Peut-on devenir « accro » au sucre ?

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Par Isabelle Blin

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© gruizza / Getty Images

Point commun entre un gâteau, un morceau de chocolat ou un pot de pâte à tartiner : le sucre qui flatte agréablement nos papilles, à tel point qu’on a quelquefois du mal à s’en passer. Le sucre serait-il une drogue ?

Le sucre peut entraîner une dépendance.

VRAI. Des chercheurs américains ont adapté tous les critères diagnostiques des drogues à la nourriture industrielle riche en sucres ajoutés. Et ils ont conclu au pouvoir addictif du sucre. Il s’agit sans doute d’une addiction comportementale, plus que physiologique, comme on parle d’addiction à la cigarette, au shopping ou au jeu.

On devient rapidement dépendant au sucre.

FAUX. Ce goût pour le sucré s’amplifie et s’installe au fil du temps. Le sucre appelle le sucre, comme le dit l’adage populaire. La langue abrite en effet des capteurs propres au sucre, qui sont reliés par un nerf spécifique à une région du cerveau, appelée zone de récompense. Chaque fois que l’on mange sucré, on perçoit un sentiment de satisfaction et plus on mange sucré, plus la « dose de bonheur » est importante. « Si ces capteurs sont stimulés dès l’enfance par la consommation de nourriture et de boissons sucrées, l’enfant devenu adulte continuera de rechercher ce goût par habitude », note Ariane Grumbach, diététicienne nutritionniste.

On est « accro » à partir du moment où on ne peut pas s’en passer plus d’une journée.

FAUX. Onze critères comportementaux précis définissent la dépendance. « Pour parler d’addiction, il faut avoir au minimum deux de ces critères sur une période d’au moins 12 mois », rappelle Serge Ahmed, Directeur de recherche CNRS à l’Université de Bordeaux. La sévérité de l’addiction augmente avec le nombre de critères. Par exemple, si vous terminez systématiquement la boite de biscuits alors que vous vouliez n’en manger qu’un. Ou si vous exprimez le désir persistant d’arrêter le sucre ou de modérer votre consommation sans y parvenir. Ou encore si vous continuez à surconsommer du sucre alors que vous savez que c’est dangereux pour votre santé (diabétique).

Quant aux diététiciens, ils estiment qu’une consommation est excessive et peut être considérée comme addictive, lorsque le sucre représente plus de 10 % de la ration calorique de chaque journée.

Avec des sucres lents (céréales, légumineuses…), on ne risque rien.

VRAI. Les sucres lents entraînent une hausse de la glycémie plus lente que les sucres rapides, le conditionnement du cerveau se fait moins rapidement. Il n’y a donc pas de dépendance. En revanche, plus la molécule (le sucre) agit vite, plus elle stimule le circuit de récompense et plus on devient accro. C’est la raison pour laquelle les sucres rapides génèrent un plus grand risque d’addiction.

Les substituts du sucre n’empêchent pas la dépendance.

VRAI. Quand on décide de remplacer le sucre par des édulcorants (additifs alimentaires utilisés pour donner une saveur sucrée aux aliments), on maintient le conditionnement au sucre. Comme nous consommons ces édulcorants au cours d’un repas, le cerveau ne fait pas la différence entre les différents aliments et il relie à tort la sensation sucrée à l’apport de calories et d’énergie. Du coup, il maintient sa préférence pour le sucré.

On peut tous devenir addict au sucre.

FAUX. De même que tout le monde ne peut pas devenir accro à l’héroïne ou au tabac. On estime que 5 à 10 % de la population générale avec un indice de masse corporelle (IMC) normal (entre 20 et 25) deviendra addict au sucre. Si on extrapole à la population française, cela signifie que 1,4 million d’adultes seraient addicts à la nourriture renfermant des sucres ajoutés. Plus les gens ont un IMC important, plus ce risque augmente. Ainsi, 30 à 35 % des personnes obèses avec un IMC supérieur à 40, seraient addicts au sucre.

Si on lutte contre son addiction au sucre, on devient accro à autre chose.

FAUX. Ce n’est pas vrai, dans l’état actuel des connaissances. On peut se déshabituer progressivement en réduisant ou supprimant la quantité de sucre dans son café, son yaourt… En cuisinant soi-même, on maîtrise également les quantités de sucre. Il ne vous viendrait pas à l’idée d’ajouter du sucre dans votre bœuf aux carottes ou votre sauce tomate ! Au supermarché, on peut aussi traquer les sucres cachés grâce à plusieurs applications mobiles gratuites (Yuka, Open Food facts…). Varier ses menus et les agrémenter d’herbes ou d’épices pour flatter ses papilles a également son importance. On a en effet remarqué que lorsque les plats salés ne sont pas assez savoureux, on se rabat sur le sucre pour avoir sa dose de plaisir, car le plaisir fait partie du rassasiement. Si cela ne suffit pas, on peut se faire accompagner par son médecin traitant, un psychologue comportementaliste, un diététicien…

Témoignage

« J’ai arrêté les sucres rapides »

« Il y a trois ans, j’ai arrêté de consommer des sucres rapides. Au début, ça a été l’horreur parce qu’ils sont partout, bien visibles dans le chocolat ou la confiture, mais aussi souvent cachés comme dans le bouillon-cube. Deux mois plus tard, je n’avais plus du tout d’envie physique de sucre, plus de fringales, plus de besoin de rituel sucré à la fin des repas.

Au bout de 12 mois, j’ai réintroduit le sucre, mais de manière très modérée. Aujourd’hui j’en mange sans culpabilité et je peux très bien m’en passer pendant une semaine. Car je n’en ai plus envie. Mon palais a changé, il est devenu plus sensible au sucre et une toute petite quantité me suffit. J’ai réalisé qu’on peut se faire plaisir, se réconforter autrement que par le sucre. »

Danièle Gerkens, auteure de Zéro sucre, Éditions les arènes, 17 €

Article réalisé avec Serge Ahmed, Directeur de recherche CNRS, Université de Bordeaux, Bordeaux Neurocampus, Centre Broca Nouvelle-Aquitaine, IMN UMR CNRS 5293, et Ariane Grumbach, diététicienne nutritionniste.

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