Faut-il avoir peur des nanomatériaux ?

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Par Nadine Allain (anpm)

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© Getty Images/Wavebreak Media

Les effets des nanomatériaux sur notre santé et l’environnement sont encore mal connus. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) appelle à davantage de vigilance, notamment au niveau européen.

Quel est le point commun entre votre dentifrice, vos chaussettes et le sel de table ? Ils contiennent tous des nanomatériaux. Depuis une dizaine d’années, ces particules microscopiques dont la taille se mesure en nanomètres – ou milliardièmes de mètre – se sont multipliées à notre insu dans notre vie quotidienne.

On les trouve dans les crèmes solaires (comme filtre contre les rayons ultraviolets), le sucre en poudre et le sel (comme agent antiagglomérant) ou les textiles (comme antibactérien contre les mauvaises odeurs). Leurs remarquables propriétés physiques, chimiques ou biologiques intéressent de plus en plus de secteurs industriels comme le bâtiment, l’automobile, l’emballage, la chimie, l’environnement, l’énergie ou la santé.

 

D’invisible lilliputiens

Silice, alumine, carbonate de calcium, noir de carbone, dioxyde de titane : leurs noms vous rappelleront vos cours de chimie. Ils pénètrent ou effleurent notre peau, on les avale, on les respire sans le savoir. Ces « lilliputiens » risquent-ils d’avoir un effet néfaste sur notre santé et sur l’environnement ? C’est la question que se sont posée les experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Deux ans de consultation des données disponibles au niveau international, de débats et de réflexions, et, pour finir, la publication en mai dernier d’un gros rapport intitulé : « Evaluation des risques liés aux nanomatériaux ».

« Il n’existe pas à l’heure actuelle de données directement sur l’homme », indique le directeur général de l’Anses, Marc Mortureux. Mais sur la base de tests in vitro et in vivo sur l’animal, l’agence relève « les nombreux effets plus ou moins inquiétants de certaines de ces substances » : persistance dans des organismes vivants, retards de croissance ou malformations dans le développement ou la reproduction de certaines espèces, passage de certaines barrières physiologiques (hémato-placentaire, testiculaire, intestinale, cutanée, alvéoles pulmonaires), effets cancérogènes ou génotoxiques*, effets sur le cerveau, sur le système immunitaire, réactions d’hypersensibilité et d’allergie…

Tout cela n’est guère rassurant ! D’autant que les scientifiques soulignent aussi « une grande complexité à appréhender les diverses situations d’exposition pour l’homme et l’environnement », chaque nanomatériau présentant des caractéristiques physico-chimiques particulières pouvant dépendre de son environnement.

*Une substance est dite génotoxique ou mutagène quand elle peut provoquer des mutations génétiques pouvant notamment être à l’origine d’une déficience transmise aux descendants et/ou de cancers.

 

Favoriser la recherche et la traçabilité

Dans son rapport, l’Anses émet plusieurs recommandations, concernant notamment la recherche et la réglementation. En matière de recherche, elle préconise la mise en œuvre de projets pluridisciplinaires pour mieux connaître les caractéristiques et les dangers de ces substances tout au long de leur cycle de vie. Elle propose notamment de favoriser le développement d’essais de sécurité.

« Nous recommandons aussi un encadrement plus strict des nanomatériaux selon les réglementations européennes CLP (sur la classification, l’étiquetage et l’empaquetage des substances et des mélanges) et Reach (sur les substances chimiques) », insiste Marc Mortureux.

Ce cadre réglementaire renforcerait la traçabilité – de la production à la distribution –, des nanomatériaux intégrés dans les produits de consommation. Cela permettrait de mieux préciser les expositions des consommateurs et des travailleurs et de mieux détecter les risques.

 

Les chiffres clés

500 000 tonnes de substances à l’état nanoparticulaire ont été mises sur le marché français en 2012, selon les déclarations obligatoires des entreprises faites au ministère du Développement durable.

10 000 travailleurs environ sont exposés à ces substances dans l’industrie et les laboratoires.

 

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