. Là-aussi, quatorze officines sont partie prenante de l’opération.

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