Alzheimer : un projet en faveur d’un diagnostic précoce

Publié le

Par Propos recueillis par Cassandra Poirier

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

Illustration
© Getty Images - Portrait: Youssef Larayedh

Sommaire

Le professeur Philippe Amouyel est le lauréat du Prix Harmonie Mutuelle Alzheimer 2018. Son projet ? Etablir un diagnostic précoce de la maladie.

Philippe Amouyel est professeur de santé publique au CHU de Lille, directeur de laboratoire, et directeur général de la Fondation Alzheimer. Il a reçu le Prix Harmonie Mutuelle Alzheimer 2018 organisé avec la Fondation de l’Avenir. Il nous explique en quoi consistent ses travaux de recherche sur la maladie d’Alzheimer.

 

Votre projet vise à mesurer de façon précoce le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Comment ?

Philippe Amouyel : Nous pensons, aujourd’hui, qu’il faut prévenir et traiter la maladie d’Alzheimer avant l’apparition des premiers symptômes. La maladie va évoluer sur dix ou vingt ans. Le cerveau va alors résister et lutter, jusqu’à ce qu’il ne le puisse plus. C’est à ce moment qu’apparaissent les premiers signes.

Il est indispensable de pouvoir traiter la maladie lorsque le patient possède encore assez de neurones. Grâce à la plasticité cérébrale, le cerveau peut réorganiser son réseau de neurones et recréer des connexions. Pour effectuer un diagnostic précoce du risque de développer la maladie, il nous faut des outils qui ne sont pas seulement cliniques. En complément de de la génétique et de l’imagerie, nous essayons d’explorer un nouveau champ qui est la métabolomique.

Le métabolisme, c’est par exemple la façon dont notre organisme fonctionne et transforme les aliments qu’il ingère. Aujourd’hui, on peut très bien mesurer les acides gras qui sont dans les globules rouges ou encore les glucides sous différentes formes. Ces indicateurs du métabolisme sont nombreux et grâce à des outils de calcul puissants, il est possible de les appréhender de manière globale. C’est ce qu’on appelle le métabolome, soit l’ensemble du métabolisme. On récupère donc une quantité massive d’informations pour un individu. Puis on regarde s’il y a des différences dans le métabolome d’un patient qui sera touché par la maladie d’Alzheimer, en comparaison de quelqu’un qui ne va pas la développer.

 

Votre projet se base sur une approche préventive. Comment, au quotidien, peut-on prévenir l’apparition de cette maladie ?

P.A. : Actuellement, il n’existe pas de médicament curatif, mais on connaît des facteurs qui modifient l’âge du début de la maladie. Tout d’abord, il faut se servir de son cerveau. Il y a des activités qui le stimulent particulièrement bien : le bricolage, le jardinage, les voyages et le tricot, qui sont des activités assez complexes. Il y a aussi certaines activités qu’il faut faire régulièrement, comme la lecture, qui est le meilleur stimulant.

De plus, il est essentiel de protéger son cerveau contre les chocs, mais aussi les toxiques. Il y en a trois qu’il faut absolument supprimer, car ils abîment la barrière hématoencéphalique qui protège le cerveau du reste du corps. Il s’agit de l’alcool, du tabac et des drogues. Ils usent à la longue cette barrière qui devient perméable aux produits toxiques qui détruisent les neurones progressivement. Je conseille également de ne pas retenir ses éternuements et sa toux, pour éviter que l’hyperpression engendrée n’entraine de microlésions vasculaires.

Le cerveau a besoin d’un corps en bonne santé. Il est donc important de prendre en charge le risque cardiovasculaire, l’obésité et la surcharge pondérale, le diabète ou encore l’hypertension artérielle. Ceux qui traitent bien leur hypertension artérielle, en particulier à l’âge de la maturité, réduisent significativement leur risque de développer la maladie d’Alzheimer. Il y a également la qualité du sommeil qui a un rôle à jouer, ou encore la qualité de l’audition. Quand on vieillit, on observe également un vieillissement des organes des sens. Or, ce sont eux qui stimulent le cerveau.

Enfin, la relation avec les autres est fondamentale. L’isolement est donc un facteur qui augmente le risque de développer la maladie. La vie en couple, par exemple, le réduit de moitié. De même, les optimistes font moins d’Alzheimer que les pessimistes. Et l’optimisme, ça se cultive, comme le reste.

 

Quel est l’état de la recherche sur la maladie aujourd’hui ?

P.A. : Nous avons fait beaucoup de progrès au cours des dix dernières années dans la compréhension de la maladie et nous avons besoin de cette connaissance pour avancer. Par exemple, nous savons aujourd’hui que la maladie commence bien avant l’apparition des symptômes. Et cela modifie la façon dont on doit la prendre en charge et appliquer les traitements. Nous commençons à avoir des outils pour diagnostiquer de façon quasi-certaine la maladie d’Alzheimer chez un patient, même si elle demeure très difficile à diagnostiquer. Nous avons également progressé dans la capacité à mesurer le risque et sur tous les aspects de prévention. Avec toutes ces actions de prévention, nous espérons pouvoir aider à repousser l’âge du début symptômes de la maladie, au moins de 5 ans.

Par Propos recueillis par Cassandra Poirier

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir