A l’occasion de la 24e Journée nationale de l’audition, la nouvelle enquête baromètre Ifop-JNA « La place de l’audition dans la santé des Français – Impacts COVID-19 » a confirmé que l’audition n’était pas bien intégrée dans la santé des Français. Sur 12 enjeux de santé, elle n’arrive désormais qu’en 5e position des inquiétudes des Français (loin derrière le cancer et… le covid-19). Nous nous sentons aujourd’hui moins informés et moins inquiets (– 4pts) qu’hier à propos de la surdité et des acouphènes.
Le suivi de l’audition est lui-même relégué après celui des autres facteurs de santé et subit, comme pour ces derniers, le report de consultation. 12 % des répondants ont ainsi dû renoncer à un bilan ORL complet à cause de la crise sanitaire.
Ce moindre intérêt peut se comprendre dans un contexte médical et médiatique focalisé sur le covid-19. Il n’en demeure pas moins inquiétant au regard des enjeux sanitaires liés à l’audition. Dans un rapport que vient de publier l’Organisation Mondiale de la Santé, on apprend que les déficiences auditives concerneront près de 2,5 milliards de personnes d’ici à 2050 et que 700 millions de ces personnes, au moins, auront besoin de soins auriculaires et auditifs mais aussi de réadaptation.
Or, au-delà des impacts en termes de santé, ces troubles ont des conséquences lourdes sur la qualité de vie. « Une déficience auditive non soignée peut avoir des effets dévastateurs sur l’aptitude des personnes à communiquer, à s’instruire et à gagner leur vie. Elle peut aussi avoir des répercussions sur la santé mentale et sur la capacité à entretenir des relations », alerte le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS.
La presbyacousie (diminution de l’audition liée au vieillissement) a longtemps constitué une des principales causes de dégradation de l’ouïe. Dans nos sociétés modernes, ce sont désormais les facteurs environnementaux qui sont pointés du doigt : transports, téléphonie, musique, travaux, voisinage, travail en open-space…
« Nos oreilles sont les mêmes que celles des premiers hommes à qui elles permettaient essentiellement de communiquer et de détecter le danger. Pas plus qu’hier elles ne sont faites pour être sollicitées en permanence et absorber autant de décibels », estime Jean-Luc Puel, président de l’association Journée nationale de l’audition (JNA) et directeur de l’Institut des neurosciences de Montpellier. Et, pour ce dernier, certaines normes doivent impérativement être respectées :
Au-delà de ces normes, en effet, les sollicitations se transforment en agressions pures et simples pour nos primitives oreilles. Concrètement, ces abus provoquent la formation de substances toxiques qui s’accumulent au niveau des cellules ciliées logées dans l’oreille interne (cochlée). Or ce sont ces cellules qui assurent la transformation de l’énergie mécanique vibratoire provoquée par un son en électricité transmise ensuite par le nerf auditif au cerveau. Quand elles sont détruites, elles ne se régénèrent pas et ne se réparent pas. C’est notre capital auditif, ainsi constitué de 16 000 cellules ciliées, qui disparaît.
L’étude de l’Ifop, conduite pendant la crise sanitaire, révèle les effets délétères de celle-ci sur notre capital auditif. L’exposition au bruit extérieur a certes diminué mais d’autres sources de bruit ont pris le relais dans les logements, à la faveur du développement du travail et de la formation à distance.
Les difficultés de compréhension de la parole, déjà bien réelles avec le port du masque, sont en effet accentuées par l’écoute via des dispositifs connectés : oreillettes, casques, haut-parleur, enceintes. Plus d’un tiers des télétravailleurs quotidiens – soit presque le triple de la moyenne – ont, d’après l’étude de l’Ifop, déjà ressenti des troubles auditifs suite à l’usage de ces appareils.
L’origine de ces troubles n’est autre que la fatigue auditive résultant d’une concentration visuelle et auditive plus soutenue en distanciel. L’épuisement de l’oreille arrive d’autant plus vite que le matériel n’est pas adapté (oreillette, casque sans réduction de bruit…). Il peut s’accompagner assez rapidement d’une hypersensibilité au bruit, de pertes de concentration avant que ne surviennent sifflements, bourdonnements et acouphènes.
Jusqu’au moment où, à force d’agression, les cellules ciliées lâcheront, avec pour conséquence une surdité ou des acouphènes définitifs.
On ne sait pas encore réparer le capital auditif. On peut toutefois compter sur une forme de récupération, à condition de respecter certaines normes. Comme l’oreille fonctionne en permanence, il faut la mettre volontairement au repos pour rétablir les seuils auditifs après une écoute à volume élevé ou même seulement longue :
*80 dB correspondant par exemple au bruit d’une circulation automobile dense, 70 dB au bruit d’une tondeuse à gazon et 90 dB celui d’un TGV.